Georgia O’Keeffe 2/4 : Une création sous le signe de l’abstraction.

Source de fascination et longtemps considérées comme explication première du monde, les cosmogonies n’auront eu de cesse d’accompagner les Hommes au cours de l’histoire. Parmi les récits de créations célèbres nous pouvons citer le mythe du rêve chez les Aborigènes mais aussi la création du monde racontée dans le livre de la Genèse.
Le récit de la création englobent tout un ensemble d’enjeux : théologique, anthropologique, philosophique et artistique.
L’origine du monde est sûrement l’une des scènes les plus représentées dans l’histoire de l’art. Le thème de la création originelle renvoie à ce qui a de plus profondément enraciné en nous : la question du beau et des origines, la place de l’Homme dans la création.
« La création plus qu’un récit est un acte artistique multidimensionnel. »
En Art, il existe une myriade d’́œuvres faisant référence à cette épisode sacré de la vie. Parmi les représentations les plus célèbres nous pouvons citer la fresque de la Chapelle Sixtine à Rome peinte par Michel-Ange.
Toujours dans la même thématique, nous pouvons également citer Le Jardin des délices de Jérôme Bosch, oeuvre énigmatique sous forme de triptyque représentant dans un premier temps Adam et Éve dans le jardin harmonieux d’Éden. Puis dans une seconde partie , l’état du monde après la chute plongé dans le chaos.
L’art, par différentes manières, en passant du figuratif à l’abstraction a su rendre compte de l’état de la nature.
Aujourd’hui, nous nous pencherons sur l’œuvre singulière d’une peintre américaine du XXe siècle : Georgia O’Keefe.
Qui est Georgia O’Keefe ?
Née en 1887 à Sun Prairie dans le Wisconsin et décédée en 1986 à Santa-Fé ( Nouveau-Mexique), Georgia O’Keeffe est l’une des peintres américaines les plus importantes de sa génération. Rejetant la peinture figurative, elle se consacrera en grande partie à la peinture de paysages naturels mais aussi de fleurs qui la rendront célèbre.
L’univers pictural de Georgia O’Keefe fera partie de ce que l’on appellera le modernisme américain : mouvement culturel qui prend son essor aux États-Unis dans les années 30.
Qu’est-ce que le Modernisme américain ?
En peinture, le modernisme américain se caractérise par une esthétique privilégiant l’abstraction. Plutôt que de représenter de façon réaliste des objets physiques, les artistes s’attachent à montrer des idées, des pensées, des textures, des couleurs et des lignes.
Les oeuvres de l’artiste américaine, ont comme cadre pour la plupart les paysages désertiques et colorées du Nouveau-Mexique. Artiste prolifique, se consacrant également à la photographie et aux dessins, elle peindra près de 900 tableaux.
Les tableaux de G. O’Keeffe renvoient l’image d’une nature originelle parfois informe mais prêt à prendre forme. Une nature originelle proche d’une certaine sensualité qui pourrait presque nous rappeler l’état du monde avant la culture. Riche en couleurs et en lignes destructurées, ces tableaux évoquent une représentation informelle de la nature détachée de tout soucis de réalisme. Les émotions et la subjectivité semblent aussi tenir une certaine place comme en témoigne le tableau ci-dessous.
Étude d’une Œuvre
Ici, la voûte céleste perd son bleu habituel, sa forme éthérée et légère pour devenir un ciel jaune énigmatique. De grands nuages de terres ou de fumées aux formes presque menaçantes dominent l’ensemble du paysage. Comme au commencement du monde, un vide et un chaos initial semblent régner.

101,3 x81,3 cmCentre Pompidou, Musée national d’art moderne,Paris. – Photo O Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe
Migeat/Dist. RMN-GP@ Centre Pompidou, MNAM-CCI
Dans ce tableau ouvert à toutes interprétations, nous découvrons une toute autre perspective. Le choix des couleurs et de la lumière semblent jouer avec nos perceptions habituelles. Sommes-nous pris dans un immense brouillard ou une tempête de sable ? L’artiste nous présente une certaine vision onirique d’une nature transformée sous son regard. Une nature abstraite mais préservée. Peut-on y voir une fable écologique ? Dans les peintures de paysages de Georgia O’Keeffe, aucune silhouette humaine n’y figure. Laissant à la nature une sorte de prédominance.
Cette absence de l’Homme peut être une invitation à une forme d’humilité vis-à-vis de la nature et de la grandeur de toute une création. Cette absence de l’Homme, également spectateur, nous laisse donc face à cette question : Quelle est la place de l’Homme dans la création ?
Versets de la fin :
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or, la terre était chaotique et vide. Les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. »
Genèse 1 : 1-2
« Quand je contemple le ciel que tes doigts ont façonné, les étoiles et la lune que tes mains ont disposées, je me dis : Qu’est-ce que l’homme, pour que tu en prennes soin, et qu’est-ce qu’un être humain pour qu’à lui tu t’intéresses ? «
Psaumes 8:4-5
Pour aller plus loin
-Modernisme américain :
-L’abstraction :
https://www.beauxarts.com/grand-format/labstraction-en-2-minutes/
Lectures :
-Figurer la création du monde : mythes, discours et images cosmogoniques dans l’art de la Renaissance. Florian Metral, Actes Sud
-Georgia O’keefe, coll. Paroles D’artistes, éd. Fage Eds
-L’œuvre d’art, Corpus, GF Flammarion

Très intéressant, merci.
Envoyé de mon Y6
J’aimeJ’aime