Léo vers le ciel

par Valérie Carrier

En réponse au défi #25

Le sol était imbibé de la pluie fraichement tombée. Le soleil printanier chauffait doucement l’air humide. Inconscient de la précarité de sa situation, Léo s’éveillait à la vie. À peine naissant, il avait besoin de bien peu, malgré sa fragilité, et ce qu’il lui fallait, il l’avait.

Ce début d’existence était enviable par rapport à ce qui adviendrait au fil des saisons à venir. Mais pour l’instant, Léo n’était qu’une graine qui germait dans un nid de terre riche.

— Il est haut ! s’exclamerait un jour quelqu’un en l’admirant.

— Il est Léo ! répondrait le garçon à la balançoire.

Mais au moment de grandir de ses premiers centimètres, personne n’était là pour l’observer. Et alors que le vert tendre de sa tige s’étirait vers le ciel, ses frêles racines arrivèrent au bout de leur refuge de terre et caressèrent la surface nue du rocher dans le creux duquel il était né. Dure réalité.

Léo voulait vivre. (C’est comme ça avec la vie : elle veut vivre.) Ses racines se faufilèrent partout où elles trouvaient à se nourrir et à s’abriter. Elles s’aventurèrent même où il n’y avait rien d’autre que le ruissellement des pluies et s’allongèrent dans une constante recherche d’être rassasiées. Et elles purent ainsi se rendre jusqu’au sol, au bas du rocher, alors que la tige du jeune arbre poussait en se courbant entre les ombres projetées vers lui.

— Il est fort, il est solide, affirmerait l’homme qui viendrait un jour fixer la balançoire du garçon sur le tronc durci en zigzags.

Ce ne fut pas une aventure facile que de pousser sur ce rocher, mais les impressionnantes racines qui s’établissaient solidement du sommet de pierre jusqu’au sol témoigneraient de ce rude périple, et le jadis petit et frêle Léo serait désormais pour les regards humains de plusieurs générations un fort symbole de persévérance.

— Il s’agit de s’enraciner là où on est et de tendre vers la lumière pour aller haut, aurait dit Léo.

Si un arbre pouvait parler.