Enfants

L’ombre cachée 3/3

Chapitre 3

Le moment de se séparer arriva.

– Soyez prudents, implora Gaura.

– On ne prendra pas de risques insensés, promit Patrice.

– Ah, seulement des risques sensés ? releva Valérie en lançant un regard lourd de sous-entendus à son neveu. Voilà qui ne me rassure pas.

Patrice lui adressa un sourire contrit. Le bon sens, quand il s’agissait de prendre des risques, ce n’était pas son fort. Il était trop souvent téméraire.

– Nous serons sages, garantit Liliane.

– De toute façon, je viens vous surveiller, leur rappela Valérie avec une pointe de taquinerie dans la voix. Vous risqueriez d’oublier de vous brosser les dents…

Les parents accompagnèrent Gaura pour l’aider à monter Asha dans leur chambre. Il était prévu qu’elles dormiraient ensemble.

– On a préparé du poil à gratter, expliqua Salomé à Tanay. Pour se défendre en cas de pépin.

– Ça marche du tonnerre, remarqua Patrice en regardant son cousin d’un air moqueur. Il était heureux d’avoir été vengé sans avoir eu à lever le petit doigt.

– Ouais, confirma ce dernier. Ça me gratte encore rien que d’y penser.

Tanay rit en apprenant toute l’histoire.

– T’es sympa de ne pas m’en vouloir, Patrice, reprit Hugo. J’ai été vache. Du poil à gratter pareil, ce n’est pas une farce, c’est une arme.

– J’ai été sa complice, avoua Salomé. Je suis vraiment désolée. T’es un chic cousin !

Asha et Gaura dormaient dans le même chalet que M. Antille. Valérie et les enfants leur dirent au revoir et se rendirent dans l’autre chalet. Une fois là-bas, la discussion reprit :

– Je suis content que Gaura ait accepté d’écrire son témoignage, releva Patrice.

– Demain, Papa ira avec elle à la police, compléta Valérie.

– Je ne pensais pas que Bandhou et sa famille avaient une attitude aussi haineuse envers elle, regretta Liliane.

– La haine rend les gens aveugles, commenta Tanay. Je suis content de ne plus traîner avec lui.

– Allez, bientôt ce sera terminé, j’espère, remarqua Salomé. Mais pour cette nuit, comment on fait ?

– Il faut que l’un de nous surveille le jardin, si jamais Bandhou s’approchait de la maison.

– On ne pourrait pas le localiser grâce à son téléphone ? demanda Hugo. Comme ça, on saurait où il est.

– Je suis sûr qu’il a pris ses précautions. Et de toute façon, on n’aurait pas le droit sans son accord.

– Il n’a pas demandé à Gaura si elle était d’accord, lui ! s’enflamma Salomé.

– Ce n’est pas une raison pour suivre son mauvais exemple, lui rappela sa maman.

– Et comme je te l’ai déjà dit, enchaîna Tanay, je suis certain qu’il a tout fait pour que ce soit impossible.

– Tu crois qu’il viendra ?

– Je n’en sais rien. Mieux vaut rester sur nos gardes.

– Je commence volontiers, proposa Liliane. De toute façon, j’ai de la peine à m’endormir, le soir.

– Parfait, approuva Hugo. Je prendrai le deuxième tour.

– Moi je vous tiens compagnie, enchaîna Tanay. Je suis trop fâché pour pouvoir dormir et autant être deux.

– Et qu’est-ce qu’on fait s’il se pointe ? demanda Salomé.

– Il faudrait le filmer, comme ça, on aura une preuve de son identité, proposa le frère d’Asha. Mais discrètement, pas qu’il nous remarque.

– Mais on n’a pas de caméra, se défendit Hugo.

– J’ai mon téléphone, répondit Tanay. Celui qui en aura besoin pourra l’employer. J’espère que ça suffira.

– Surtout, réveillez-moi si vous le voyez, leur rappela Valérie. Je ne veux pas vous laisser faire des bêtises !

Ils installèrent les matelas au salon, d’où ils avaient une belle vue pour surveiller le jardin et les accès du chalet. Tous les autres volets étaient tirés. Hugo, Salomé et Patrice allèrent se coucher tout habillés, tandis que Liliane et Tanay s’installaient sur des chaises face aux fenêtres. Valérie s’allongea sur le canapé, l’oreille aux aguets, bien décidée à ne pas dormir. Le temps passait lentement. La lune décrivait un arc de cercle dans le ciel. Hugo remplaça Liliane, puis Salomé vint le relever. Il était 2 h 17, quand elle se redressa soudain.

– Il me semble avoir aperçu quelque chose bouger, murmura-t-elle.

Tanay s’approcha d’elle.

