Babylone·Dimitri Plogrov·Théâtre

Dimitri Plogrov – Acte III (1)

Acte III

Premier tableau

Trois ans après l’enlèvement. Jérusalem. Le mur des Lamentations. L’esplanade se remplit progressivement de figurants parmi lesquels apparaît Dos Pessos.

Scéne première

DOS PESOS – figurants

Voici Jérusalem, Israël, terre sainte,
C’est la ville sacrée aux antiques enceintes.
Jérusalem ! Si je t’oublie… Temple sacré,
Que reste-t-il enfin des portiques dorés ?
Oliviers millénaires, collines ombragées,
Cité du roi David mille fois saccagée !
Ville qui vit mourir le saint Emmanuel,
Perdue, abandonnée de ton Maître éternel.
Base du temple hébreu, muraille réputée,
Au peuple Philistin tant de fois disputée.
Ô ville sans rivale, ô profanation !
Tu n’es plus que malheur et désolation.
Ô ville bien-aimée, qu’es-tu donc devenue ?
Ô ruelles sordides, sinistres avenues !
Montagne dédiée à la dévotion,
Rocher de Morija, qu’est devenue Sion ?
Toi qui fus au Dieu saint les démons te gouvernent ;
Chapelles et clochers sont devenus tavernes,
Débauche et trahison détrônent la vertu,
Les prophètes sont morts, les chantres se sont tus.
Où sont passés les Jérémie, les Élisée ?
Même au grand Dieu, Sion, tu donnes la nausée.
Au pied du mur fameux des Lamentations
Me voici délégué, étrange expédition :
Avide mercenaire qui prêchais sans le croire
L’Évangile de Christ pour l’argent, pour la gloire.
Vendu comme Judas, cupide Guéhazi,
Joas, roi sans courage, quel démon t’a choisi ?
C’est la cupidité qui, sur cette esplanade
Motive mon séjour, cette ultime croisade.
J’ai vu se disperser mes fidèles moutons ;
La peur d’être comptés pour chrétiens… Admettons !
Me voici sans un sou dans la poche, à la rue,
Ou peu s’en faut : sobre maison, portion congrue ;
Il m’a fallu répondre à cette offre d’emploi,
Un beau métier, rémunéré, ça va de soi :
Comme dans l’Ouest américain, chasseur de prime,
Justicier vengeur, défenseur anonyme,
Aux ordres de Nimrod, orgueilleux souverain,
Nouveau maître du monde sur son trône d’airain,
Je lui offrirai, moi, ce que son cœur désire :
D’odieux dissidents qui menacent l’empire.
Deux millions pour un seul, cinq millions pour les deux.
Il m’a dit : méfie-toi, ces gars sont dangereux.
Ceux qui les ont bravés gisent dans la poussière
Mais je les abattrai avec un lance-pierre.
Servants de l’Éternel, dites-vous, deux témoins ?
De leur déconfiture ne témoigneront point ;
Le monde enfin verra leur odieuse défaite
Et reviendront la joie, les plaisirs et la fête.
Quant à moi, plein d’argent, de mérite et d’honneur
J’aurai débarrassé Sion de sa terreur.
Voilà mes deux lascars. Holà ! Quelles figures !
Ils n’ont nulle raison de louer la nature.
En guise de trois-pièces, ils sont vêtus de sacs,
Mal rasés, mal barbus, la chevelure en vrac,
Pieds nus sur le pavé, le chef couvert de cendre,
Ils sont hideux ! Mais par quel bout les faut-il prendre ?
Aussi laids par derrière, aussi laids par devant,
Le front hautain, le port altier, cheveux au vent…

(Entrent Élie et Moïse. La foule s’écarte à leur passage.)

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