Enfants

L’ombre cachée (2/3)

Le lendemain, les quatre cousins allèrent chercher Asha. Elle les attendait sur la terrasse et jouait avec Guili qui tirait sur une corde à nœuds. On la voyait déjà sourire de loin. Quand elle les aperçut, son sourire s’agrandit encore.

– Coucou Asha ! Comment va Guili ?

– Bien ! Je commence à l’éduquer ! Maman m’a expliqué comment il fallait faire.

– Et comment va ta maman ? s’enquit Salomé. Elle a eu plein de surprises, hier.

– Elle se repose.

– Tu veux venir visiter le village ?

– Avec plaisir. Je mets une laisse à Guili.

Elle se pencha et saisit le chien par son harnais, puis elle le porta sur ses genoux et le munit d’une laisse turquoise. Ils étaient sur le point de partir quand Tanay ouvrit la porte et se dirigea vers eux.

– Je viens avec vous, annonça-t-il. Vous me montrerez aussi le village.

Le sourire d’Asha se figea avant de s’éteindre, mais elle ne dit rien. Salomé commença à pousser la chaise et bientôt ils descendaient vers le centre du village. Asha tenait Guili sur ses genoux. A deux mois, il ne pouvait pas marcher longtemps. Elle le promènerait plus tard.

– Stop ! s’écria soudain Salomé. C’est trop raide, je n’arriverai bientôt plus à retenir le fauteuil.

– Et moi j’ai peur de glisser en bas, avoua Asha d’une petite voix.

– On fait comme hier, proposa Patrice. Je te prends sur mon dos !

Asha lui sourit reconnaissante, mais Tanay s’interposa.

– Je suis plus grand que toi et en plus son frère. Je la porterai !

Asha se mordit les lèvres et baissa les yeux.

– Plus vieux, précisa Salomé, pas plus grand. Vous êtes de la même taille.

– Vous n’allez pas vous battre ! coupa Hugo. C’est à Asha de choisir !

– De toute façon, on risque de se relayer, précisa Patrice. Il y aura du chemin à faire et quasi que des montées et des descentes.

Tanay lui sourit.

– Je commence avec Patrice, décida Asha en levant les yeux vers lui. Elle mit Guili dans les bras d’Hugo.

Ils passèrent devant un important hôtel, puis devant de très vieilles constructions en bois posées sur des pilotis. Salomé faisait la visite guidée.

– Voici un vieux grenier et deux raccards[1] non moins anciens. Les pilotis servaient à protéger les récoltes des rongeurs. Ici, c’est l’ancien lavoir. Les dames venaient faire leur lessive autrefois. C’était beaucoup de travail, alors on changeait moins souvent les habits… Et voici maintenant le four…

Ils continuèrent à travers une rue aux maisons resserrées, puis obliquèrent à droite.

– On va laisser le fauteuil ici, proposa Hugo en s’arrêtant devant une maison. Je connais bien les gens. La suite est impraticable en chaise roulante à moins de faire un très gros détour.

– J’aurais pu prendre la voiture, remarqua Tanay.

– Je n’y avais pas pensé, avoua Hugo. Mais à pied c’est vraiment joli !

Ils se retrouvèrent soudain en milieu ouvert. Asha et Tanay ne purent retenir une exclamation. Les montagnes avec leurs forêts de sapins et leurs pâturages semblaient si proches, mais surtout, la déclivité du chemin les impressionnait. Ils descendirent prudemment un raidillon qui serpentait entre les buissons, les rochers et les pâturages à moutons.

– Et voilà les moulins ! présenta fièrement Hugo quelques minutes plus tard.

– C’est très pittoresque, reconnut Tanay.

Fatigués, ils s’assirent à une table et admirèrent le paysage. Hugo proposa à Tanay de lui faire visiter les moulins et tous deux se relevèrent. Asha, assise sur le banc, jouait avec Guili. Soudain, elle sursauta.

– Vous avez entendu ?

– Quoi ?

– Quelqu’un a marché tout près de nous, derrière les buissons.

– Sûrement un animal, avança Salomé.

– Vous me dites toujours ça… se plaignit Asha toute contrite. Mais je n’en suis jamais sûre.

– Tu as comme ça peur ?

Asha hocha la tête.

– Tu veux qu’on aille vérifier ?

– Oui, s’il te plaît.

Salomé et Patrice se levèrent et contournèrent silencieusement les fourrés tandis que Liliane restait près de la petite fille. Un bruit de course retentit soudain. Salomé et Patrice revinrent le visage grave.

