Acte II
Scène II
BAFANOV – YVONNICK – PLOGROV
PLOGROV
Qu’on se taise et salue mon auguste personne.
Nimrod est revenu, le roi de Babylone,
Nimrod numéro deux, oui, c’est par ce prénom
Que je veux qu’on m’appelle. Ma gloire et mon renom
Illuminent la terre. Ma personne est sacrée.
BAFANOV
Ô folie de grandeurs et dramatique entrée !
YVONNICK
Taisez-vous !
BAFANOV
Si je veux.
PLOGROV
Je suis le fondateur
D’un royaume éternel, potentat, créateur.
Du haut de ces hauteurs contemplez donc ma ville,
Fondée sur cet Euphrate aux rivages fertiles.
Le grand Nimrod, jadis, construisit une tour ;
Il ne l’acheva point, mais Plogrov, à son tour,
Appelant près de lui les plus fins architectes,
Construit pour chaque peuple et pour chaque dialecte,
Pour diriger les cieux, les mers, le monde entier,
L’éternelle cité. Admirons ce chantier.
Il n’a fallu qu’un an ; remarquable prouesse.
Il fonde son empire, il tiendra sa promesse :
Un nouvel univers avec un nouveau dieu,
Domptant des océans les flots impétueux.
Yvonnick, avez-vous averti mon prophète
Que vous le formeriez des pieds jusqu’à la tête.
BAFANOV
Elle m’a prévenu.
PLOGROV
Excellent ! Au travail !
Votre grand ministère doit filer sur ses rails
Et le monde nouveau déjà s’est mis en place.
Le monde ancien s’ébranle et tombe sur sa face,
Et voici Babylone, imprenable cité
D’où les peuples plieront selon ma volonté.
YVONNICK
En un an, rien qu’un an ! Quels combats ! Quelle route !
Nous avons surmonté mille obstacles, sans doute,
Depuis que les croyants, jusqu’au ciel élevés,
Que des « nés-de-nouveau » plus un ne fut trouvé,
La terre est délivrée de ces chrétiens perfides,
Ce qui ne signifie que les temples sont vides.
L’apostasie s’abat sur les pays entiers.
PLOGROV
Vaines religions, nul ne peut le nier,
Ces dévots ont besoin d’apôtres et de guides
Qui soient en même temps rabbins, prêtres et druides.
Toutes religions dans un même chaudron,
Pieuse impiété, ami, nous forgerons.
YVONNICK
Le pouvoir est fondé sur cette duperie.
Le veau d’or, mes amis, la sainte idolâtrie !
BAFANOV
Je ne comprends pas tout.
PLOGROV
Yvonnick vous dira
Ce qu’il vous faut savoir et tout s’accomplira.
Alors que de la foi les eaux se sont taries,
Nous avons vu tomber l’infâme Syldurie.
Du continent pervers la folle ambition
Avale tous les peuples, aspire les nations.
L’Europe est engraissée du sang de ses fidèles ;
Qui pourrait l’ébranler, terrible citadelle.
Par d’habiles manœuvres, en fin politicien,
J’ai maintenu ce monstre en laisse comme un chien.
YVONNICK
Manipulations, pots de vin, tromperies,
Occultes alliances et Franc-maçonnerie !
PLOGROV
Le bigre m’appuyant, n’était-il pas normal
Que j’en sois désigné président général ?
Prix Nobel de la paix, moi qui chéris la guerre !
De ce trône élevé je domine la terre,
Tout comme des marottes ou comme des pantins
Des petits dictateurs je guide le destin.
Je contracte avec l’Inde, la Chine et la Russie
Traités à mon profit.
YVONNICK
La fourbe est réussie.
Elle est alimentée aux sources de Satan,
Un maître redoutable, un utile assistant.
Nous foulons sous nos pieds les tribus de l’Afrique.
Notre voix fait trembler la puissante Amérique.
PLOGROV
Je gagne leurs armées, je pille leurs trésors,
De leur économie je ruine les efforts,
Et pour accréditer ma sagesse divine,
Je soutiens Israël contre la Palestine ;
Et les Palestiniens, pour combattre Israël,
Je les arme en secret.
BAFANOV
Non ? Vraiment ?
YVONNICK
C’est réel.
Cacher avec les Juifs, hallal chez les Arabes,
Marchant sournoisement tout de biais comme un crabe.
PLOGROV
Enfin, de cette tour de verre et de métal,
Je dirige ma flotte en parfait amiral.
Ma ville, Babylone, superbe capitale
Couvre l’ancien Irak, ses banlieues s’étalent
Jusqu’aux rives du Tigre et jusqu’à l’infini
La ville grandira. Tous les peuples unis
Sous mon bras protecteur y trouvent un refuge.
YVONNICK
La colère de Dieu, Sodome, le déluge,
Sous l’aile de Nimrod, qui la craindrait encor ?
L’Éternel fut puissant, Plogrov est bien plus fort.
(Un secrétaire entre et remet une carte de visite à Plogrov et sort aussitôt.)
PLOGROV
J’ai donné rendez-vous à ce juif téméraire ;
Avec ce Grand-Rabbin nous aurons quelque affaire.
Rosenfeld est ici. Les douze clans hébreux
Attendent l’entretien. Qu’il soit donc chaleureux.
BAFANOV
Il semble qu’Israël ait trouvé son messie.
Je laisserai donc place à la diplomatie.
PLOGROV
Non. Restez, Bafanov. Vous êtes concerné.
Car c’est de religion qu’il faudra raisonner.
YVONNICK
Les rabbins n’aiment pas parler avec des femmes.
Je m’en vais.
PLOGROV
Nullement, tendre feu, douce flamme.
Pour l’aider à signer ton esprit pernicieux,
Ton charme et ta beauté me serviront au mieux.
Je compte sur tes bras, sur tes yeux, sur ta bouche.
Pour atteindre nos fins, jette-le sur ta couche.
YVONNICK
Quoi ? Tu n’y songes pas ! Séduire un rabboni !
PLOGROV
Tout Grand-rabbin qu’il soit, c’est un homme fini.
(Entre Rosenfeld.)
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