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Défi d’écriture #12 – De l’art de montrer sans le dire

Je commence à avoir lu un certain nombre de romans chrétiens et j’ai récemment réalisé ce qui manquait le plus : de belles descriptions. La description est la présentation de lieux, de personnages ou d’événements ; c’est une pause dans le récit qui embarque le lecteur dans le voyage de la narration. C’est la clé d’un bon roman, un outil puissant qui laisse des impressions profondes, au-delà du moment de lecture. Sur le sujet, je vous recommande chaudement la vidéo de Victor Ferry ci-dessous (je vous conseille aussi sa chaîne en général) :

Comme le dit Victor Ferry dans cette vidéo, c’est la description qui permet finalement de saisir la vérité que veut présenter le livre. C’est un outil très puissant de persuasion. Si un roman chrétien échoue à décrire, il échouera aussi à transmettre la vérité de l’Evangile. La Bible, d’ailleurs, en est remplie. Regardez comme Dieu veut nous convaincre par Sa Parole que le ciel est l’endroit le plus désirable au monde.

Sur le torrent, sur ses bords de chaque côté, croîtront toutes sortes d’arbres fruitiers. Leur feuillage ne se flétrira point, et leurs fruits n’auront point de fin, ils mûriront tous les mois, parce que les eaux sortiront du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture, et leurs feuilles de remède. (Ézéchiel 47:12) Le loup habitera avec l’agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et le bétail qu’on engraisse seront ensemble, et un petit enfant les conduira. La vache et l’ourse auront un même pâturage, leurs petits un même gîte ; et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. (Esaïe 11:6-7)
Les douze portes étaient douze perles ; chaque porte était d’une seule perle. La place de la ville était d’or pur, comme du verre transparent.  (Apocalypse 21:21) Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations. (Apocalypse 22:2).

France 2 diffuse en ce moment Germinal, une série inédite adaptée du célèbre roman d’Emile Zola (et modernisée, chacun se fera son avis, mais personnellement je la conseille : toutes les adaptations prennent des libertés, l’essentiel est de les voir). Ce roman a grandement influencé le XIXe siècle et nous parle encore aujourd’hui grâce à la force de ses descriptions. En tant qu’auteurs chrétiens en incubation, il nous faudra impérativement nous plonger à un moment ou à un autre dans les auteurs classiques : Hugo, Balzac, Molière, Zola…. Victor Ferry nous offre en conclusion de sa vidéo une phrase à garder : la vraie résistance est de hausser le niveau et de nous efforcer de transmettre des idées plus nobles dans un langage plus beau.

La description dans Germinal est le support de tout le roman et c’est pourquoi les professeurs de français s’efforcent de les faire découvrir à leurs élèves. Ils savent que les mots ont le pouvoir de changer le monde, de faire avancer la justice, de convaincre et de persuader. Un des passages les plus étudiés dans les collèges et les lycées est celui où Étienne Lantier découvre au début du roman le « Voreux », le plus grand puits de la mine qui deviendra son lieu de travail.

Il ne comprenait bien qu’une chose : le puits avalait des hommes par bouchées de vingt et de trente, et d’un coup de gosier si facile, qu’il semblait ne pas les sentir passer. Dès quatre heures, la descente des ouvriers commençait. Ils arrivaient de la baraque, pieds nus, la lampe à la main, attendant par petits groupes d’être en nombre suffisant. Sans un bruit, d’un jaillissement doux de bête nocturne, la cage de fer montait du noir, se calait sur les verrous, avec ses quatre étages contenant chacun deux berlines pleines de charbon. Des moulineurs, aux différents paliers, sortaient les berlines, les remplaçaient par d’autres, vides ou chargées à l’avance des bois de taille. Et c’était dans les berlines vides que s’empilaient les ouvriers, cinq par cinq, jusqu’à quarante d’un coup, lorsqu’ils tenaient toutes les cases. Un ordre partait du porte-voix, un beuglement sourd et indistinct, pendant qu’on tirait quatre fois la corde du signal d’en bas, « sonnant à la viande », pour prévenir de ce chargement de chair humaine. Puis, après un léger sursaut, la cage plongeait silencieuse, tombait comme une pierre, ne laissait derrière elle que la fuite vibrante du câble.
– C’est profond ? demanda Etienne à un mineur, qui attendait près de lui, l’air somnolent.
– Cinq cent cinquante-quatre mètres, répondit l’homme. Mais il y a quatre accrochages au-dessus, le premier à trois cent vingt.
Tous deux se turent, les yeux sur le câble qui remontait. Etienne reprit :
– Et quand ça casse ?
– Ah! quand ça casse…
Le mineur acheva d’un geste. […]
Extrait du chapitre 3 de la première partie de Germinal – Emile Zola

La mine est présentée comme une grosse bête effrayante à l’aide notamment du champ lexical de la digestion. Zola nous permet ainsi de saisir d’emblée le danger que représente la mine pour les hommes : ravalés au rang d’animaux, ces derniers luttent pour leur survie. Tout notre imaginaire est allumé et, magie de la lecture, un tableau unique apparait et imprègne notre âme.
Cette longue introduction me permet d’en venir à notre défi d’écriture mensuel :

Défi d’écriture #12 : à partir d’une phrase proposée ci-dessous, proposer un paragraphe descriptif. Il s’agit de montrer ce que la phrase dit. Cette description doit nous convaincre d’un bienfait de la vie en Christ.

Les phrases à transformer en paragraphes (à vous de choisir !) :

  1. Il était encouragé.
  2. Il était recueilli.
  3. Elle était joyeuse.
  4. Elle était attentive.

Forme : prose ou poésie
Taille : un petit paragraphe de quelques lignes
Publication (plusieurs possibilités) :
– dans les commentaires ci-dessous ! (à privilégier)
– en envoyant votre paragraphe à plumeschretiennes@gmail.com
– sur notre groupe Facebook Ecrire en tant que chrétien
Est-il possible de proposer plusieurs participations ? Oui, vous pouvez essayer plusieurs phrases si vous le souhaitez !

A noter : Je publierai ensuite dans un article les meilleures descriptions (selon moi). Par ailleurs, chaque texte recevra une réponse de ma part.