– Tu avais raison, Asha, commença Salomé. Il y avait bien quelqu’un, mais nous n’avons pas pu le voir comme il faut. Il a détalé trop tôt.

Asha blêmit et serra son chiot contre son cœur. Liliane posa son bras sur ses épaules et Patrice s’accroupit en face d’elle.

– Je crois que tu as un secret…

Asha détourna la tête et ses yeux se remplirent de larmes.

– Un secret qui te fait peur, poursuivit-il. Tu veux peut-être nous en parler ?

La petite fille le regarda par-dessus le pelage frisé de Guili. Au bout d’un long moment, elle hocha la tête.

– J’ai peur de mon cousin Bandhou et de mon oncle.

– Pourquoi ?

– Ils sont très fâchés parce que maman et moi sommes chrétiennes.

– Mais pourquoi ? s’étonna Salomé.

– Nous venons de l’Inde et là-bas, il faut être hindou, alors les chefs du pays détestent les chrétiens et beaucoup d’autres gens aussi nous détestent. C’est à cause de mon oncle et de mon cousin que maman est malade.

– Et ton frère ?

– Tanay n’est pas chrétien, mais pas vraiment hindou non plus. Il était souvent avec mon cousin Bandhou et je crois que c’est à cause de lui qu’il a fait plein de bêtises.

Son visage se ferma et ses yeux se mouillèrent. Elle poursuivit d’une toute petite voix.

– J’ai aussi peur de Tanay. Je ne sais pas s’il veut encore me faire du mal…

– Tu penses à ton premier chien ? avança Liliane.

Asha approuva d’un signe de tête.

– Mais il t’a demandé pardon, argumenta Salomé et il t’a offert Guili.

– Je sais, renifla-t-elle, j’essaie de lui pardonner, mais… je n’arrive pas à lui refaire confiance.

– C’est normal, l’encouragea Liliane avec affection. Tu sais, l’important c’est de décider de lui pardonner. Après, pour que tu te sentes en paix avec ce qui s’est passé, ça prendra du temps. Mais si tu commences, c’est le plus important. Et puis, pour que tu puisses lui faire à nouveau confiance, il faudra aussi du temps…

– Commence à lui offrir ta confiance pour des toutes petites choses, proposa Patrice.

– Lui offrir ma confiance ?

– Oui, comme un cadeau. Un cadeau qu’il ne mérite pas, mais que tu lui offres, parce que tu veux ressembler à Jésus. Tu lui as donné ta vie ?

– Oui…

– Moi aussi, lui confia-t-il. Et lui, qu’est-ce qu’il t’a donné ?

– Il m’a donné le pardon, la vie éternelle… énuméra Asha.

– Toi et moi, est-ce qu’on le méritait ?

– Non, reconnut-elle.

– Et si tu offrais à Tanay ce qu’il ne mérite pas ? Si tu lui offrais la réconciliation ?

Asha réfléchit un moment. Oui, elle voulait ressembler à Jésus, mais là, cela lui paraissait tellement difficile !

– Jésus, lui, il sait si on est sincère, protesta-t-elle. Moi je ne sais pas si Tanay est sincère !

– Non, concéda Patrice, on ne peut pas connaître le cœur des gens. C’est pour cela que je te propose de commencer petit à petit. Offre-lui ta confiance pour une petite chose, une toute petite chose et après, s’il est digne de confiance, tu pourras essayer avec une plus grande.

Asha hocha à nouveau la tête. Ça paraissait raisonnable. Mais qu’est-ce qui était assez petit pour qu’elle puisse se risquer à le confier à Tanay ? En tout cas pas promener son chien !

Sur le chemin du retour, Tanay et Patrice la portèrent tour à tour jusqu’au lieu où ils avaient laissé le fauteuil. Ensuite, tous se relayèrent pour pousser la chaise, hormis Liliane qui avait beaucoup d’asthme et Patrice qui devait ménager ses poignets. Guili était installé sur les genoux de sa petite maîtresse. Tanay fut digne de la petite confiance que la fillette lui avait accordée et ne la laissa tomber pas une seule fois.

Arrivés au chalet, Gaura leur offrit à boire. Pendant qu’ils se désaltéraient, Asha remarqua :

– Tu sais, maman, on avait raison d’avoir peur de tous ces bruits. Patrice et Salomé ont surpris quelqu’un qui nous épiait, mais il s’est enfui en courant.

