Scène VIII
JEPHTÉ – JÉRED
JÉRED
Sans être vu, l’on peut tout voir et tout entendre ;
Tapi parmi les tentes il est aisé d’apprendre
Et ces trois castards-là m’auront bien diverti.
Voilà notre Myriam avec un beau parti !
Aurait-on deviné qu’un jour cette tigresse
Par un homme eut laissé prendre sa forteresse ?
Ce garçon, je le crains, d’amour est rendu fou.
Et puis, c’est son affaire. Que m’importe, après tout ?
Jephté, notre compère, cherche de Dieu la voie
Mais dans les Écritures il se perd et se noie.
Zakan se croit un maître et prétend l’enseigner,
Les douleurs de l’esprit se charge de soigner !
Les dieux au bon moment m’ont placé sur sa route ;
Nazar sera content, me bénira sans doute
Car j’apporte au moulin de sa juste rancœur
Le flot de rouerie qui le rendra vainqueur.
(Il se montre à Jephté.)
Salut à toi, Jephté, remarquable stratège,
Que Moloch te bénisse et Milcom te protège !
JEPHTÉ
Qui es-tu ?
JÉRED
Un ami et serviteur de Dieu.
JEPHTÉ
Duquel ?
JÉRED
Baal ou Kemosch. Lequel te convient mieux ?
JEPHTÉ
Celui qui me pourra conduire à la victoire.
JÉRED
Alors, c’est Adonaï. Ami, tu peux me croire,
Car je suis professeur, maître en divinité.
Il te donnera gloire, amour, prospérité.
JEPHTÉ
Je ne veux point d’argent, ni d’honneurs, ni de femmes,
Seulement triompher de ces bourreaux infâmes,
Ces étrangers maudits qui nous foulent aux pieds.
JÉRED
Adonaï, je te dis. C’est ton plus sûr allié.
N’as-tu pas fait un vœu pour qu’il te soit propice ?
JEPHTÉ
Oui, et j’ai par ailleurs promis un sacrifice.
JÉRED
Très bien ! Du gros bétail ?
JEPHTÉ
Un taureau de Basan.
JÉRED
Un seul ? Écoute-moi ! Ce n’est pas suffisant.
JEPHTÉ
À cette offre de sang que faut-il que j’ajoute ?
JÉRED
Pour mettre assurément l’ennemi en déroute,
Il faudra pour ton vœu de lourds engagements,
Promettre à ton Seigneur, irrévocablement,
D’offrir sur son autel un holocauste unique :
Tout homme ou toute femme…
JEPHTÉ
Mais c’est une œuvre inique !
JÉRED
De quoi t’indignes-tu ? Tous les dieux sont ainsi.
Ils réclament du sang et de la chair aussi.
Tout homme ou toute femme, dis-je, que Dieu lui-même
Choisira dans ton camp. Voilà le vœu qu’il aime.
JEPHTÉ
Ah ! Puisse-t-il échoir à Taram, ce pédant.
Je ne le puis souffrir.
JÉRED
Alors, en attendant,
Hâte-toi de parler, maintenant, Dieu t’écoute.
JEPHTÉ
Un homme en holocauste ! Sans mentir, il m’en coûte !
JÉRED
Parle.
JEPHTÉ
Adonaï, Seigneur, toi qui créas les cieux,
Et la terre, et la mer, reçois mon cœur pieux,
Toi qui remplis les lacs à l’entour des montagnes,
Je fais vœu devant toi, et cet homme en témoigne,
Lorsque j’aurai brisé notre persécuteur,
Lorsque chez mes amis je reviendrai vainqueur,
Le premier qui du camp sortira, homme ou femme,
Pour s’approcher de moi, brûlera dans les flammes.
Je le sacrifierai sur ton divin autel.
JÉRED
Voilà, qui est scellé.
Amen !
JÉRED (à part)
Merci Samiel !
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