Acte Premier
Scène VI
PLOGROV – BAFANOV – YVONNICK*
YVONNICK
Vous m’avez appelée ?
PLOGROV
Non. Qu’importe, venez.
Yvonnick, notre amie, nous vient de Douarnenez.
BAFANOV
Enchanté.
YVONNICK
Moi de même.
BAFANOV
De l’humide Bretagne
Elle vient respirer l’air chaud de nos campagnes.
YVONNICK
Je vous vois tous les deux déjà bien enivrés.
Je devrais m’éclipser.
BAFANOV
Nous en serions navrés.
YVONNICK
La fête est bonne ici. Ce n’est pas jour de jeûne.
Je veux en boire aussi.
PLOGROV
Non point, tu es trop jeune.
Veux-tu de l’orangeade ou du sirop d’orgeat ?
YVONNICK
Breuvage de fillette ! Vous n’êtes qu’un goujat !
BAFANOV
Euh… comment trouvez-vous la vieille Syldurie ?
PLOGROV
Allons, ne le prends pas sur ce ton, ma chérie.
BAFANOV
Ma chérie ? Votre nièce ou quelque parenté ?
PLOGROV
Ma fiancée.
BAFANOV
Quoi ? Cette fille ?
PLOGROV
En vérité.
YVONNICK
Sa fiancée. Alors ? Ça vous gêne, gros père ?
BAFANOV
Péronnelle insolente, en voilà des manières !
YVONNICK
Ce bedonnant partout fourrant son vilain nez !
BAFANOV
Bedonnant ! La chipie ! Je vais vous en donner !
PLOGROV
Espièglerie d’enfant, bagatelle, vétille.
Ne vous querellez plus, mon amour, sois gentille.
Ma belle, aie du respect pour ce ventre charnu.
BAFANOV
Ce visage, d’ailleurs, ne m’est pas inconnu.
PLOGROV
C’est la sœur de Nolwenn, Xanthia, si tu préfères.
On me l’a confiée ; je saurai bien qu’en faire.
BAFANOV
Quoi ? La sœur de Xanthia ?
PLOGROV
Elle a de qui tenir.
Je ne regrette pas de l’avoir fait venir ;
Aussi dévergondée que Nolwenn, cette fille
Est perverse à souhait. C’est l’esprit de famille.
Sans plus tergiverser, je l’épouse à présent.
BAFANOV
Vous l’épousez ? Sérieux ? Elle est jeune.
PLOGROV
Quinze ans.
À servir mes projets n’est-elle disposée ?
Belle, devineresse, comme un serpent rusée.
Si je suis un prophète, elle est mon Aïcha,
Si je suis empereur, elle est Messalina.
Oui, je rebâtirai l’antique Babylone,
Elle en sera la reine, à son front la couronne.
Dans la Bible, il est dit : « la femme Jézabel. »
Elle l’incarnera, et le Dieu d’Israël,
Et le Dieu des chrétiens devra lutter contre elle.
Comme fut Jeanne d’Arc, indomptable pucelle…
BAFANOV
Pucelle est-elle encore ?
PLOGROV
Pucelle elle n’est plus.
BAFANOV
Métaphore bancale.
PLOGROV
Mais je suis résolu
D’en faire mon émule, mon bras droit, ma complice.
Loin de nous la vertu, glorifions le vice !
Croyants, abandonnez vos vieux rêves pieux.
Aujourd’hui mon veau d’or détrône votre Dieu.
https://lilianof.com
https://www.thebookedition.com/fr/765_lilianof
https://plumeschretiennes.com/author/lilianof
https://vk.com/lilianof
La Plume de Lilianof
© 2022 Lilianof