Gaura blêmit.

– Vous avez pu voir à quoi il ressemblait ? demanda-t-elle anxieuse.

– Malheureusement non, expliqua la jeune fille.

– Nous ne sommes pas certains qu’il s’agisse bien de Bandhou, releva Patrice.

– Asha ! s’écria sa maman, tu leur as raconté quoi ? !

Devant le regard réprobateur de sa maman, le visage d’Asha se décomposa.

– Il ne faut pas lui en vouloir, la défendit Liliane. Elle avait peur et nous lui avons posé des questions. Vous savez bien que les mauvais secrets nous empoisonnent. Je suis sûre qu’elle a bien fait d’en parler.

– Et puis, renchérit Patrice, nous pourrons peut-être vous aider.

Gaura secoua la tête, dubitative et trop fatiguée pour réfléchir. Elles avaient donc été retrouvées. N’auraient-elles jamais la paix ?

– Je ne vais pas réussir à dormir, se plaignit Asha.

– Oh ! mais j’ai une idée ! s’exclama Hugo. Vous venez dormir chez nous !

– Oh oui ! supplia la petite fille. Maman, dit oui !

– Mais on n’a pas assez de place, intervint Salomé.

– Vous ne m’avez pas laissé le temps de finir, se défendit Hugo. Nous, on vient dormir ici. Comme ça, si quelqu’un vient on va au moins voir la tête qu’il a.

– Vous savez quoi ? proposa Salomé un peu plus tard. Il faudrait préparer des pièges.

– Quoi comme pièges ? demanda Liliane.

– Moi je rêve de poil à gratter, sourit Hugo. Si jamais il s’approche trop près, hop ! on lui en jette dessus !

– Et tu crois que ça suffira ?

– Je n’en sais rien. Mais je ne me sens pas de lui taper dessus avec un gourdin…

– Moi non plus, appuya Liliane.

– Il faudrait prévenir la police, proposa Patrice.

– Maman ne veut pas faire une mauvaise réputation à la famille, expliqua Asha. Ils nous détesteraient encore plus.

– Je trouve qu’elle a tort, soutint le garçon. Finalement, la police est là pour protéger ceux qui en ont besoin.

– Et puis, j’apporterai aussi mon témoignage, assura Tanay. J’étais souvent chez mon cousin et j’ai entendu comment ils parlaient de faire péter les plombs à maman. Si on peut prouver qu’ils la poursuivent jusque-là, ce serait bien.

– J’ai un voisin qui était violent avec ses parents, raconta Patrice. Un jour, ça bardait tellement que la voisine a appelé la police. Les agents sont arrivés rapidement. Des armoires à glace, tu aurais dû les voir ! Ils l’ont menacé de prison, je crois qu’il a eu peur. En tout cas, depuis, c’est beaucoup plus calme chez eux.

– J’aimerais bien que la police fasse aussi peur à Bandhou pour qu’il nous laisse tranquilles… murmura Asha.

– Et le poil à gratter ? demanda Salomé. Comment tu veux le faire ?

– J’ai une recette, leur apprit Hugo. Il me faut de la laine de verre, des ciseaux et du papier-émeri.

– Et où trouves-tu toutes ces choses ? voulut savoir Liliane.

– Au chalet, venez !

Hugo grimpa au grenier et arracha quelques poignées de laine de verre à l’isolation du toit. Une fois qu’il eut trouvé tout ce dont il avait besoin, il rejoignit les autres à la cuisine. Il distribua à tout le monde des gants en plastique, des masques à poussière et des lunettes de soleil.

– Qu’est-ce que vous faites ? s’étonna maman.

Salomé lui raconta tout ce qui s’était passé, l’inconnu qui les épiait et comment ils avaient proposé à Gaura et Asha de venir dormir chez eux.

– Tu es d’accord, maman ? demanda-t-elle anxieusement.

– C’est une bonne idée de les avoir invitées ici, confirma-t-elle. J’ai bien vu, hier, comme elles avaient l’air effrayé ! Gaura a besoin de repos pour guérir, pas de nouvelles craintes. Par contre, je suis moins rassurée à l’idée de vous laisser dormir dans l’autre maison. S’il vous arrivait quelque chose ?

– Mais, argumenta Hugo, ils ne vont pas nous faire de mal à nous ! On a juste besoin d’être sûr que ce soit bien le cousin d’Asha, ou son oncle.

– Et puis, ajouta Patrice, Tanay restera avec nous. Il est déjà adulte !

