Enfants·Prose

La mine (2/3)

Chapitre 2

Quand Hector se réveilla, le lendemain matin, il s’étira et regarda par la fenêtre. Quelques rapaces planaient dans le ciel encore presque blanc. Il se tourna vers sa sœur qui dormait à côté de lui sur la mansarde. Elle avait l’air si paisible dans son sommeil qu’Hector la regarda tout ému pendant un assez long moment. Il se demandait si elle ressemblait à leur maman. Cette dernière était décédée il y a si longtemps qu’il ne se souvenait plus d’elle. Peut-être cela l’avait-il encore plus rapproché de sa sœur. Enfin, il la secoua doucement et elle grogna. Elle rejeta sa couverture et s’assit, les cheveux en bataille. Hector rit.
« Pourquoi te moques-tu de moi ? se plaignit-elle.
– Je ne me moque pas de toi, la consola-t-il. Mais ta coiffure est vraiment trop drôle. »
Tina tira la langue à son frère, lui sourit sans rancune et tenta de démêler ses cheveux. Ses doigts rencontraient sans cesse de nouveaux nœuds et elle grimaça généreusement. Pendant ce temps, Hector tendit le bras vers l’échelle qui était accrochée au mur, la saisit et la mit en place. Tous deux descendirent au rez-de-chaussée. Tina soupira en foulant du pied le sol froid.
« Au moins, murmura-t-elle, nous avons un toit, de quoi nous chauffer et assez à manger.
– Tu parles toute seule ? s’étonna Hector.
– J’essaie de me réjouir de ce que nous avons au lieu de me plaindre de ce que nous n’avons pas, expliqua-t-elle.
– Et bien, s’exclama Hector, je suis content de trouver du pain dans la huche, même s’il est un peu sec.
– Du pain sec ? s’exclama Tina. J’en veux ! J’aime trop grignoter du pain sec.
– Tu ne changeras jamais ! s’amusa son frère.
– Tu sais, hier j’ai été apporter du pain frais à la maman de Maurice, parce qu’elle est malade, poursuivit-elle à mi-voix. Elle m’a semblé aussi vieille que Grand-mère. »
Les enfants sortirent de la maison et se mirent en chemin pour prendre le bus. Ils n’avaient pas vu leurs grands-parents, ce qui n’était pas habituel ; mais il était l’heure de partir.
« Grand-père et grand-mère ne sont pas très vieux, remarqua Hector. Ils étaient jeunes quand Papa est né. Et Papa était jeune quand nous sommes nés… Ah ! voilà justement Maurice ! »
Une fois de plus, Maurice se montra très inamical et les regarda de travers. Hector et Tina soupirèrent. Qu’il était difficile de se montrer gentil avec lui !

« N’est-ce pas grand-mère qui vient à notre rencontre ? s’étonna Tina quand ils rentrèrent de l’école en ce vendredi après-midi.
– Mais oui ! s’exclama Hector. Qu’est-ce qu’elle veut nous dire ? Elle fait plein de grands gestes ! »
Tous deux se mirent à courir vers elle.
« Hector ! Tina ! nous avons besoin de votre aide ! supplia-t-elle la voix hachée. Les moutons sont partis.
– Partis ?! répéta Hector sans comprendre.
– La bergerie était vide ce matin et la porte ouverte. Peut-être le vent…
– Le vent ? réfléchit Hector. Ça m’étonnerait…
– Grand-père a parcouru les pâturages toute la journée. Il en manque encore deux : Pétale et Soquette.
– Nous les chercherons aussi ! » offrit Tina.
Elle tendit son sac d’école à sa grand-mère et Hector l’imita aussitôt. Puis tous deux partirent arpenter la campagne.
« Pétale !
– Soquette ! »
Leurs appels se perdaient dans l’immensité des pâturages, emportés par le vent.
« Pétale !
– Soquette !
– Vous cherchez quelqu’un ? »
Hector et Tina sursautèrent. Ils n’avaient pas vu Albert.
« Oui, deux de nos moutons manquent. Tu n’aurais pas vu quelque chose ?
– Je n’ai rien vu, répondit Albert, mais il m’a semblé entendre un bêlement tout à l’heure…
– Où ça ?! s’écria Hector. Montre-nous vite ! »
Albert les conduisit à travers la campagne et s’arrêta devant un trou qui s’enfonçait dans la montagne.