Quelques conseils

Le défi met l’accent sur la différence entre dire et montrer. Décrire ne signifie pas nécessairement chercher l’exactitude ou l’exhaustivité. Il s’agit de donner à voir, de montrer, d’utiliser le pouvoir de suggestion des mots. Allez au-delà des premières idées qui vous viennent, pensez à l’invisible : odeurs, bruits, effets physiques… Utilisez la comparaison, la métaphore, la synecdoque… Sans en abuser. Parfois, un seul détail peut permettre de décrire un état d’esprit. La combinaison des mots, la structure des phrases, le rythme auront une influence sur la perception descriptive. Voici une petite tentative (pas un exemple) pour « Il était recueilli » :

Il s’arrêta, au milieu d’un boulevard mal éclairé bordé d’immeubles aux façades vétustes. Les gens autour de lui continuaient d’avancer, sans remarquer qu’il parlait tout seul. Il avait les yeux baissés, peut-être fermés. Il respirait lentement. Si on s’était approché un peu plus, on aurait pu voir son visage s’éclairer et allumer des guirlandes d’espoir au-dessus du bitume. Ses mots visaient le ciel. Lorsqu’il repartit, son pas était plus léger.

 J’ai hâte de découvrir vos textes dans les commentaires ci-dessous !

Intermède

C’est, entre autre, à la maîtrise des descriptions que Bob Dylan doit son succès. Ici, une adaptation de Simple Twist of fate, par Francis Cabrel.

33 commentaires sur “Défi d’écriture #12 – De l’art de montrer sans le dire

  1. « Elle était attentive. »

    Jeanne serrait un clochard dans ses bras, tandis qu’autour d’elle, on la regardait d’un œil étonné et étrange. Ô simple signe d’amour qui rappelait la vie d’avant ! Marchant dans l’ombre sale et crasse des rues de Paris, tous désespéraient de la situation de la France et du contexte sanitaire. Depuis deux ans déjà, autour d’elle, on avait cette impression étonnante d’un regard invisible et pesant sur les moindre faits et gestes ; à culpabiliser, presque, de serrer la main aux membres de sa famille et d’embrasser ses enfants ; oui, ces gestes simples il y a peu encore étaient profondément difficiles à faire en public. C’était si douloureux pour ces bonnes gens qui appréciaient tant ces effusions délicates et belles de tendresse et d’amitié. Jeanne, par sa disponibilité à aimer cet homme sale et aviné, rappelait qu’au-delà de la prudence prophylactique et de la nécessaire attention à empêcher le mal d’avancer, il demeurait important d’abaisser les barrières de notre cœur. D’ailleurs, certains souriaient en la voyant, touchés par cet instant de générosité tendre et affectueuse ; d’autres lui demandaient ce qui la poussait à faire cela. À tous, elle avait souri et montré sa croix.

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    1. Merci beaucoup pour cette participation ! J’avais un peu peur que le défi ne soit pas compris, mais je suis rassuré ! La première phrase est particulièrement percutante : « Jeanne serrait un clochard dans ses bras. » (j’aurais d’ailleurs mis un point pour la mettre encore plus en valeur). Nous avons immédiatement l’image de la générosité, d’autant plus que nous avons en effet perdu l’habitude de ce geste depuis longtemps… Seul petit défaut selon moi, je trouve que l’attitude des gens autour qui désespèrent de la situation sanitaire est un peu trop décrite directement, elle est dite plutôt que d’être montrée. On aurait pu imaginer des regards réprobateurs, des têtes détournées, des grimaces dégoûtées, une personne qui serre son gel hydroalcoolique jusqu’à faire pâlir les jointures de ses mains… La dernière phrase, comme la première, est très belle et vient refermer admirablement le paragraphe. Elle suggère, par le sourire et la croix, que Jeanne a un modèle de charité bien supérieur… Bravo à toi et je peux que t’encourager à participer de nouveau, si le cœur t’en dit ! 😉

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  2. « Elle était joyeuse. »

    Laëtitia avait regardé vers le ciel. Après le décès de son père‚ comme les regards tristes se multipliaient‚ elle avait choisi la joie du sourire. Pour la cérémonie de funérailles‚ sa famille l’avait choisie pour animer les chants au cours de l’Eucharistie. Le soleil de l’espérance se dégageait du choix de ses textes. La lumière de sa foi constante‚ belle et généreuse‚ était de celles que l’on remarque chez ces chrétiens pour qui croire‚ c’est vivre à l’exemple du Christ dans l’Évangile‚ aimer son prochain comme soi-même ; Laëtitia n’avait pas besoin de se dire chrétienne pour que l’on sût qu’elle l’était. Les regards embrumés‚ les mouchoirs qui sonnaient‚ les pleurs qui résonnaient‚ le vacarme strident des larmes‚ bref‚ l’immense tristesse de cette assemblée attiédie par des années d’opulence et de fric facile‚ contrastaient avec sa simplicité et sa musique. On chuchotait parfois qu’elle était folle‚ qu’elle devait contacter les urgences psychiatriques qui se feraient un plaisir de remettre en place son délire mystique. D’autres parlaient de communiquer avec l’Au-Delà pour retrouver le défunt en pensées‚ sans même supposer qu’il priait peut-être pour eux depuis le Paradis. À la fin‚ tandis que Laëtitia chantait la gloire de Dieu‚ il semblait que l’assistance la dévisageait d’un air inquisiteur‚ comme si tous niaient cette vie qui transfigure la mort‚ oublieux de la Résurrection. Sans juger ces airs de Vendredi saint‚ elle priait confiante pour l’âme de son défunt père. Elle en était assurée : là où il était‚ il contemplait la face de Dieu.

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    1. Merci pour cette autre participation ! Comme la première, très réussie, on est facilement embarqué dans l’ambiance du moment. Le contraste est, je trouve, plus saisissant que pour la première participation, car le caractère du groupe inquisiteur est bien montré (mouchoirs qui sonnent, regards, vacarme, tiédeur, chuchotements, …). Félicitations !