– Par contre, enchaîna Hugo, on aurait besoin de toi et de papa pour convaincre Gaura d’avertir la police. Elle ne veut pas, pour l’instant.

– On en rediscutera avec papa. Et ça ? demanda-t-elle en désignant la table, qu’est-ce que c’est ?

– On prépare du poil à gratter, expliqua Hugo, pour qu’on puisse se défendre !

Sa maman sourit. Elle doutait que cela serve à quelque chose, mais elle reconnaissait bien là une idée de son fils ! Les enfants coupèrent la laine de verre en petits morceaux, puis les réduisirent en poudre à l’aide du papier-émeri. C’était un travail long et ennuyeux. Il fallait surtout faire attention à ne pas se gratter le visage. Quand ils eurent terminé, chacun eut droit à un sachet de poudre jaune soigneusement fermé.

– Je me demande à quel point ça marche, chuchota Salomé à son frère pendant que les autres ôtaient leurs protections chargées de poussière jaune.

– Ça serait bien de vérifier, approuva Hugo.

– Bandhou, ce n’est sûrement pas un tendre, enchaîna Salomé. Il faut voir si ça fait effet sur quelqu’un de pas trop sensible à la douleur.

– Je n’en vois qu’un, dit Hugo en louchant sur son cousin.

Salomé approuva ce choix par un sourire complice. Patrice était casse-cou et avait l’habitude de se faire mal. Rien que ces derniers jours, il avait collectionné les accidents. Hugo nettoya la table et fit tomber dans sa main gantée ce qui restait de poussière jaune. Feignant de finir les nettoyages, il passa derrière sa victime et ouvrit sa main au-dessus de sa nuque. La fine poussière tomba entre son dos et son t-shirt. L’air de rien, Hugo poursuivit son chemin pour finir de débarrasser toutes les affaires. Patrice leva la main pour se gratter. Bientôt, il eut besoin des deux mains.

– Qu’est-ce que tu as ? demanda Liliane étonnée.

– Je ne sais pas, se plaignit Patrice, ça me gratte affreusement !

Salomé éclata de rire.

– C’est toi ? cria-t-il. Tu m’as mis du poil à gratter dans le dos ? !

Salomé secoua la tête.

– Alors c’est Hugo !

– Il fallait bien voir si c’était efficace, se défendit-il.

– T’aurais pu essayer toi-même ! se fâcha Patrice en se grattant de plus belle.

– C’est toi le moins douillet !

– Ah ! Ce n’est pas une bonne farce en tout cas ! Comment je fais maintenant ? Je vais me gratter jusqu’au sang si je continue.

– Arrête. Chaque fois que tu te grattes, les minuscules bouts de verre se fichent dans ta peau et c’est encore pire.

Patrice cessa instantanément de se gratter, mais ses mimiques déclenchèrent de nouveaux fous rires chez Hugo et Salomé. Liliane, par contre, ne riait pas du tout.

– C’est malin, se fâcha-t-elle. Comme si Patrice n’avait pas eu assez d’accidents ces derniers jours ! Ce n’est vraiment pas sympa !

– Je suis désolé, s’excusa Hugo en riant encore. Maintenant, la seule solution, c’est de prendre une douche.

– Je te le rendrai, gronda Patrice en se dirigeant vers la salle de bains.

– Tu veux te venger ? le taquina son cousin. Ce n’est pas chrétien !

– Et toi, tu as été charitable, peut-être ?

Patrice disparut. Hugo riait encore tant en allant porter les masques et les gants à la poubelle qu’il heurta le montant de la porte. Un nuage de poussière jaune lui monta au visage. Un instant plus tard, il toquait à la porte de la salle de bains.

– Patrice ! Dépêche-toi ! Je dois aussi me doucher !

Papa avait quasiment approuvé leurs plans. Si quelqu’un risquait quelque chose, c’était la famille Singh, pas ses enfants. Autant qu’ils ne soient pas ensemble. Et puis, il serait là, lui, en cas de problème. Par contre, maman irait dormir avec les enfants. L’autre chalet était vaste et bien pourvu ; la place ne manquerait pas.

Ce soir-là, la famille Antille invita Asha, sa maman et son frère à souper. Ils parlaient de cette situation quand soudain, Gaura s’interrogea :

– Si c’est bien Bandhou qui vous a épiés, je me demande comment il nous a retrouvées… Et toi, Tanay ? réalisa-t-elle brutalement, comment as-tu fait pour savoir où nous étions ? Tu ne m’as pas téléphoné !