« C’est là » dit-il simplement.
Hector et Tina tendirent l’oreille. En effet, un faible bêlement se faisait entendre.
« Merci mille fois, Albert ! soupira Hector. Tina, reste là. Je vais chercher une lampe. »
Tina regarda Albert rejoindre le village et Hector leur maisonnette. De temps en temps, si elle se concentrait, elle entendait bêler. Enfin, son frère revint.
« Tu as vu les grands-parents ? demanda Tina.
– Non, il n’y avait personne. Allons-y maintenant. La brebis est peut-être blessée ! »
Les enfants descendirent dans le trou à l’aide des pieds et des mains. La pente était raide, mais pas à-pic. Rapidement, l’obscurité les enveloppa et Hector alluma la lampe, qu’il tint entre ses dents. Ils arrivèrent enfin sur un sol plat. Le garçon balaya la cavité avec sa lampe.
« Je crois qu’on est dans la mine, murmura-t-il. Regarde les étais et les étrésillons.
– Les quoi ? chuchota Tina.
– Les étais sont les poutres verticales qui soutiennent le plafond et les étrésillons sont les poutres horizontales qui retiennent les murs.
– Comment sais-tu tout ça ?
– J’en discutais avec grand-père hier soir. Tu n’as pas entendu ?
– Je n’ai pas pris garde » avoua-t-elle.
A ce moment, le bêlement se fit à nouveau entendre, plus distinctement. Le frère et la sœur se prirent la main et s’enfoncèrent dans la mine. Hector restait très concentré. Trente-cinq pas tout droit, puis à gauche. Dix-huit pas de plus, puis à droite. Encore une fois à gauche, puis encore une fois. Les galeries se succédaient, parfois étroites, parfois si basse qu’ils devaient marcher courbés.
« Je m’étonne que le mouton soit allé si loin, murmura Hector.
– Et moi je m’étonne que les galeries ne soient pas plus grandes, répliqua sa sœur.
– Ça n’a jamais été une grande mine, tu sais… »
Encore un contour. Puis Hector et Tina s’arrêtèrent pétrifiés. Là devant eux, dans le halo de leur lampe, Maurice bêlait.
« Qu’est-ce que ça signifie ? demanda enfin Hector.
– Que vous êtes tombés dans mon piège, ricana Maurice. Donne-moi ton plan.
– Ça ne va pas, non ?! Je ne veux pas m’en séparer ! » se défendit Hector. Il venait de le découvrir la veille et pour lui, ce morceau de papier, dessiné par son propre père, valait tout un trésor.
« Donne ! » rugit Maurice.
Il se précipita sur Hector et il y eut une courte bagarre. A côté d’eux, Tina récitait en tremblant :
« Donne à quiconque te demande et ne réclame pas ton bien à celui qui le prend. »
Hector l’entendit et hésita sur la conduite à tenir. Maurice profita de ce manque de vigilance, trouva le papier dans la poche de son adversaire et cria de joie.
« A moi le trésor ! » jubila-t-il en s’enfuyant.
« Le plan de papa ! se lamenta Hector.
– J’avais tellement peur qu’il te fasse du mal » sanglota Tina. 
Hector se rendit alors compte de la terreur de la jeune fille. Il la serra dans ses bras.
« Je vais bien, la rassura-t-il. Et tu as bien fait de me rappeler ce verset. Sans toi, j’aurais continué à me bagarrer pour… »
Il ne put achever sa phrase. Ils entendirent un grand bruit suivi de hurlements.
« Maurice ! 
– Il est sûrement tombé !
– A l’entendre, il a dû se faire rudement mal ! »
Hector reprit sa lampe et ils commencèrent à rebrousser chemin.
« Tiens ! Il s’est trompé ! remarqua Hector. Nous sommes venus depuis la droite et les cris viennent depuis la gauche. »
Ils bifurquèrent et virent enfin Maurice gisant sur le sol. Hector et Tina accoururent.
« Tina ! prends la lampe de Maurice et éclaire-moi. Je verrai mieux ! La nôtre commence à faiblir. »
Tina fouilla les environs et trouva la lampe de Maurice. Elle appuya sur le bouton. Rien.
« Elle est cassée !
– Alors prends les piles et donne-les moi. Vite ! »
Tina ouvrit rapidement le compartiment.
« Ce sont de très grosses piles, remarqua-t-elle.
