Chrétiens en URSS·La Grappe de raisin·Théâtre

La Grappe de Raisin – Acte II (3)

Scène III

BORIS

Holà ! Ça brûle ! Et voilà que ça saigne ! La bête féroce ! Elle m’a bien déchiré la figure avec ses ongles. C’est parfois dangereux, ces animaux-là. C’est tranchant et contondant. Je m’étais fort bien accommodé de son côté contondant, mais cette fois elle m’a vraiment fait mal. De tout petits poignards qui m’ont pénétré la chair. Que c’est douloureux ! C’est douloureux et humiliant. Elle m’a laissé une signature que je vais devoir exhiber toute ma vie. Elle va pouvoir raconter en riant à toutes ses copines que c’est elle qui m’a fait ça. Quelle gloire ! La gloire pour elle et pour moi la honte ! Ivan Ivanovitch ne va pas manquer de me railler. Je l’entends déjà : « Alors, camarade : quel est cet animal hybride que tu viens d’affronter ? Une pouliche aux griffes de léopard ? » Il ne faudra pas qu’il me chauffe trop les oreilles. Elles sont déjà bien assez chaudes comme ça. Et les filles ! Elles vont bien rire aussi !

La petite folle ! Elle va me le payer, elle me le paiera très cher. Ses bigots de parents aussi. Le père Traube va en verser les intérêts. Frida croit pouvoir me braver parce qu’elle a des ongles. Moi j’ai d’autres armes. Elle veut me résister, après tout tant mieux ! C’est une cité difficile à conquérir, mais j’aime la guerre. Une ville cernée de remparts, je l’assaillirai, je l’assiégerai, je la harcèlerai jusqu’à ce que les murs tombent et qu’elle capitule. J’espère que la guerre sera cruelle.

Ça saigne encore ! Ça grouille de microbes sous les ongles. C’est la guerre bactériologique qui commence. Il faut que je fasse soigner ça. Je vais aller trouver Nadia, ses jolies petites mains vont me faire une compresse qui va piquer, et puis je me consolerai dans ses bras. Cette chère Nadia ! Comme elle me plaît ! Si jolie, si pleine d’esprit, si espiègle, un peu rebelle par moments, pas autant que cette furie qui vient de me déchiqueter. Elle sait où est son intérêt. Mais j’allais oublier son anniversaire. Elle a quatorze ans aujourd’hui. Elle ne me l’aurait pas pardonné. Je vais lui faire un joli cadeau, à la hauteur de sa beauté. Voilà ! J’ai vu un beau collier chez Poliakov. Douze mille roubles. Évidemment, c’est un peu cher… Allons-y ! Avec d’aussi belles pierres autour du cou. Elle ne pourra plus rien me refuser.

Oh ! Là ! Là ! Ça brûle !

(Entre Ivan Lepkine.)

© 2025 Lilianof

https://lilianof.fr
https://www.thebookedition.com/fr/765_lilianof
https://www.publier-un-livre.com/fr/recherche?q=lilianof

https://plumeschretiennes.com/author/lilianof
https://vk.com/lilianof

Laisser un commentaire