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  3. C’est vrai, je ne suis pas fort sur le descriptif, c’est pourquoi j’en fais peu (un petit peu quand même). C’est aussi pourquoi, au bout de 1200 pages, e lecteur ne sait toujours pas quelle est la couleur des yeux de Lynda.
    « Lynda a beaucoup d’amoureux. Il faut dire qu’elle a des yeux magnifiques et d’épais sourcils qui donnent une profonde autorité à son regard. D’ailleurs, je n’ai pas l’intention d’écrire trois pages pour vous parler de la couleur de ses yeux, de la beauté de son visage ni de sa chevelure éblouissante. Si vous aimez les blondes aux yeux bleus, c’est une blonde aux yeux bleus, si vous préférez les rouquines, elle est rousse. Je ne suis pas un auteur contrariant. »
    Pour le défi, je vais essayer, mais je ne promets rien.

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    1. Ah ah, je ne pensais pas à toi ! Lynda, en effet, n’a pas besoin d’être beaucoup décrite pour que notre imagination fasse le reste. Je trouve par ailleurs que tu décris quand même assez souvent. J’ai repris par exemple ton dernier chapitre publié ici (La Tour Plogrov (33))
      « Le trio s’introduit dans la cabine spacieuse, glissant le long de la tour dont la structure de verre offre une vue panoramique. Elle s’élève sans bruit ni sensation de locomotion. La ville d’Arklow, son port, ses rivages et ses montagnes semblent se recroqueviller au pied de ce monument longiligne que la perspective rend de plus en plus ténu et fragile.
      Il fait sombre. L’obscurité paraît presque totale quand nos voyageurs atteignent la partie enveloppée par le nuage. Ténèbres inquiétantes, car le vent et la pluie battent les flancs du monstre. »
      Il y a une bonne alternance entre narration et description. Il n’est pas toujours nécessaire de décrire, au risque d’alourdir le texte. Après, je ne te cache pas que je ne serais pas contre un peu plus de descriptions comme celle ci-dessus… 😉

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  4. essai concluant ou pas. J’attends vos avis 🙂 sachant en plus que j’ai du mal avec les quelques lignes et que j’ai toujours tendance à en faire trop 🙂

    ELLE ETAIT ATTENTIVE

    Cette réponse, elle l’attendait, elle l’espérait comme le messie. Et tandis qu’elle marchait sur ce chemin de terre, elle écoutait tous les bruits environnants. Elle entendait le chant du coq qui annonçait le jour qui se levait et pouvait traduire un nouveau jour pour elle, un recommencement, un changement de vie ou de saison. Au loin, l’oreille tendue, elle percevait le vrombissement du moteur d’un tracteur et s’imaginait ce paysan qui avait démarré son ouvrage bien avant l’aube et profitait de la fraîcheur de la nuit qui s’étire et s’évanouit, pour creuser des sillons ou retourner une terre meuble de la rosée du matin. Ce bruit aussi l’interpellait. Il pouvait indiquer que le Seigneur veillait sur elle et travaillait en elle sans cesse, la nuit comme le jour. Il pouvait aussi signifier qu’elle était comme un champ de labour ou comme un vase entre les mains du potier, et qu’elle devait donc se laisser faire, se laisser modeler afin d’être utile au Royaume de Dieu et devenir un vase d’honneur. Parvenue à l’orée du bois, ses yeux naviguaient de droite à gauche, de haut en bas, puis de bas en haut. À l’affût du moindre signe, au milieu de cette nature généreuse, son regard s’attardait sur la grande création, comme le ciel, l’horizon et les grands arbres, puis sur celle plus petite que son œil pouvait voir. Ainsi, elle observait le brin d’herbe qui l’amenait à méditer sur la brièveté de sa vie, puis elle contemplait les oiseaux dans le ciel dont le Seigneur s’occupe sans qu’ils ne manquent jamais de rien. Tout cela lui parlait et la touchait au plus profond de son âme, mais elle continuait de chercher sa révélation. Marchant en direction de la grande route, elle apercevait au loin, un champ de blé semblable à une moisson blanche et au manque d’ouvriers. Puis, arrivée aux abords d’une voie plus fréquentée, elle avait eu l’étrange impression d’être dans deux mondes, ici sur cette route, dans cette réalité, mais ailleurs en même temps. Curieuse sensation qui ne manqua pas de la questionner et de lui rappeler qu’elle était étrangère et voyageuse sur la Terre, et devait s’attacher aux choses éternelles, plutôt que s’amasser des richesses que la rouille et la teigne détruisent. Mais alors qu’elle empruntait une rue bondée, elle tentait de capter un regard, deux regards, puis des dizaines de regards afin d’y discerner quelque chose qu’elle ignorait, mais qui lui serait personnellement destiné et n’appartiendrait qu’à elle toute seule. Il y avait beaucoup de monde, mais elle essayait de s’imprégner de tout et de fixer les visages autant de fois que cela lui était possible. Certaine de recevoir un signe de Dieu et s’imaginant, pourquoi pas, croiser un ange, elle scrutait de tous côtés. Pareil à un chercheur d’or, elle tentait de saisir des bribes de conversations, de distinguer le moindre mot qui pourrait sonner en elle comme une évidence. Elle essayait d’attraper et de retenir une phrase particulière ou pas, une parole qui résonnerait soudain dans son âme, et tout comme le sceau au bas d’une page, acterait et signerait sa réponse tant attendue. Observatrice en apnée et en quête de sa révélation divine, ou d’une confirmation de l’Esprit, un simple sourire reçu, un petit hochement de tête qu’on lui adressait spécifiquement, elle prenait chaque élément qu’elle emmagasinait dans sa mémoire immédiate, car elle en était sûre, si ce qu’elle cherchait, elle ne le trouvait pas maintenant, elle le trouverait de toute façon plus tard et sans tarder. Oui, de cela, elle en était certaine, car elle savait que celui qui cherche trouve, que celui qui frappe, on lui ouvre, et que celui qui demande, il lui est répondu. Ainsi donc, tout était à même de pouvoir la renseigner et de lui apporter une confirmation quant à cette œuvre qui croissait depuis longtemps en elle. Une confirmation qui lui permettrait de faire le grand saut, d’être rassurée et assurée de faire le bon choix, et ce malgré les épreuves futures dont personne n’est épargné. Une confirmation qui l’aiderait à changer radicalement de vie et à marcher sereinement dans sa nouvelle mission.