– Mince ! Ce ne sont pas les mêmes ! Tant pis, dépêchons-nous ! Maurice saigne d’un peu partout. »
Il tendit sa lampe à Tina qui éclaira la scène. Hector enleva à la hâte sa chemise et la déchira en lanières. Il banda de son mieux la tête du blessé qui criait toujours.
« Maurice ! Tais-toi donc un peu et dis-moi où tu as mal, lui ordonna sèchement Hector.
– Ce… sont… les… bras… » ahana-t-il.
Hector souleva délicatement le bras droit de Maurice.
« Aïe ! hurla-t-il.
– J’ai bien peur qu’il ne soit cassé » constata Hector.
Il enjamba le blessé et tâta l’autre bras.
« Celui…-là… aussi… » articula péniblement Maurice.
Que faire ? Tina avisa des planchettes qui traînaient le long du mur, au milieu d’un amoncellement d’autres débris. Hector les prit et immobilisa du mieux qu’il put les bras de Maurice.
« Maintenant, il faut te lever ! »
Hector aida Maurice à se mettre sur les genoux, puis à se mettre debout.
« Je n’arriverai jamais à grimper hors d’ici… gémit Maurice.
– C’est vrai, je n’y avais pas pensé, avoua Hector en songeant au long chemin parcouru depuis l’entrée dans la mine. Mais il y a une cheminée d’aération près d’ici. Nous allons y aller. Puis je te lancerai une corde, Tina te l’attachera et je te hisserai. En route ! »
Hector ouvrait la marche et Tina soutenait Maurice.
« Il fallait tourner à droite ! affirma Maurice après quelques pas laborieux.
– Non, rétorqua Hector. Pour aller au puits, c’est par là.
– Comment tu le sais ?! Je suis plus vieux que toi. C’est moi qui ai raison ! s’irrita Maurice.
– Tu n’as que douze ans ! A peine six mois de plus que moi ! rit Hector. Et puis, si je sais par où aller, c’est parce que j’ai appris le plan par cœur et que je sais exactement où nous sommes.
– Quel plan ?
– Celui que tu viens de me voler. Le plan de la mine. 
– Ah… Le plan de la mine… Je suis sûr qu’il se trompe.
– Certainement pas ! C’est mon père qui l’a dessiné. Il connaissait bien la mine, lui.
– Le mien la connaissait mieux.
– Peut-être, mais il ne t’a pas laissé de plan.
– Prends à gauche maintenant ! ordonna Maurice.
– Il faut aller tout droit, expliqua patiemment Hector.
– Tina, tourne à gauche, supplia Maurice. La galerie est plus haute.
– Non, je suis mon frère qui suis le plan, lui rétorqua-t-elle.
– Mais celle-ci est trop basse !
– Allez, le puits est juste à l’autre bout » l’encouragea Hector.
Maurice pesta de tout son cœur, mais il n’avait pas le choix. Le plafond de la galerie s’éleva soudain.
« Stop ! cria Hector. Le puits est juste devant nous. »
Tous trois s’arrêtèrent. Ils avaient marché moins de deux minutes ; pourtant Maurice paraissait épuisé.
« Maintenant, reprit Hector, je vais vous laisser. Je vais chercher une corde ou quelque chose de semblable et on fait comme j’ai dit.
– Comment retrouveras-tu le trou ? s’inquiéta Maurice.
– Je trouverai la bonne direction grâce au plan.
– Je te le rends si tu veux, bredouilla Maurice.
– Donne-le plutôt à Tina, elle en aura besoin pour ressortir. Quand je serai arrivé à proximité du puits, je vous appellerai. Dès que vous entendrez ma voix, criez en retour. Cela me guidera. A bientôt. Je prends la lampe pour aller plus vite.
– Non ! s’écria Maurice ! Il fera noir comme dans un four !
– Le puits apporte un peu de lumière.
– Presque rien ! »
Devant l’effroi de Maurice, Hector capitula et lui laissa la lampe. Il s’engouffra dans le noir à tâtons. Heureusement que le sol de la mine était assez régulier. Ce n’était pas comme s’il s’agissait de grottes naturelles. Plusieurs minutes s’écoulèrent dans un silence de mort.
« On ne va jamais s’en sortir, gémit Maurice. J’aurais dû laisser la lampe à Hector. Il va se perdre dans ce labyrinthe.
