Est-ce qu’un silence se soigne ?

Un colossal tigre d’Asie
Croise une rose de Damas
Dans un désert de poésie
Introuvable dans les atlas

Le fauve de feu, grandiose
S’assied, se fige juste là
Devant la sémillante rose
Qui irradie le magenta

« Comment aborder une fleur ?
Il me faudrait, comme souffleur,
Un livre de rhodologie*
Ou de Ronsard, une élégie »

« Je veux bien nouer des liens
Avec ce félin formidable
Au pelage régalien,
Mais comment fait-on une fable ? »

« Elle est si frêle et si gracile
Comme l’herbe de ma forêt
Vois, elle plie ! Belle indocile
Dans le joli matin doré »

« Ses yeux de jade m’électrisent
Je voudrais pouvoir lui parler
Mais ses griffes me terrorisent
Et me somment de reculer »

« Ce parfum ! Mon Dieu, ce parfum !
Les effluves, goutte après goutte
Colorent le sable des routes
Sèment de partout des embruns… »

« Est-il réel ou en papier ?
Son éclat d’or brouille ma vue
Un pétale tombe à ses pieds
Bouteille à la mer, jamais vue… »

Voilà, c’est fini. Il s’éloigne
Déjà, il lui tourne le dos
Terrible mort : celle des mots
Est-ce qu’un silence se soigne ?

Si vous voulez une autre fin
Il faut retourner au jardin
D’Eden. Ici, les mots sont libres
Les roses parlent avec les tigres !

David, 8 juillet 2021

*rhodologie : banche de la botanique qui étudie les roses. Du grec rhodon, rose et logos, discours.

Ce poème est une participation au défi du mois de juin « Le tigre et la rose ». Je vous invite à lire les autres participations qui sont toutes remarquables.

A l’occasion de ce défi, nous avons eu le plaisir de rencontrer de nombreux mots rares. En tant que poètes et auteurs, nous sommes certainement les premiers gardiens des mots. L’un de nos rôles est d’utiliser parfois des mots rares pour les maintenir en vie et en faire découvrir les saveurs. Voici d’ailleurs un petit garde-manger des mots utilisés dans le cadre de ce défi.

Le garde-mots du défi « Le Tigre et la Rose »

anaglyphe : Nom que donnaient les Anciens à tous les ouvrages ciselés, taillés ou relevés en bosse, aux camées et autres œuvres en relief. (Bach.-Dez. 1882). Anton. diaglyphe..
Voir le texte d’Alain Guégan : Une rencontre inattendue

otocyon : Canidé des régions arides d’Afrique orientale et méridionale, au pelage brun jaunâtre, au museau long et pointu, dont les oreilles ont un pavillon très développé ; appelé parfois chien oreillard (d’apr. Zool. 1972 et Animaux 1981).
Voir le texte de Christ’in : La Rose de Sambhogakaya

flavescent : D’une couleur qui tire sur le blond, sur le jaune d’or. Cette barbe bouclée, ardente blonde, flavescente ardescente, flavescente ardente rouge, bien taillée (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 669).
Voir le texte de Débora : Avant la Chute…

xérophytes : Plantes possédant des mécanismes de résistance à la sécheresse. Des xérophytes qui parviennent à vivre dans des stations vraiment sèches pendant de longues périodes (Plantefol, Bot. et biol. végét., t.2, 1931, p.515).
Voir le texte de Véronique : Le tigre et la rose.

adamantin : Qui a l’éclat ou la dureté, la résistance du diamant (et parfois de l’acier).
Voir le texte de Christiane C. : Monsieur Tigrou se promenait

tycoon : Mot d’origine japonaise (taikun 大君) signifiant « grand seigneur » ou « grand prince », entré dans le français moderne en passant par l’anglais ; en langue classique on dirait plutôt un nabab.
Voir le texte d’Angélo Palourdi : La Rose du Tigre

sémillant :  [En parlant d’une chose et, plus partic., appliqué à une façon d’être, une faculté] Vif, enjoué, fringant.
Dans le poème ci-dessus !

Un autre défi pourrait être d’écrire un texte avec tous les mots ci-dessus, à la manière de notre défi Scrabble. Officiellement, les défis sont en pause cet été sur Plumes Chrétiennes, mais je sais déjà qu’il va se passer tout de même plein de choses par ici !