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    1. Merci beaucoup pour ta participation qui répond très bien au défi ! C’est un joli texte. Il y a beaucoup de bonnes idées dans cette quête qui s’inspire des perceptions de la balade : d’abord le chant du coq, puis le moteur de tracteur, la nature et les autres… On marche avec toi ! Cependant, je trouve que toute la beauté de ton texte est amoindrie par sa première phrase. « Cette réponse, elle l’attendait, elle l’espérait comme le messie. » On saisit bien cette attente dans le texte qui suit, sans qu’il soit nécessaire de le dire d’emblée. Il faut donner au lecteur envie de continuer ! Il ne faut pas avoir peur d’être incomprise. Dans le même ordre d’idée, j’aurais rendu la fin plus incisive.
      Voici par exemple une proposition pour débuter ton texte :
      « Elle marchait sur un chemin de terre, tous les sens aux aguets. Elle entendait le chant du coq qui annonçait le jour qui se levait. Annonçait-il un nouveau jour pour elle, un recommencement, un changement de vie ou de saison ? »
      L’emploi de phrases interrogatives permet aussi d’impliquer un peu plus le lecteur dans cette quête.
      Et pour la fin : « Oui, de cela, elle en était certaine, car elle savait que celui qui cherche trouve, que celui qui frappe, on lui ouvre, et que celui qui demande, il lui est répondu. Ce qu’elle ignorait pour l’instant, c’était le moment et l’heure. »

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  5. Voilà la version retravaillée.

    ELLE ÉTAIT ATTENTIVE
    Elle marchait sur un chemin de terre, tous les sens aux aguets, puis entendit le chant du coq qui annonçait le jour qui se levait. Annonçait-il un nouveau jour pour elle, un recommencement, un changement de vie ou de saison ? Au loin, l’oreille tendue, elle perçut le vrombissement d’un moteur de tracteur et s’imagina ce paysan ayant démarré son ouvrage bien avant l’aube et profitant de la fraîcheur de la nuit qui s’étire et s’évanouit, pour creuser des sillons ou retourner une terre encore meuble de la rosée du matin. Ce bruit aussi l’interpellait. Il pouvait indiquer que le Seigneur veillait sur elle, la nuit comme le jour et travaillait sans cesse en elle. Cela, signifiait-il qu’elle était comme un champ de labour ou comme un vase entre les mains du potier, et qu’elle devait donc se laisser faire, se laisser modeler afin d’être utile au Royaume de Dieu, devenir un vase d’honneur ?
    Arrivée à l’orée d’un bois, ses yeux naviguèrent de droite à gauche et de bas en haut. À l’affût du moindre signe, au milieu de cette nature généreuse, elle observa d’abord le ciel, puis l’horizon et les grands arbres. Elle examina la création de Dieu avant de s’attarder sur le brin d’herbe et de s’interroger sur la brièveté de sa vie. L’œil aiguisé, elle épia les fourmis dissimulées sous les cailloux ; ce peuple sans force qui prépare sa nourriture en été. Puis, relevant la tête, elle suivit des yeux un oiseau qui volait à tire d’aile, et songea qu’elle devait peut-être se mettre à l’œuvre afin d’être prête au temps voulu, ou bien alors, qu’il lui fallait demeurer dans la foi et attendre patiemment, car le Seigneur pourvoyait à ses besoins.
    En direction de la grande route, elle repéra un champ de blé qui lui rappela la moisson blanche. Était-elle du nombre de ces ouvriers qui manquent à l’appel ? Devait-elle se précipiter et courir dans la mission ? Sans conviction véritable, elle poursuivit sa route et arriva aux abords d’une voie rapide et fréquentée par un grand nombre de véhicules pétaradants. Beaucoup de sons parasites à cet endroit, et laborieux pour elle de différencier un bruit particulier. Cependant, toutes les perceptions en alerte, elle eut la soudaine et curieuse impression d’être dans deux mondes à la fois. Il lui sembla marcher dans cette réalité, sans toutefois en faire partie. Étonnante sensation qui la fit se questionner. Devait-elle se souvenir de n’être sur Terre qu’une étrangère, une voyageuse ? Lui fallait-il se rappeler de ne pas s’attacher aux choses d’en bas, mais bien à celles qui sont éternelles ?
    Alors qu’elle empruntait une rue bondée de touristes, elle s’appliqua à croiser un regard, puis deux. Bientôt, le nombre de personnes s’accroissant, elle ne baissa pas la garde et chercha à accrocher le maximum de paires d’yeux. Son comportement pouvait sembler bizarre. On pouvait la croire « illuminée », mais qu’importe, elle croyait avec force, découvrir ce qu’elle ignorait encore et demeurait vigilante, pour ne pas rater ce qui lui était destiné en personne.
    Beaucoup de monde à cette heure-ci et compliqué pour elle de rester à l’écoute et de discerner quoi que ce soit de particulier dans tout ce bourdonnement urbain. Malgré cela, déterminée et volontaire, elle chercha à capter le plus de gens possible, et tenta de récupérer chez l’un ou chez l’autre, cette réponse de Dieu qui lui appartenait en propre. Persuadée de recevoir de son Seigneur, et agitée à l’idée de possiblement croiser un ange, elle épia le moindre signe et se dévissa le cou pour scruter de tous côtés.
    Tel un chercheur d’or, au passage rapide et furtif des gens pressés ou occupés, elle en dévisagea un maximum et saisit des bribes de conversations. L’oreille ouverte, elle fronça les yeux pour s’emparer d’un mot, d’un geste, d’une attitude de leur part, de ce petit quelque chose qui s’inscrirait en elle comme une évidence, comme un sceau au bas d’une page. Concentrée, tandis qu’elle fendait la foule de plus en plus dense, elle essaya d’agripper chaque élément susceptible d’être important. Elle essaya de mettre dans sa besace et de retenir une phrase interceptée en vol. Une phrase même banale, mais pouvant faire écho dans son âme. Observatrice en apnée et en chasse d’une révélation divine ou d’une confirmation de l’Esprit, elle était à l’affût d’une parole d’encouragement, d’un sourire bienveillant, d’un simple hochement de tête qui lui serait adressé. Pour elle, rien n’était dérisoire ou anodin, et tout pouvait être intéressant et bon à prendre.
    Dans sa quête absolue, elle stocka chaque détail, et emmagasina chaque impression d’ensemble qu’elle analysa au fur et à mesure afin de ne garder que l’essentiel et pouvoir continuer sa recherche. Car, oui, elle en était sûre et certaine, si elle ne trouvait pas maintenant ce qu’elle prévoyait, elle le trouverait de toute façon plus tard et sans tarder. De cela, elle en était absolument convaincue, car elle savait que celui qui cherche trouve, que celui qui frappe, on lui ouvre, et que celui qui demande, il lui est répondu. Pour l’instant, ce qu’elle ignorait, c’était simplement le moment et l’heure.

