Jephté·Rois, Soldats et Prophètes·Théâtre

Jephté – Acte III (6)

Scène VIII

JEPHTÉ – JÉRED

JÉRED

Sans être vu, l’on peut tout voir et tout entendre ;
Tapi parmi les tentes il est aisé d’apprendre
Et ces trois castards-là m’auront bien diverti.
Voilà notre Myriam avec un beau parti !
Aurait-on deviné qu’un jour cette tigresse
Par un homme eut laissé prendre sa forteresse ?
Ce garçon, je le crains, d’amour est rendu fou.
Et puis, c’est son affaire. Que m’importe, après tout ?
Jephté, notre compère, cherche de Dieu la voie
Mais dans les Écritures il se perd et se noie.
Zakan se croit un maître et prétend l’enseigner,
Les douleurs de l’esprit se charge de soigner !
Les dieux au bon moment m’ont placé sur sa route ;
Nazar sera content, me bénira sans doute
Car j’apporte au moulin de sa juste rancœur
Le flot de rouerie qui le rendra vainqueur.

(Il se montre à Jephté.)

Salut à toi, Jephté, remarquable stratège,
Que Moloch te bénisse et Milcom te protège !

JEPHTÉ

Qui es-tu ?

JÉRED

Un ami et serviteur de Dieu.

JEPHTÉ

Duquel ?

JÉRED

Baal ou Kemosch. Lequel te convient mieux ?

JEPHTÉ

Celui qui me pourra conduire à la victoire.

JÉRED

Alors, c’est Adonaï. Ami, tu peux me croire,
Car je suis professeur, maître en divinité.
Il te donnera gloire, amour, prospérité.

JEPHTÉ

Je ne veux point d’argent, ni d’honneurs, ni de femmes,
Seulement triompher de ces bourreaux infâmes,
Ces étrangers maudits qui nous foulent aux pieds.

JÉRED

Adonaï, je te dis. C’est ton plus sûr allié.
N’as-tu pas fait un vœu pour qu’il te soit propice ?

JEPHTÉ

Oui, et j’ai par ailleurs promis un sacrifice.

JÉRED

Très bien ! Du gros bétail ?

JEPHTÉ

Un taureau de Basan.

JÉRED

Un seul ? Écoute-moi ! Ce n’est pas suffisant.

JEPHTÉ

À cette offre de sang que faut-il que j’ajoute ?

JÉRED

Pour mettre assurément l’ennemi en déroute,
Il faudra pour ton vœu de lourds engagements,
Promettre à ton Seigneur, irrévocablement,
D’offrir sur son autel un holocauste unique :
Tout homme ou toute femme…

JEPHTÉ

Mais c’est une œuvre inique !

JÉRED

De quoi t’indignes-tu ? Tous les dieux sont ainsi.
Ils réclament du sang et de la chair aussi.
Tout homme ou toute femme, dis-je, que Dieu lui-même
Choisira dans ton camp. Voilà le vœu qu’il aime.

JEPHTÉ

Ah ! Puisse-t-il échoir à Taram, ce pédant.
Je ne le puis souffrir.

JÉRED

Alors, en attendant,
Hâte-toi de parler, maintenant, Dieu t’écoute.

JEPHTÉ

Un homme en holocauste ! Sans mentir, il m’en coûte !

JÉRED

Parle.

JEPHTÉ

Adonaï, Seigneur, toi qui créas les cieux,
Et la terre, et la mer, reçois mon cœur pieux,
Toi qui remplis les lacs à l’entour des montagnes,
Je fais vœu devant toi, et cet homme en témoigne,
Lorsque j’aurai brisé notre persécuteur,
Lorsque chez mes amis je reviendrai vainqueur,
Le premier qui du camp sortira, homme ou femme,
Pour s’approcher de moi, brûlera dans les flammes.
Je le sacrifierai sur ton divin autel.

JÉRED

Voilà, qui est scellé.

JEPHTÉ

Amen !

JÉRED (à part)

Merci Samiel !

© 2024 Lilianof

https://lilianof.fr
https://www.thebookedition.com/fr/765_lilianof
https://www.publier-un-livre.com/fr/recherche?q=lilianof

https://plumeschretiennes.com/author/lilianof
https://vk.com/lilianof

Laisser un commentaire