– Non, le rassura Tina. S’il dit qu’il a appris le plan par cœur, c’est que c’est vrai. Fais-lui confiance. Il te sortira de là.
– Je suis trop lourd pour lui, il n’arrivera jamais à me hisser hors du trou.
– Tout ira bien, fais-lui confiance.
– Il ne va pas revenir, se lamenta-t-il encore.
– Et pourquoi pas ? questionna Tina.
– Il ne m’aime pas…
– Et pourquoi pas ? » répéta-t-elle.
Maurice laissa s’écouler de longues secondes.
« Parce que je suis méchant avec lui… avoua-t-il enfin.
– Et peut-être pas avec moi ?
– Aussi, reconnut-il en baissant la tête.
– Si je voulais me venger, je pourrais partir et t’abandonner ici tout seul. J’y ai pensé.
– Pourquoi ne fais-tu pas ? »
Tina ne répondit pas tout de suite. Elle ressentait tant de choses dans son cœur, mais n’arrivait pas les exprimer avec des mots.
« C’est comme Jésus » finit-elle par dire. Elle n’avait pas trouvé mieux pour exprimer ses pensées.
A cet instant, elle perçut de lointains appels.
« Hoé ! cria-t-elle à pleins poumons ! Ici !
– J’arrive !
– Tu vois ? jubila Tina. Il est là.
– Je ne le vois pas, bougonna Maurice. La douleur le rendait de mauvaise humeur.
– La corde ! s’écria la jeune fille.
– Ça une corde ?! se récria Maurice. Ça ne tiendra jamais ! »
Tina la saisit et reconnut le drap de lit de son frère. Elle tira jusqu’à ce que ce ne soit plus possible et tenta de nouer la corde improvisée autour du torse de Maurice. Impossible. Il manquait un bout.
« Tu vois ! Ça n’ira jamais ! » se lamenta Maurice. 
Tina considéra le bout qui manquait, regarda autour d’elle et posa finalement ses yeux sur sa robe. Elle hésita un instant, car c’était sa robe préférée. Puis elle la retira, la déchira le cœur gros et rallongea la corde de fortune. Cette fois, c’était bon ! Elle poussa un soupir de soulagement.
« Hector va te remonter. »
A ce moment la lampe flancha et ils se trouvèrent dans une obscurité totale, à l’exception d’une tache grisâtre là où se situait le puits.
« Vas-y ! » cria Tina.
Maurice sentit la corde se tendre. Hector avait entendu le cri de sa sœur et s’apprêtait à remonter le blessé.
« Vas-y ! répéta Tina à l’adresse de Maurice.
– Y a un trou ! bafouilla-t-il.
– Je sais bien, mais tu es attaché.
– Qu’est-ce qui me garantit que je ne vais pas m’écraser en bas ?
– Ta confiance en Hector ! »
Comme Maurice hésitait encore, Tina lui murmura tout bas :
« Fais-nous confiance, Maurice. Tu nous as fait du mal, mais nous voulons ton bien. Crois. »
Vaincu par cette voix douce, Maurice fit un pas en avant. Il balança dans le vide et cria de terreur et de douleur. Les draps noués les uns aux autres laissaient échapper des bruits inquiétants. Lentement, il se sentit hissé vers le haut. En levant la tête, il vit un rond bleu se découper nettement sur le noir qui l’entourait. Puis il commença à discerner la terre et les pierrailles de la paroi du puits. Enfin deux paires de bras se tendirent vers lui. Hector et sa grand-mère le saisirent sous les aisselles et le ramenèrent sur la terre ferme. Jamais il n’avait eu aussi peur de sa vie. Ni aussi mal.
« Alors mon garçon, dit une voix grave, on revient de loin ? »
Maurice se tourna et vit le grand-père d’Hector qui le dévisageait avec chaleur. C’était lui qui avait tiré la corde. Celle-ci gisait maintenant dans l’herbe sèche et les pierres, lacérée par le traitement qu’elle avait subi. C’était presqu’un miracle qu’elle n’ait pas cédé. Ils se dirigèrent maintenant vers la maisonnette. Le village était un peu plus loin.
« Tina nous rejoindra bientôt, expliqua Hector. Elle a le plan de la mine.
– Misère ! s’écria Maurice. La lampe est raide ! Elle n’y voit rien ! »
Hector blêmit. Tina était restée près du trou. Pourvu qu’elle n’y tombât pas !