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  6. Il était recueilli

    Mais qu’est-ce qu’il fait encore dehors ?! Et tous les soirs c’est la même chose… À son âge, franchement, c’est pas sérieux, à son âge, c’est même dangereux ! Faut dire que dans la région, les éléments météorologiques forment une race à part. Loin d’être bienveillants à l’égard des humains qu’ils côtoient, ils déambulent maladroitement comme des géants d’une autre ère, aigris par une chute ancestrale dont personne ne semble se souvenir à part eux. Le vent toujours en colère vous hurle dans les oreilles, vous pousse ça et là pour vous faire tomber du trottoir et vous pince la nuque dès qu’il la voie. Les nuages sont boudeurs, moroses, constamment sur le point d’éclater en sanglot. Le soleil est inexistant, astre couard qui ne semble s’inquiéter que de lui-même et qui, de toute évidence, s’est soumis aux ténèbres depuis longtemps. Et pourtant le v’là ! Le vieil homme de la maison du fond, marchant seul. Alors qu’on sait très bien qu’il ne va nulle part ! Emmitouflé dans son vieux manteau de laine tout craqué. Son nez dépasse à peine de la meurtrière que dessinent son bonnet trop grand et son écharpe trop épaisse. Mais que cherche ce corps, camouflé et fragile, en s’aventurant périlleusement sur les pavés glissant qui n’attendent que de lui briser le fémur ? Qu’y a-t-il donc derrière le rempart de ce visage plissé par le froid qui brave sans raison les héros déchus et leur courroux ? Il y a juste une pièce, hermétique aux diables et aux cris du vents, vaste comme l’univers, profonde comme l’amour, solide comme la vie. En guise de foyer, des émotions qui n’ont besoin que de mots pour continuer de brûler joyeusement. Les tapisseries sont faites de lettres qui existent pour elles-mêmes, sans avoir à former de phrases, chaque lettre est une histoire, celle de l’humanité. Quiconque y entre s’y sent bien, s’y sent au chaud. Ici, loin du vacarme de l’ennui, toutes ses pensées n’ont qu’un seul désir, vous prendre par la main pour vous mener à l’espérance. La gloire y brille avec douceur, pour toujours, parce qu’il connait la vérité qui rend vainqueur de toutes intempéries, de toute médisance, et de tout ce qui se peut nommer, sur la terre et dans les cieux.

    Franchement, je sais pas si j’ai réussi… je suis dans la team Christ’in, j’en fais toujours trop ! haha

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    1. Merci Jake ! Mais oui, c’est réussi, même très réussi ! J’aime beaucoup l’élégance intérieure de ce vieil homme qui « ne va nulle part », c’est très bien montré. Bravo !
      Je vois deux parties dans ton texte. La première adopte un point de vue externe et s’interroge sur ce qui se cache derrière ce vieil homme. On observe cela comme une scène de film, notamment avec la parenthèse sur la météo.
      Puis il y a la deuxième partie, qui commence à « Il y a juste une pièce,… ». Tout d’un coup, on rentre dans l’âme de ce vieil homme, le point de vue devient omniscient. C’est la partie la plus jolie, mais qui laisse en revanche moins de place à notre imagination.
      Je trouve la transition un tout petit peu brutale entre les deux. Il faudrait trouver une astuce narrative pour faciliter le passage de l’un à l’autre. Voici ma proposition :
      « Qu’y a-t-il donc derrière le rempart de ce visage plissé par le froid qui brave sans raison les héros déchus et leur courroux ?
      Pour le savoir, il faut s’approcher d’un plus près. Voilà, nous y sommes. D’un geste discret, le vieil homme nous invite à entrer dans le palais de son âme. Instinctivement, nous enlevons nos chaussures sales. Il y a juste une pièce, hermétique aux diables et aux cris du vents, vaste comme l’univers, profonde comme l’amour, solide comme la vie. »
      Ce n’est qu’une proposition 😅

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      1. Salut David !
        Encore merci de ta bienveillance qui me fait toujours chaud au coeur ! J’avais peur d’être un peu parti en vrille dans la seconde partie du texte 😅
        En fait je voulais une rupture franche entre « l’extérieur haineux » et « l’intérieur paisible » mais ta proposition est top ! Elle me plait beaucoup ! Et oui, du coup je vois l’importance d’y ajouter une sorte de transition.
        Alors je te fais une contre proposition ! 🤣🤣

        « Qu’y a-t-il donc derrière le rempart de ce visage plissé par le froid qui brave sans raison les héros déchus et leur courroux ?
        Pour le savoir, approchons-nous d’un peu plus près. D’un sourire discret, le vieil homme nous invite à entrer dans le palais de son âme. Sans geste brusque, passons tranquillement le verrou froid et dur de son front. Voilà, nous y sommes. Il y a juste une pièce, hermétique aux diables et aux cris du vent, vaste comme l’univers, profonde comme l’amour, solide comme la vie. Instinctivement, nous enlevons nos chaussures sales. »

        Qu’est-ce que tu en penses ? 🤔🤔

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  7. Cela fait bien longtemps que je n’ai pas participé à un défi… me revoici avec plaisir, je me lance! Merci d’avance pour tes remarques, David!:-)

    « Il était encouragé. »

