Jephté·Rois, Soldats et Prophètes·Théâtre

Jephté – Acte premier (2)

Scène II

LES MÊMES – MYRIAM

OTHMAR

Voyez ces fruits ! Melons, raisins, figues, myrtilles !
Allons ! N’hésitez pas, approchez, jeune fille !

MYRIAM

Non merci.

OTHMAR

                  J’ai aussi de la casse et du nard,
Et pour votre beauté de la poudre et du fard.

MYRIAM

Non merci.

OTHMAR

                 De la soie, ma jolie demoiselle.

MYRIAM

N’insistez pas, merci.

OREM

                                   Mais voyez cette belle !
Je pourrais me damner pour ses yeux de saphir
Et j’offrirais tout l’or du royaume d’Ophir.
Approchez, belle enfant, ma colombe au cœur tendre,
Je vous aime déjà.

MYRIAM

                             Quoi ? J’ai dû mal entendre.

JÉRED

Orem, fidèle ami, tu devrais te calmer.
Cette fille, crois-moi, n’est pas fille à aimer.
Ne la regarde pas, oublie cette blondine.
Elle n’est pas pour toi, c’est une gourgandine,
Un beau visage d’ange, une âme de démon,
Une dévergondée, une rouée.

MYRIAM

                                               Pardon ?

OREM

Je n’ai rien dit.

MYRIAM

                        Messieurs, l’oreille me bourdonne,
Et pour fille de rien sur la place on me donne !

OREM

Je n’ai rien dit.

MYRIAM

                        Si fait. Écoutez-moi, tous deux.
Allez semer ailleurs vos compliments hideux,
Vous qui parliez tantôt de Sarah, votre femme.

OREM

Je n’ai rien…

MYRIAM

                    Pour Moloch prêt à livrer aux flammes
Le fils qu’en sa douleur elle vous a donné.

OREM

Je n’ai rien dit.

MYRIAM

                        Voilà notre homme détourné,
Perdant tous ses devoirs et pour une inconnue.
Vos déclarations sont plutôt malvenues.
De vos lâches propos la bestialité
Insulte ma jeunesse et ma virginité.
Quoi ? M’outrager ainsi, crier en pleine rue !
Me traitant de ribaude et me traitant de grue !
Aucun homme jamais n’osera me toucher.

OREM (à Jéred)

Ses yeux m’auraient tué s’ils étaient deux archers.
Quels regards enflammés ! Quels feux autoritaires !

MYRIAM

À jamais renoncez au désir de me plaire.
Si votre œil est sujet de scandale ici-bas
Je le puis arracher avec cet ongle-là.
Ou craignez de subir une vengeance pire
Car mes mains en colère écorchent et déchirent.

OREM

C’est lui qui…

MYRIAM

                        Savez-vous quelle fille je suis ?

JÉRED

La fille de Jephté.

OREM (à Jéred)

                            De Jephté ? Quel ennui !

MYRIAM

Vous me connaissez donc ? Redoutez que mon père
Au bruit de mon rapport déchaîne sa colère.

OREM

Je n’ai…

MYRIAM

              Considérez comme un proche péril
Qu’il vous creuse sous peu un deuxième nombril.
Adieu.

(Elle s’éloigne.)

Scène III

LES MÊMES moins MYRIAM

OREM

            Comme elle y va !

JÉRED

     Quel maudit caractère !

OREM

La fille de Jephté !

JÉRED

                                   La lionne, la panthère
De ses griffes d’airain t’a déchiré le cœur.

OREM

Et m’a crevé les yeux… De Jephté… Quel malheur !
Donner à ce brigand une fille si belle !
Que les dieux sont injustes !

JÉRED

                                               Et que tu es rebelle !
Oublie-la. Ce Jephté n’est qu’un sombre bandit,
Un bâtard, par surcroît, par ses frères maudit.
D’une hyène peut-il sortir une gazelle ?
Dans le nid du butor naître une tourterelle ?
Fille de vagabond, d’assassin sans merci,
C’est une vagabonde et meurtrière aussi.
Myriam court à présent tout médire à son père.

OREM

Nous voilà beaux !

JÉRED

                              Nous voilà propres !

OREM

                                                              Alors que faire ?

JÉRED

Pour leur protection implorons tous nos dieux.
La bande de Jephté va courir en ce lieu,
Sans pitié livrera nos tentes au pillage
Et brûlera nos terres. Effroyable carnage.

OREM

Fuyons dans les montagnes !

JÉRED

                                            Non ! Nous sacrifierons.
De toutes nos terreurs les dieux nous délieront.
D’Asheroth nous avons toute une ribambelle
Et ce serait pitié, vraiment, qu’aucune d’elle,
Si nous brûlons nos fils en quête de secours
Ne combatte pour nous en ce terrible jour.
Cette solution me paraît la meilleure.

OREM

Voici venir le prêtre. Il vient à la bonne heure.

© 2024 Lilianof

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