Scène VI
KÉZIA – ASARHADDON
ASARHADDON
Est-ce ici la colline où l’on sert à Moloch
De l’huile sur le bois et du sang sur le roc,
Des dieux de Canaan l’autel abominable
Où l’on tranche le cou des enfants sur la table ?
KÉZIA
C’est ici, en effet, ce qu’on nomme un haut lieu
Où les païens encore sacrifient à leurs dieux,
Pour apaiser Moloch, l’idole vengeresse.
ASARHADDON
De ce culte infernal êtes-vous la prêtresse ?
KÉZIA
Non, je ne le suis point.
ASARHADDON
Par quel hasard, alors
Vous trouvé-je en ce lieu où l’odeur de la mort
Aux plus vaillants soldats feraient perdre courage ?
Que fait cette beauté sur ce champ de carnage
Et cette jolie fleur sur ce tas de fumier ?
Car vos yeux sont mortels, je ne puis le nier.
KÉZIA
Vous êtes un flatteur. Allons, beau capitaine,
Est-ce pour mes beaux yeux que vous prenez la peine
De gravir en armure la pente de ce mont ?
ASARHADDON
Je voudrais rencontrer cet enfant du démon,
Le plus félon des rois et le plus méprisable,
Ce ventre sans entrailles, ce lapin pitoyable,
Ce cloporte rampant, exécrable animal,
Ce rat toujours vautré sous le pied de Bélial,
Traître à son Dieu, son peuple, à son père parjure,
Assassin par surcroît, foie de porc, âme impure.
Je parle évidemment du lâche Manassé
Qui brûle ses enfants. L’auriez-vous vu passer ?
KÉZIA
Parler ainsi du roi, soldat, mais quelle audace !
Craignez que de sa lance il vous fiche sur place.
Manassé n’est point homme à donner le pardon,
Par son glaive il vous peut enseigner la raison.
Oui, le roi de Juda n’est qu’un bien triste sire.
ASARHADDON
Et je suis fort heureux de vous l’entendre dire,
Car d’autres compliments il ne mérite point.
KÉZIA
Mais pour le rencontrer vous arrivez de loin
Si j’en crois votre heaume et j’en crois votre armure.
ASARHADDON
Je viens lui rappeler son inique imposture.
Voici venu pour lui le jour de la terreur
Car il a de Ninive offensé l’empereur.
Du Tigre je m’en viens lui déclarer la guerre
Et pour bien commencer, je vous tiens prisonnière.
KÉZIA
Pour vouloir me saisir, soldat, qu’êtes-vous donc ?
ASARHADDON
Votre nouveau seigneur, madame.
(Il ôte son casque.)
KÉZIA
Asarhaddon !
ASARHADDON
La face du vainqueur vous émeut, jeune fille.
Suivez-moi sans pleurer, vous serez bien gentille.
(Elle s’évanouit. Asarhaddon la prend dans ses bras et l’enlève.)
© 2025 Lilianof
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