    Julien releva la tête et regarda fixement les aiguilles de l’horloge accrochée au mur immaculé de sa petite chambre d’étudiant. 16H22. Cette mansarde, qui quelques minutes plus tôt ressemblait à une geôle, lui apparaissait tout à coup bien différente. Il lui semblait à présent que l’espace autour de lui s’était agrandi, qu’il avait gagné en hauteur et en profondeur.
    Comment était-ce possible ? Était-il en train de rêver ?
    Un nouveau coup d’œil à l’horloge lui confirma que les minutes s’égrenaient toujours au même rythme, lent, tranquille, rassurant. Ce qu’il vivait était donc bien réel.
    Il remarqua soudain que son front s’était déplissé, comme si une brise chaude l’avait défroissé. Aux battements réguliers de son cœur, il s’aperçut avec soulagement que sa respiration avait retrouvé son tempo moderato.
    Il s’étonna même de constater que ses lèvres formaient un joli sourire, sans qu’il ait à les commander. Pour la première fois depuis plusieurs jours, il fut surpris de penser au lendemain sans boule au ventre ni gorge serrée.
    Il caressa avec douceur les pages jaunies et froissées de ce livre qui ne le quittait jamais et qui, une fois encore, s’était révélé lumière sur son sentier.
    Alors qu’il s’apprêtait à savourer une tasse de thé, une douce certitude infusa son esprit, comme une vague recouvre progressivement le sable doré de la plage : peu importe ce qui l’attendait, il allait s’en sortir car il n’était plus seul…

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    1. Bonjour Justine. Merci pour cette belle participation. Je prends enfin le temps de te répondre. Je trouve cette participation très réussie dans le cadre de ce défi, car elle a plusieurs points forts :
      – l’opposition entre l’horloge qui figure le réel et le changement de perception du personnage, qui évoque plutôt le surnaturel
      – la poésie de certaines phrases (la brise qui déplisse le front, la certitude qui infuse comme un thé, la vague sur le sable doré…)
      – l’évocation, qui était une demande forte du défi, est vraiment au centre du texte (l’espace qui grandit, le livre aux pages jaunies, le sourire qui apparaît sans prévenir…)
      Tous ces éléments font de ton texte un paragraphe descriptif très évocateur, qui nous laisse des impressions tenaces, félicitations !

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  8. IL EST ENCOURAGÉ

    Allongé sur le dos, Josué se soulage et se libère en pleurant dans ses mains, puis il se relève en grelottant. Les yeux hagards, il nettoie sa bouche avec le dos de sa main et d’un pas lourd, il reprend sa route. Mais, il n’a pas fait cinq mètres qu’il est déjà exténué et s’arrête pour reprendre du souffle. Josué enrage contre ses insuffisances, mais sa bonne étoile n’est jamais loin ! L’ange d’Adonaï-Élohim arrive à sa rescousse et, bien qu’il reste invisible à ses yeux, il lui insuffle de nouvelles forces par une imposition des mains. Et l’effet est immédiat !
    Sans savoir ni à qui ni à quoi attribuer ce regain d’énergie, Josué apprécie d’aller soudainement mieux. Regonflé à bloc, il s’ébroue comme un chien détrempé et programme son mental pour la victoire.
    « Cours mec ! s’encourage-t-il. Cours ! ».
    Pas après pas, sa marche s’affermit. Il trotte. Sa foulée s’allonge et s’accélère. Bientôt, au cœur de la nuit noire, le voilà qui court à toutes jambes.
    Kling ! Klang ! Kling ! Klang ! s’entrechoquent les breloques de métal cousues sur ses vêtements.
    Kling ! Klang ! Kling ! Klang ! cliquettent les sangles d’acier de son pantalon, les deux boucles en nickel de ses gros ceinturons et ses multiples boucles en fer.
    Gêné par ces compagnons de voyage aux accents métalliques, Josué grimace. Qu’importe ! Le bruit est certes fâcheux et agaçant, mais il n’entrave pas son déplacement. En revanche, il est freiné par son long manteau de cocher et par le poids de ses rangers. S’il veut aller plus vite et s’épuiser le moins possible, il lui faut ménager sa monture et donc se débarrasser de ses frusques encombrantes. Ni une ni deux, le sprinter choisit de s’alléger et se déshabille illico. Il ôte sa dague de la doublure intérieure de son cache-poussière qu’il laisse sur le bas côté de la route, puis il la glisse dans son pantalon, contre sa hanche. À la suite, il se défait de ses ceintures, délace ses grosses chaussures et se déchausse. Dans un geste symbolique, il arrache la croix celtique ainsi que la chaînette d’argent qu’il a autour du cou, abandonne le tout dans un fossé et reprend “ l’échappée belle”.
    Kling ! Kling ! Klang ! Klang !
    À force de ténacité, Josué obtient un bon rythme. Tout va bien, mais le chemin est encore long et s’il veut conserver cette cadence et minimiser l’effort, rien ne doit le ralentir. Quelques mètres plus loin, le coureur est de nouveau gêné. Sa longue et précieuse dague, lui meurtrit l’estomac, lui appuie sur le bassin et le restreint dans ses mouvements. Arrêté au milieu du chemin, il porte la main à son côté et enferme le manche d’ivoire entre ses doigts.
    — Tu n’en auras plus besoin, lui souffle l’ange d’Adonaï-Élohim. Désormais, il te faut apprendre à vivre sans…
    De l’avis de Josué, cette pensée soudaine qui lui passe par la tête, est totalement absurde et sans aucun fondement.
    « Non, pas ma dague, se rebelle-t-il. Pas ma dague… »
    Pas un instant, Josué ne s’imagine sans sa précieuse lame et pas une seconde, il n’envisage devoir s’en séparer. Depuis le temps que son arme l’accompagne, elle fait partie intégrante de lui. Elle est comme un prolongement de son propre corps, de son propre bras… Elle est sa main supplémentaire, sa marque de fabrique et son atout gagnant. Ne plus l’avoir est juste impensable et insensé.
    Nu et vulnérable, ça jamais !
    — Tu dois t’en défaire, lui redit l’assistance angélique. T’en défaire… Car c’est uniquement dans ta faiblesse que se révélera la force du Très haut.
    « Sûrement pas ! s’offusque le garçon dans son cœur. Plutôt crever ! »
    Sourd aux conseils, Josué sert fort sa dague et repart sur sa lancée. Malheureusement, il ne lui est pas facile de cavaler en tenant l’arme dans la main. Pendant qu’il se concentre pour garder le rythme et ne pas lâcher sa dague, de sales images lui viennent à l’esprit. Sans savoir pourquoi, les actes de violences commis par sa seule faute, lui sont renvoyés en pleine face. C’est comme s’il recevait un boomerang de chienlit. Ça fait mal et ça pue ! Josué se dégoûte. Il se dégoûte encore plus quand la représentation du Lion de Judas se représente dans sa mémoire et que des mots tels que répugnance, regret et honte viennent peupler ses pensées. Aux mots succèdent des questions : « Pour qui ? Pourquoi ? Pour ça ? Pour ça… »
    La vérité fait mal !
    Sans ralentir sa foulée, Josué fait le point sur sa misère. Il mesure l’ampleur des dégâts et réalise qu’il s’est fourvoyé pour obtenir un semblant de force et de pouvoir, qu’il s’est laissé berner par de fausses promesses, qu’il a payé et continue de payer le prix de ses mauvais choix, et qu’au bout du compte, il a beaucoup perdu. Beaucoup, si ce n’est…tout. Oui, il aout perdu jusqu’à sa dignité… Le bilan est terrible. Quel gâchis !
    Josué se sent piteux. Sa dague au bout des doigts lui fait soudain horreur, car comme une évidence, il l’associe à toute cette merde. Ainsi, ce qui lui semblait fou et inconsidéré quelques minutes auparavant, est devenu on ne plus évident et on ne peut plus clair. Alors qu’il juge son arme en partie responsable de ses débordements, il ne voit plus en elle la compagne idéale et précieuse. À présent, sa lame le révulse. Elle lui brûle les doigts et il la considère comme une provocation ; un objet de délit dont il doit se débarrasser au plus vite. Écœuré, il la lance dans les buissons bordant la route puis repart en grande foulée sans plus se retourner.
    Kling ! Klang ! Kling ! Klang !
    Josué galope comme à toute allure, sauf que cinq minutes plus tard, c’est la charge de sa souffrance qui l’engorge et l’encombre. Alourdi par son mal-être, il stoppe sa course, écarte les bras et se vide sans délai.
    — Non ! Non ! Non ! hurle-t-il.
    Un bref instant, l’écho de ses cris perturbent la quiétude de la nuit.
    Moment fugace et éphémère !
    Après avoir capturé sa détresse dans son suaire de ténèbres indifférentes, la pénombre l’emprisonne à jamais et plus rien ne s’entend. Tout redevient calme et paisible. Et de la même manière que l’obscurité retrouve sa tranquillité, Josué se sent beaucoup mieux. Délesté de tous fardeaux, il enquille à vive allure les derniers kilomètres.

