SCENE UNIQUE
Deux vieilles discutent, recroquevillées sur un banc extérieur. Elles semblent attendre, on ne sait quoi. L’une a le nez levé vers le ciel. L’autre fixe la terre.
PREMIERE VIEILLE : La pluie, je l’entends.
SECONDE VIEILLE : Hein ? Comment ça ? C’est un soleil rouge !
PREMIERE VIEILLE, un doigt sur la lèvre et plongée dans une intense réflexion : Gouttes de sang, tu dis ?
SECONDE VIEILLE : Mais non voyons.
Les deux vieilles femmes reprennent leurs contemplations, silencieuses.
PREMIERE VIEILLE, s’exclame soudainement avec force : Oh, un oiseau !
SECONDE VIEILLE : Tss… Un corbeau…
PREMIERE VIEILLE : Tu parles d’ailes brisées ?
SECONDE VIEILLE, toujours grimaçante : Ou plutôt d’un cœur !
PREMIERE VIEILLE : Il est six heures.
SECONDE VIEILLE, dans un soupir : Un… son d’airain.
PREMIERE VIEILLE, tout à coup effrayée : Qui suis-je ?
SECONDE VIEILLE : Je disais quoi déjà ?
PREMIERE VIEILLE, hausse les épaules : Que la roue a trop tourné ?
SECONDE VIEILLE : Oui, le navire est parti.
PREMIERE VIEILLE, d’une voix pleine d’émotion : Ciel ! Pluie ! Emportez-moi…
SECONDE VIEILLE : Faut vraiment que je rentre chez-moi, sotte que je suis…
Au même moment, une petite fille et son ballon déboulent sur scène avant de disparaître aussitôt.
PREMIERE VIEILLE : Jeunesse étrange.
SECONDE VIEILLE : Le début seulement… et déjà si proche de la fin…
Le rideau se ferme sur les deux vieilles.

A l’image des pièces de Samuel Beckett et de Ionesco, je me suis moi aussi essayée à l’absurde. Pour ceux qui n’en sauraient que peu, c’est un genre théâtral moderne qui a trouvé son essor après la Deuxième Guerre mondiale. Les dramaturges y questionnent la folie de l’homme (notamment après l’important génocide des juifs et l’horreur des camps de concentration) tout en réfléchissant sur les notions du temps, de la vie et de la mort. Ils dénoncent également l’inutilité des mots, leur puissance (lors de discours, de lavages de cerveaux) comme leur impuissance (face aux gestes pour exprimer les choses). C’est une suite d’idées souvent illogiques pour montrer la difficulté de la communication entre les hommes. En bref, ce genre théâtral, en dehors de ces quelques points sombres, me fascine.
Sauriez-vous reconnaître ce que représentent les deux femmes ? Elles sont en vérité, deux tendances de ma personnalité : la naïveté et le pessimisme. A travers ce dialogue étrange, elles on exprimé mon ressenti du moment, mes questions refoulées au plus profond de moi-même.
Promis, j’ai beau être une plume mélancolique, j’aime également écrire l’espoir et la joie. Après tout, le monde n’est-il pas ni tout blanc ni tout gris ?
La Plume Messagère, retrouvez-moi sur mon site.
Très bel essai ce texte et la référence à Beckett est super bien trouvée et expliquée.
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L’absurde est toujours intéressant à lire ( plus compliqué à écrire 😉 ) Il nous met face à nos dualités, nous doutes, notre fragilité et nos incompréhensions.
Merci d’avoir mis en mots ces deux « mémés enfantines » !
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