– Oh ! C’est facile, j’ai juste téléchargé une application.

– Et tu m’as retrouvée comme ça ? ! se récria Gaura.

– Oui… Enfin, j’ai retrouvé ton téléphone. Et comme tu n’étais pas loin de lui… je t’ai retrouvée par la même occasion, lui sourit-il.

– Alors pour Bandhou c’est aussi facile de savoir où je suis ?

– Oui, mais je peux te montrer quelques astuces pour que ça devienne très difficile.

– Volontiers, Tanay.

Il fit quelques manipulations sur son téléphone et le lui rendit. Au cours du repas, la conversation dévia sur l’Inde.

– Il y a un slogan, expliqua Gaura, qui dit que celui qui n’est pas hindou n’est pas indien. Il en résulte une persécution de plus en plus forte contre tous ceux qui ne sont pas hindous. C’est de plus en plus dangereux d’être chrétien là-bas.

– Je croyais qu’il s’agissait d’une démocratie ? s’étonna M. Antille.

– Officiellement, oui. La constitution garantit d’ailleurs la liberté religieuse. Mais dans la réalité, plusieurs états ont adopté des lois qui interdisent de se convertir à une autre religion qu’à l’hindouisme. Les pressions sont très fortes et les chrétiens souffrent beaucoup.

– Mais ils n’abandonnent pas leur foi ? demanda Salomé.

– Quand tu sais le prix que Jésus a payé pour notre salut, tu n’as pas envie de le renier. En plus, il a promis d’être avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.

– Mais pour vous, intervint M. Antille, la persécution s’est poursuivie jusqu’ici.

Gaura soupira.

– Je crains que ce ne soit le cas pour pas mal de chrétiens originaires de pays qui les persécutent.

– Il y a donc d’autres pays où on n’a pas le droit d’adorer Dieu ? s’enquit Hugo.

– Il y en a beaucoup ! s’exclama Gaura. Pour simplifier, il y a les pays qui sont très attachés à leurs religions, comme les pays musulmans avec l’islam et l’Inde avec l’hindouisme. Il y a aussi les pays communistes qui refusent plus ou moins toute religion. Mais le pire d’entre tous, c’est la Corée du Nord.

– Je ne savais pas tout ça, regretta Patrice.

– Moi non plus, avoua M. Antille. J’aurais dû me renseigner sur les conditions de vie de nos frères et sœurs.

– On ne pourrait pas prier pour eux ? proposa Liliane.

– C’est une bonne idée, approuva Valérie, la maman des jumeaux.

– Savez-vous, sourit Gaura, que les chrétiens persécutés prient pour vous ?

– Non ? ! s’exclama Hugo incrédule. Et pourquoi ça ?

– Parce que la facilité d’ici nous rend tièdes et peut nous éloigner de Jésus.

– C’est vrai, réfléchit M. Antille. Je n’y avais jamais pensé.

– Chez nous, à la maison, on n’est pas persécutés, expliqua Patrice, mais ce n’est pas facile avec nos parents qui ne s’entendent plus. C’est vraiment très lourd et ça crie beaucoup. Alors on a bien senti que tous ces soucis nous rapprochaient de Dieu.

– Oui, confirma Liliane les larmes aux yeux. Quand on a vraiment besoin de Jésus on le cherche plus.

– Il m’avait aussi semblé que votre foi était plus profonde que la mienne, murmura Salomé. Mais je suis tellement triste pour vous.

– Et si on priait ? proposa à son tour Gaura.

Tanay, qui ne s’intéressait pas à la discussion, pianotait sur son téléphone. Autour de lui, les autres joignirent les mains et baissèrent la tête. Asha se dit que beaucoup de chrétiens vivaient des drames plus grands que la perte d’un petit chien. Je pardonne à Tanay, se dit-elle une fois de plus. Et je vais tout faire pour qu’on ait à nouveau une belle relation.


[1] Le raccard et le grenier sont tous deux montés sur des poteaux (les pilets) surmontés d’une grande pierre plate (les palets). Cette installation empêche les rongeurs d’entrer dans le bâtiment. Le raccard a une seule porte assez grande placée au centre de la façade et servait à y travailler le blé et à entreposer le foin ou la paille. Le grenier, lui, a plusieurs portes en façade et permettait à plusieurs propriétaires d’y entreposer de la nourriture ou toutes sortes d’autres affaires.

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