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    1. Vraiment étonnant où ce défi description peut nous mener ! Là, on est emporté dans une véritable allégorie de la course chrétienne, très aboutie au niveau du rythme. Il y a finalement assez peu de descriptions, ce qui m’a d’abord fait penser à un hors-sujet. Après relecture, je ne me rends compte qu’elle est dans le sujet, même si elle va plus loin. Tu as appliqué ce que tu as appris sur la description dans une courte histoire qui semble venir tout droit de ton cœur. Et franchement, c’est réussi, je n’ai pas grand chose à redire ! 😉

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    2. Nouvelle version

      IL ÉTAIT ENCOURAGÉ

      Allongé sur le dos, Josué se libère de son mal-être en pleurant dans ses mains, puis se relève en grelottant. Les yeux hagards, il nettoie sa bouche avec le dos de sa main et reprend sa route. Son pas est lourd. Il n’a pas fait cinq mètres qu’il est déjà exténué et doit s’arrêter pour reprendre son souffle.
      Josué enrage contre ses insuffisances, mais sa bonne étoile n’est jamais loin ! Bien qu’invisible aux yeux humains, l’ange d’Adonaï-Élohim arrive à sa rescousse et lui insuffle de nouvelles forces par une imposition des mains. L’effet est immédiat ! Sans savoir ni à qui ni à quoi attribuer ce regain d’énergie, Josué apprécie d’aller soudainement mieux. Regonflé à bloc, il s’ébroue comme un chien détrempé et programme son mental pour la victoire.
      « Cours mec ! s’encourage-t-il. Cours ! ».
      Pas après pas, sa marche s’affermit. Il trottine, allonge sa foulée et accélère sa vitesse. En quelques minutes, sa course se fait rapide, mais au cœur d’une nuit sombre et détendue, les breloques de métal cousues sur ses vêtements, s’entrechoquent et font du bruit.
      Kling ! Klang ! Kling ! Klang ! Les sangles d’acier fixées à son pantalon, les deux boucles en nickel de ses gros ceinturons et ses autres anneaux en fer, cliquettent et le déconcentre. Déconcentré par ces compagnons de voyage aux accents métalliques, Josué continue toutefois sa course.
      Kling ! Klang ! Kling ! Klang ! Qu’importe ! Le bruit est certes déplaisant, mais il n’entrave pas son déplacement. En revanche, Josué est freiné par son long manteau de cocher et par le poids de ses rangers. S’il veut aller plus vite et s’épuiser le moins possible, il va devoir ménager sa monture et se défaire de ce qui l’encombre. Il ralentit et, à petites foulées, il retire sa dague de la doublure intérieure de son cache-poussière qu’il jette sur le bas-côté de la route, puis il la glisse contre sa hanche en la coinçant dans l’élastique de son pantalon. Pour le reste, Josué n’a d’autre choix que de s’arrêter. Et dans l’obscurité silencieuse, il se débarrasse de ses ceinturons, balance sa paire de rangers dans le fossé, puis dans un geste symbolique, il s’arrache sa croix celtique suspendue à une chaînette d’argent et la lance au plus loin avec un petit cri d’effort.
      Volontaire, le sprinter reprend son échappée belle. Il récupère un bon rythme, mais le chemin reste très long jusque chez lui. S’il veut maintenir cette cadence, il va encore lui falloir s’alléger. Et cette fois-ci, c’est sa longue et précieuse dague qui le gène, s’enfonce dans son estomac et le fait grimacer. De plus, la lame le restreint dans sa mobilité. Le fourreau bloque la détente de sa jambe. Josué supporte tant qu’il le peut la douleur, mais cette contrainte physique, finit par le stopper. Au milieu du chemin, le souffle court et le front trempé de sueur, il porte la main à son côté. D’un geste sec, il enferme le manche d’ivoire entre ses doigts, lorsque des mots infiltrent son esprit.
      — Tu n’en auras plus besoin, lui souffle l’ange d’Adonaï-Élohim. Désormais, il te faudra apprendre à vivre sans…
      Josué s’étonne de cette pensée soudaine qu’il juge absurde et sans fondement. Hors de question pour lui de se défaire de sa dague. Pas une seconde, il n’envisage pas de se séparer de sa précieuse lame et de poursuivre la route sans elle, car elle dague fait partie de lui. Au fil du temps, elle est devenue le prolongement de sa main. Elle fait partie intégrante de lui, et ne plus l’avoir, serait comme sortir tout nu dans la rue. Et cette idée est totalement grotesque et insensée. Dépossédé de sa dague, Josué serait alors vulnérable et sans défense.
      — Tu dois t’en défaire, entend-il de nouveau dans sa tête. Tu dois t’en défaire… car c’est seulement dans ta faiblesse que se révélera la force du Très haut.
      Mentalement, Josué lutte contre cette pensée intrusive et insistante, et serre son crâne entre ses mains.
      —Non ! grogne-t-il. Plutôt crever ! Jamais !