« Je vais la chercher !
– Prends une lanterne et des allumettes ! lui conseilla Grand-mère.
– Oui, c’est vrai. Merci. »
Hector courut chez lui, prit de quoi s’éclairer et repartit le plus vite possible vers la mine. Pendant ce temps, Maurice, soutenu par la grand-mère et le grand-père pénétrait chez eux. Avec stupeur, il regarda le sol en terre battue, parsemé de creux et de bosses, le vieux fourneau, le peu de mobilier. Le grand-père lui avança la chaise :
« Assieds-toi un moment, proposa-t-il aimablement.
– Je vais au village appeler le médecin et avertir ta maman, lança la grand-mère.
– Le docteur ne sera pas là avant un moment, précisa le grand-père. Nous avons du temps pour causer. Veux-tu boire quelque chose ? »
Maurice hocha la tête. Il avait la gorge très sèche. Le grand-père lui servit une tasse de lait et le fit boire comme un bébé.
« Merci » bredouilla-t-il.
Puis il regarda intensément la tasse vide posée devant lui et commença à pleurer.
« Je vous demande pardon ! hoqueta-t-il.
– Pourquoi donc ? » s’étonna le grand-père.
Maurice lui avoua qu’il avait chassé les moutons, puis attiré Hector et Tina dans la mine pour leur voler le plan. Le grand-père l’écoutait attentivement et Maurice était surpris qu’il ne manifestât pas de colère.
« J’étais persuadé que le plan indiquait l’emplacement d’un trésor… C’était ridicule et j’en ai honte, ajouta-t-il. Je trouvais que nous étions trop pauvres et je vois aujourd’hui que vous l’êtes encore bien plus. »
Puis, pour passer le temps, et aussi parce qu’il se sentait coupable, il se mit à raconter tout ce qui s’était passé dans la mine.
« Mais il y a une chose que je ne comprends pas, termina-t-il. Quand j’ai demandé à Tina pourquoi elle ne m’abandonnait pas là-bas en-bas, elle m’a dit que c’était comme Jésus… »
Le grand-père sourit et dit paisiblement :
« Je trouve ton aventure très intéressante. Et à travers elle, je vais t’expliquer ce que Tina voulait te dire. La vie est un peu comme la mine. Il y a des chemins faciles, d’autres difficiles et ceux que l’on croit bons ne le sont pas forcément. Comment faire pour ne pas s’y égarer ?
– Il faut un plan, proposa Maurice en repensant à sa mésaventure.
– Ce plan existe, lui révéla le grand-père, une lueur étrange et merveilleuse dans les yeux. C’est la Bible. Elle nous parle de la part de Dieu et c’est seulement par elle que nous pouvons trouver le bon chemin. Mais avoir un plan ne suffit pas. Que faut-il encore ?
– Une lampe, suggéra Maurice.
– Exactement, approuva le grand-père. Sans lumière, pas moyen de lire le plan, ni de voir le chemin. La lumière qui nous permet de lire la Bible s’appelle le Saint-Esprit. Il faut le demander à Dieu, qui le donnera à tous ceux qui le supplient sincèrement. Mais, poursuivit-il sur un ton un peu taquin, dis-moi… comment t’es-tu sauvé ?
– Je ne me suis pas sauvé, reconnut piteusement Maurice. Ce sont Hector et Tina qui ont tout fait, alors même que je n’étais pas gentil avec eux.
– Tu n’aurais pas pu sortir seul de la mine ; tu n’as même pas pu aider Hector et Tina à te sortir de là, bien au contraire ; mais finalement, tu as cru ce que te disait Tina et tu as fait le pas dans le vide. Tu as eu foi en sa parole, tu lui as fait confiance. Es-tu tombé ?
– Non. J’avais très peur, mais la corde m’a retenu. Ou plutôt, c’est vous qui m’avez retenu… et même hissé.
– Oui. Dieu nous donne sa grâce ; il nous sauve gratuitement alors que nous ne le méritons pas du tout. Cette grâce, ce cadeau est comme cette corde qui t’a sorti du noir. C’est lui qui la tient, et c’est lui qui nous tire en-haut et il ne la lâchera jamais, expliqua le grand-père en posant sur le garçon un regard chargé d’affection.
– Votre corde était quand même bizarre… » frissonna Maurice.
Le grand-père eut un curieux petit rire.
