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L’arbre et le papillon

Par Micheline Boland, en réponse au défi d’écriture #25 sur les arbres.

Un papillon s’est posé sur une de ses feuilles et le grand arbre lui a dit :

– La beauté se garde pour l’éternité. Elle est imprimée dans la brise, dans la pluie, dans la poussière et dans tous les êtres qui l’ont côtoyée. La beauté n’est pas rattachée à la grandeur ou à la petitesse, aux couleurs vives ou livides. La beauté ne peut être définie par des critères précis ou particuliers. Moi qui suis un ancien, je garde en mon âme la mémoire des beautés que j’ai perçues. Je suis sage de mes souvenirs, des images incrustées en moi.

Le papillon s’est envolé, puis a atterri sur une autre feuille.

– Cherche, mon ami. Cherche tant que tu vis encore. Aucune feuille n’est pareille à une autre. Vois-tu chacun est unique. Chacun a aussi un savoir qui lui est propre. Le communiquer aux autres est une nécessité à laquelle il est bon de se plier aux moments opportuns. Il faut reconnaître ces moments.

Le papillon a volé autour de l’arbre, un vent léger s’est mis à souffler et l’arbre a chanté.

– Tu remarques, mon ami, comme nous nous influençons les uns les autres. Il suffit d’un souffle pour que mon humeur en soit affectée. Il a suffi que tu danses comme tu sais si bien le faire pour que le vent te réponde. Il a été attiré par toi comme il aurait pu l’être sans doute par un rayon de soleil, un cerf-volant ou la douceur d’un parfum de rose.

Le papillon s’est posé sur l’écorce de l’arbre là où était gravé un cœur contenant des initiales. L’arbre n’a pu retenir un cri, c’était un « Aïe ! » à peine audible.

– Je vais te raconter mon histoire, mon ami. Tu as vu ce cœur gravé sur ma peau… Des amoureux m’ont blessé avec un mauvais canif, ça fait bien longtemps. Je suis sûr qu’ils regrettent à présent d’avoir commis cette sorte d’offense, c’est pourquoi je leur pardonne volontiers. Quand on est un ancien pareil à moi, on a le pardon facile même quand la douleur se manifeste encore. Il y a un apprentissage à faire au fil des jours. On s’ouvre progressivement aux autres. Je n’étais pas le même quand j’ai été blessé que lors de l’orage que j’ai enduré trois ans plus tard, ni que maintenant. J’ai tant rêvé quand on m’a creusé l’écorce. Rêvé de devenir pareil au grand chêne que l’on aperçoit, paraît-il, à partir de nombreuses fenêtres au bout du bout du village. J’ai rêvé de rencontrer des gens, des bêtes et de leur offrir un coin d’ombre, de les écouter. J’ai rêvé et je rêve encore. Les rêves ne s’éteignent jamais, mon ami.

Le papillon est resté longtemps sur le vieil arbre à réfléchir, réfléchir encore.

Micheline Boland

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