      Apaisé par le calme revenu dans sa tête, Josué cramponne sa dague entre ses doigts et reprend sa course. Son élan est de courte durée. Il ne peut aller aussi vite qu’il le voudrait. Il lui est difficile de cavaler avec son arme au bout du bras, mais tenace et volontaire, il l’empoigne encore plus fort et se concentre sur le but à atteindre. Les yeux fixés sur les lumières au loin de la ville, des scènes de violence forcent son esprit. Lui revient en pensée, quelques actes délictueux qu’il a faits par le passé. Comme un boomerang de chienlit qu’il prendrait en pleine face, ces images le dégoûte. Ce qu’il est le dégoûte et lui donne la nausée. Et ce dégoût se multiplie lorsque l’image du Lion de Judas s’impose à lui dans un flash, et que des mots tels que « répugnance », « regret » et « honte » tournent en boucle dans sa pensée, avant d’être envahi de questions : « Pour qui ? Pourquoi ? Pour ça ? Pour ça… »
      Déstabilisé par ce qui passe en lui, Josué modère sa vitesse. Il est comme éclairé par le mal qu’il a semé, et alourdi par le sombre état de son cœur. La honte et la culpabilité le recouvrent et l’alourdissent comme un épais voile de ténèbres. Alors qu’il traverse seul cette nature endormie, Josué réalise qu’il a fait de mauvais choix, qu’il a cru à de fausses promesses, qu’il en payé très cher le prix de la liberté, de la force et du pouvoir, et qu’il continue de s’en acquitter. Le bilan est terrible. Josué prend conscience qu’il a beaucoup perdu et a perdu jusqu’à sa dignité… Quel gâchis !
      Il se sent piteux, misérable. Sa dague au bout des doigts lui fait soudain horreur. Voilà qu’il l’associe à toute cette merde et la juge en partie responsable de ses débordements. Comme une révélation, sa lame n’est plus la compagne idéale et indispensable, mais elle est l’objet du mal, l’associée du diable. Elle lui fait horreur. Elle lui brûle les doigts. Et dans un grognement de rage, il la lance dans les buissons bordant la route, puis repart en grande foulée.
      Kling ! Klang ! Kling ! Klang ! Josué fonce à toute allure, mais la charge de sa souffrance est bien trop lourde à porter. Il s’arrête net, écarte en grand les bras et se vide de tout son désespoir.
      — Non ! Non ! Non ! hurle-t-il.
      Un bref instant, l’écho de ses cris troublent la quiétude de la nuit. Mais le moment est fugace. Après avoir capturé son éphémère détresse dans son suaire de ténèbres indolentes, la pénombre l’emprisonne à jamais et plus rien ne s’entend. Et de la même manière que l’obscurité a retrouvé son calme, Josué se sent beaucoup mieux. Délesté de ses fardeaux du moment, il parcourt à vive allure les derniers kilomètres.

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  9. J’ignore si j’ai bien compris le défi mais voici une première ébauche :

    Elle etait attentive.

    « La salle paroissiale était à peine remplie, le pasteur sur sa chaire prêchait avec simplicité, une petite Bible noire à la main. Sur le premier rang on pouvait observer deux femmes d’un certain âge qui se chuchotaient les derniers ragots. Au centre un vieil homme s’était endormi, les mains croisées sur le ventre, et sur le dernier rang un groupe d’adolescents était penché sur leurs téléphones. L’ennui pesait dans la salle. Néanmoins, mon attention fut attirée par une jeune fille assise dans un coin, près de l’orgue. Elle portait une simple petite robe bleue avec des boutons de nacre, ses cheveux châtains étaient noué dans un chignon bas. Ses yeux noirs étaient rivés sur le pasteur. Elle buvait ses paroles. Des larmes ruisselaient sur ses joues roses. Et je dois vous dire que bien que son allure fut d’une banalité extraordinaire, sa foi et son attention à l’égard de Dieu la rendait d’une beauté inexplicable. Ses yeux étaient tels des diamants éclatants et son visage était rayonnant d’une lumière merveilleuse. Jamais je n’avais vu de femme aussi belle… Jamais je n’avais contemplé une âme aussi douce… Vous me direz qu’elle était simplement attentive… Mais cela me bouleversait. »

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    1. Bonjour Myriam et merci pour cette participation ! Vous avez parfaitement compris le défi. J’aime beaucoup votre petit paragraphe qui témoigne d’un bon niveau d’écriture. Voici notamment pourquoi :
      – Il y a une description des lieux et du physique des personnages, ce qui nous permet de visualiser facilement la scène, en peu de mots.
      – La fin est originale. « Vous me direz qu’elle était simplement attentive. Mais cela me bouleversait ». Vous montrez ainsi que la description qui montre va plus loin que les mots. Elle permet de saisir des émotions plus fortes et c’est justement tout ce je veux montrer par ce défi…
      – L’évocation est bien là : « L’ennui pesait dans la salle ». « Elle buvait les paroles » « ses yeux étaient tels des diamants éclatants » « une âme douce » « ses joues roses ». Cette femme ressort avec force au milieu de cette assemblée endormie…
      Bravo et j’espère à bientôt pour d’autres défis !

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