Phoenix étend son aile azurée de couleur,
Sur sa neuve couvée, improbable mélange,
De vieux os retraités et de jeune chalenge,
Multitude cuisant de joie ou de douleur,
Dans ce nid du désert, bruni par la chaleur.
Autrefois consumé d’une atroce chaleur,
Son peuple s’éclipsa, par un effet étrange.
Ses champs et ses canaux, les fruits de sa douleur,
Tout disparut, enfoui sous une ocre couleur.
Or après cinq cents ans, tout chargé de chalenge,
Le vent nouveau attise un désir sans mélange.
Le marteau retentit, le mortier se mélange,
Des vagues d’immigrés, affrontant la chaleur,
Relèvent promptement ce sidérant chalenge.
Telle l’oiseau magique, au destin si étrange,
Dont le poitrail en feu rayonne de couleur,
La fille du désert accouche avec douleur.
Le songe du matin, pleuré dans la douleur,
Souvent laisse au palais, ce goût d’affreux mélange,
Du vin évaporé, dont la tendre couleur,
N’est plus qu’un résidu, laissé par la chaleur.
Mais l’histoire d’après, se veut bien plus étrange
Que le fragile espoir, d’un trop humain chalenge.
Car devant le Dieu fort, ne tient aucun chalenge :
Il peut en un clin d’œil, dissiper ta douleur,
Aucune guérison n’est pour lui trop étrange ;
Il règne dans le ciel, souverain sans mélange.
Dans ton âme il répand sa divine chaleur,
A l’œil creux de la mort, il redonne couleur.
La mythique cité, au nom vif en couleur,
Dit au monde angoissé d’un prodigieux chalenge,
Que lui pose bientôt, l’envol de sa chaleur,
De trouver son salut, dans l’homme de douleur,
Qui passa par le feu, et bu l’amer mélange,
Pour vaincre le tombeau, d’une manière étrange.
Rêve étrange du Phœnix, flamboyant de couleur,
Tu mélanges les siècles en un vivant chalenge,
Et ta douleur vieillie, se sublime en chaleur !
Eh non, la sextine ne consiste pas à envoyer de courts textes graveleux à l’aide d’un téléphone portable ! puisque cette activité poétique, d’origine provençale, remonte aux troubadours du moyen-âge… Néanmoins il faut reconnaître son caractère assez tordu, puisqu’elle oblige six pauvres mots à rimer ensemble, au-delà de leurs besoins naturels.
Très contraignante, la vraie sextine se compose de six sizains sur deux rimes seulement, féminine et masculine, les mêmes six mots devant être permutés cinq fois, selon un ordre bien précis ; qui est expliqué ici https://fr.wikipedia.org/wiki/Sextine
Elle se termine par la tornada, un tercet qui contient les six mots dans l’ordre initial de la première strophe.
Après avoir quitté la Provence, la sextine a connu beaucoup de succès en Italie, d’où elle est revenue en France, grâce à son grand maître incontesté Ferdinand de Gramont (1812-1897). Plus tard la bande à Queneau s’en est emparé, avec toute la fantaisie inventive et désopilante de l’Oulipo.
Pour les puristes, je signale que Chalenge avec un seul l, est un vieux mot français, signifiant défi, épreuve, volé par l’anglais, qui a ensuite prétendu, que c’est nous qui le lui avons emprunté, sous l’orthographe Challenge. Ce genre de larcin-plagiat n’étonnera personne un peu au courant de l’histoire de l’anglais.
Si la capitale de l’Arizona s’écrit Phoenix et non Phœnix, c’est tout simplement parce que la typographie américaine ignore notre si sympathique œ ; mais son nom fait bien référence au fameux oiseau mythologique, et elle le porte à très bon escient.
Jusqu’au 14ième siècle, ce site, près de la rivière Gila, était occupé par un peuple mystérieux, les Hohokams, qui avaient construit un vaste système de canaux d’irrigation, pour cultiver le maïs, le tabac, et le coton. Puis les Hohokams ont soudainement disparu, sans qu’on en sache la cause, probablement des années de sécheresse. L’emplacement resta à l’abandon durant 500 ans, jusqu’à l’arrivée de quelques pionniers vers 1860 ; ils découvrirent là les anciens canaux, et se mirent à les recreuser. Parmi eux se trouvait un certain Lord Darrell Duppa, globe-trotter excentrique, fin lettré, polyglotte porté sur le whisky. Au cours d’une lyrique allocution, il prophétisa à ses rudes compagnons étonnés, qu’une ville allait renaître ici de ses cendres, après cinq siècles, telle le Phœnix égyptien. Et cela est arrivé ! la ville compte aujourd’hui plus de trois millions d’habitants ; beaucoup de vieux qui y viennent l’hiver, à cause du climat, et de jeunes qui fuient la Californie.
Les premiers chrétiens ont très rapidement récupéré la légende du Phœnix pour en faire le symbole de la résurrection de Jésus-Christ, voire un type de Jésus-Christ lui-même. Clément de Rome, évêque du premier siècle, bien connu pour son importante épître aux Corinthiens, leur écrit : Considérons encore le prodige qui a lieu dans certaines contrées de l’Orient, c’est-à-dire en Arabie. On y trouve un oiseau qui s’appelle phénix ; il est seul et unique de son espèce. Cet oiseau vit environ six cents ans ; quand sa fin approche, il se fait un nid composé de myrrhe, d’encens et d’autres aromates ; puis il entre dans ce nid et y meurt etc..
On reste stupéfait de la crédulité de ce Père de l’Église, qui raconte cette fable comme un chapitre d’histoire naturelle, mais le vrai sujet d’étonnement, c’est qu’on la retrouve sous toutes les latitudes : les Amérindiens de l’Arizona avaient eux-mêmes leur propre oiseau fantastique, né du feu : le Thunderbird. Il semble que l’âme humaine ait toujours été dotée d’une intelligence intuitive, supra-rationnelle, qui crée spontanément les symboles lui permettant d’exprimer ses aspirations profondes, et en particulier celle de la résurrection.
Job se sert de cette image, chapitre 29, verset 18 : Je mourrai dans mon nid, et je multiplierai mes jours comme le phœnix. C’est ainsi que l’a traduit la Septante (le mot grec φοίνικος est identique pour l’oiseau et le palmier ; mais même dans l’original hébreu le sens du mot est discuté, https://en.wikipedia.org/wiki/Chol_(Bible)).
Quoiqu’il en soit, Jésus-Christ est non seulement ressuscité, mais il est lui-même la Résurrection, ainsi qu’il l’a déclaré aux sœurs de Lazarre. Résurrection future des corps de ceux qui se confient en lui, et dès à présent de leur vie spirituelle, et de leur ancien rêve de bonheur. Jésus-Christ a mis en évidence la vie et l’immortalité, le Phœnix n’a donc plus besoin de brûler une nième fois son nid pour renaître, et la sextine peut arrêter de tournoyer :
la mort n’a plus de pouvoir sur lui. (Romains.6.9)
Extincta revivisco: je renais de mes cendres. Le phoenix est l’emblème de Châteaudun, incendiée en 1870 et reconstruire. C’est aussi, pour la même raison, l’emblème de l’abbaye de Grimbergen, près de Bruxelles, connue pour sa bière.
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Renaître de la « bière » donc pour les Grimbergeois 😋, il faudra y faire un tour…
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