« Nous n’avions pas de corde et pas le temps de frapper à toutes les portes du village, sachant que la plupart n’étaient pas encore rentrés du travail. Nous avons dû sacrifier tous nos draps de lit. Notre corde était fragile, c’est bien vrai, mais celle de Dieu est incassable ! Quant à nous, s’amusa le grand-père, nous dormirons sur la paille, tant pis !
– La paille ? s’exclama Maurice incrédule.
– Nous avions seulement des matelas de paille. Maintenant, ce ne sont plus que des tas… 
– Mon sauvetage vous a coûté cher…
– Mon sauvetage a coûté plus cher à Dieu, affirma le grand-père soudain très sérieux.
– Votre sauvetage ?
– Nous avons tous besoin d’être sauvés par Dieu, car nous faisons tous des bêtises et des choses mauvaises (et moi aussi) et pour cela, nous méritons d’être punis et d’être séparés loin de Dieu, car il ne supporte pas du tout le mal ; on dit qu’il est saint. Nous méritons aussi sa colère. Mais Dieu ne voulait pas que nous soyons tous malheureux. Pour remédier à ce problème, Jésus, le Fils unique de Dieu est venu sur la Terre vivre une vie parfaite. Puis, lui qui ne méritait aucune punition, a supporté notre châtiment. Pour cela, il a dû mourir sur une croix. C’était terrible, dit le Grand-Père en frissonnant. Mais ainsi, il est devenu le seul chemin qui nous sauve. C’est en croyant en lui que nous sommes sauvés. »
Maurice hocha la tête. Il comprenait, au moins en partie, mais…
« C’est comme quand j’étais devant le puits de la mine. Je lutte pour faire le pas… expliqua-t-il.
– Ne lutte pas trop longtemps » l’encouragea le grand-père.
Maurice sursauta en entendant grincer les gonds. Il se retourna et vit Hector et Tina entrer. Ils n’avaient pas fière allure, à moitié nus, noirs de charbon, l’air frigorifiés. Maurice eut encore plus honte de lui. Il se releva et malgré sa douleur, s’avança au-devant d’eux.
Hector et Tina dévisagèrent un Maurice méconnaissable. Ses vêtements étaient noircis et déchirés aux genoux, ses bras et sa tête sommairement bandés avec la chemise de toile d’Hector. Mais surtout, son regard n’était plus le même.
« Hector, Tina, je vous demande pardon, dit-il doucement. Et aussi merci. Je vous ai fait du mal et vous m’avez fait du bien ; je ne l’oublierai jamais.
– Avec plaisir » répondit Tina tout en se frictionnant.
Hector ne dit rien, mais posa amicalement sa main sur l’épaule de Maurice et lui sourit. Puis les enfants firent leur toilette et se rhabillèrent. Le grand-père leur préparait un lait chaud pour les réconforter.
« Où est Grand-mère ? s’étonna Hector.
– Elle est allée appeler le médecin et voir la maman de Maurice pour lui annoncer l’accident.
– Maman est malade, s’affola soudain Maurice. Je n’y pensais jamais ! Dire que je n’ai pas pris soin d’elle ! »
Maurice baissa douloureusement les yeux. Qui allait s’occuper de lui ? Qui allait s’occuper de sa mère ? 

8 commentaires sur “La mine (2/3)

    1. Merci 🙂
      La proposition me fait plaisir, c’est à réfléchir 😉 Pour l’instant, je suis dans une série de cinq histoires pour ce même camp (je n’ai pas encore fini). Ça fera au moins une mini série 🙂 Mais ayant des filles de bientôt 7 et 9 ans, je rêve qu’il y ait plus d’histoires chrétiennes pour leurs âges…

      Aimé par 1 personne

      1. Il y en a de plus en plus !
        On commence à en trouver dans les librairies chrétiennes… d’auteurs francophones !
        J’écris moi aussi une série de quatre livres pour enfants (9/12 ans) je suis en pleine relecture du quatrième et les trois premiers sont publiés par une maison d’édition chrétienne.
        J’aime beaucoup ce que tu écris. J’espère avoir l’occasion de lire toute la série ! 😉

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  1. Merci Ève Alpi. Je me réjouis de vous lire ! Ma fille aînée est une fan d’histoires et en souhaite pour tous ses anniversaires et Noëls ! C’est surtout pour les moins de 8 ans que je ressens le manque de livres…

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