Poésie

La pierre roulée

Parfois, la nuit des hommes, nuit des cœurs,
Je tombe dans le noir, dans les rumeurs
Du mystère, et glacé, je sens le vide.
Je sens que tu n’es plus là dans la nuit.
Et moi, pareil au fleuve au rêve enfui,
Je roule, et je suis ma pente livide.
Vie et mort.

Mais bientôt qui frappe ? Est-il jour déjà ?
N’est-ce pas toi qui te tiens debout là ?
Dans le jardin, là, quel est donc cet homme ?
Celui qu’ils ont condamné et fouetté,
Calomnié, cloué vif et insulté,
Sous le talon de Rome et de Sodome.
Le Dieu fort.

Oui, par moments on est vraiment brisés,
Nos monuments meilleurs semblent rasés,
Le roc est mis et bouche notre tombe.
Mais tu es là, dans ce dur abandon,
Tu es le Christ, qui ouvre la prison.
Tu es le vent qui porte la colombe
Vers le port.

François Volff

Extrait, de Poèmes du Temple. Éditions Je Croix. 

Ces poèmes d’étudiant ont été écrits de 1962 à 1967, sauf l’en-tête (2016).
Bouleversé par ce qu’on appelait ‘les événements d’Algérie’ et leur conclusion atroce, je me destinais à être médecin missionnaire au Mato Grosso.

A l’époque on opposait les ‘littéraires’ et les ‘scientifiques’. J’étais résolument dans la première catégorie. C’était un faux débat, mais il me fallait assimiler des masses de connaissances jusqu’alors inconnues.

Cette plongée vers l’inconnu intellectuel se doublait d’une plongée dans l’inconnu existentiel. Comme les hommes de l’Épître aux Hébreux, je devais marcher par la foi en n’ayant d’autres signes que mes réussites aux examens.

Écrits souvent de nuit, après avoir étudié tard, ces vers étaient une soupape.

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