– Où ça ?

– Vers notre chalet, souffla-t-elle inquiète.

– Il a dû nous surveiller et surprendre l’échange. Vite, réveillons les autres !

Bientôt, tous les six furent prêts. Liliane toucha la main de sa tante.

– Si Bandhou rôde autour de votre chalet, je préfère rester ici. Je n’ai pas du tout envie de le rencontrer en pleine nuit.

– Je te tiens compagnie, offrit immédiatement Salomé, soulagée par la perspective de rester à l’abri dans la maison.

– D’accord, acquiesça Valérie. Fermez bien la porte à clé derrière nous. Je reviendrai bientôt.

Tandis que Salomé et Liliane tournaient le fermoir de la porte, les autres s’approchaient à pas de loup du chalet de la famille Antille.

– Il faut réveiller Papa, dit Valérie.

– Nous, on vous attend dehors, décida Patrice.

– Mais cachez-vous à l’ombre des buissons, vous êtes trop visibles, chuchota Hugo.

– Et éloignons-nous les uns des autres, proposa Tanay. On ne sait pas de quel côté il va partir.

Valérie s’avança vers la porte et constata qu’elle avait été forcée. Son cœur se mit à battre fort. Elle entra tout doucement et ne voyant rien de suspect dans le salon, se glissa jusqu’à sa chambre pour mettre son mari au courant. Celui-ci enfila rapidement un pantalon par-dessus son pyjama. Moins d’une minute plus tard, ils descendaient tous les deux au rez-de-chaussée. Une marche grinça et une ombre disparut rapidement derrière le canapé. Malgré l’obscurité, le papa d’Hugo et Salomé remarqua une feuille posée sur la table. Elle n’y était pas quand il était monté se coucher. Il la déplia délicatement à l’aide d’un mouchoir pour ne pas y laisser d’empreintes et la parcourut rapidement.

– Une lettre de menaces ! murmura-t-il. Il s’est trahi.

– Chéri ? Est-ce que ce n’est pas le panier où Guili doit dormir ? demanda Valérie en désignant une corbeille vide.

– Nom d’une pipe ! s’exclama-t-il. Il est passé où ?

– Je vais vite vérifier si Asha ne l’a pas pris avec elle, souffla sa femme.

Pendant ce temps, une ombre se déplaçait lentement vers la porte restée ouverte, si lentement que M. Antille ne la remarqua pas. Cette ombre serrait dans ses mains un petit museau à la truffe humide. Imperceptiblement, l’ombre avançait. Elle passa l’encadrement de la porte en position accroupie, puis se redressa enfin. Sa silhouette se découpa sur le mur du chalet. Patrice l’aperçut le premier. Il rampa vers Tanay.

– Regarde ! Il vient de sortir de la maison ! C’est Bandhou ?

– On ne peut pas voir son visage, mais c’est la bonne stature et la même manière de se déplacer, souffla Tanay. Il faut l’arrêter.

Cependant, l’ombre dut percevoir un mouvement près des buissons, car elle partit soudain en courant. Une plainte s’échappa du petit museau aux poils frisés.

– Halte ! cria Tanay en la poursuivant.

À ce cri, M. Antille sortit rapidement.

– Quelqu’un vient de s’échapper du chalet ! cria Patrice en désignant le fuyard.

– Guili a disparu ! cria à son tour Valérie depuis l’intérieur.

Aussitôt, Hugo, son père et Patrice se mirent aussi à la poursuite du voleur. Valérie appela les garçons pour qu’ils reviennent, mais ils ne l’entendirent pas. Elle rentra en secouant la tête.

Oh, la, la, pria-t-elle intérieurement, Seigneur, protège s’il te plaît mon mari, Hugo, Patrice et Tanay. Et permets s’il te plaît qu’on retrouve Guili avant qu’Asha ne se réveille. Elle serait tellement blessée !

Elle décrocha le téléphone pour appeler la police.

Cependant, l’ombre s’était engouffrée dans la forêt. On ne la voyait presque plus, mais on entendait le bruit de sa course. Après une longue poursuite, Tanay la rejoignit enfin.

– Bandhou ! cria-t-il. C’est bien toi !

– Bas les pattes ! rugit celui-ci.

– Où est le chien ? exigea le frère d’Asha.

– Tanay, ne fais pas l’idiot, riposta Bandhou. Tu es mon cousin, mais aussi mon ami, non ?

– Oui, répondit celui-ci en hésitant.

– Alors laisse tomber tout ça et viens avec moi.

– Il faut rendre le chien de ma sœur et promettre de ne plus jamais inquiéter ma mère.

– De quel côté es-tu, Tanay, gronda son cousin la voix pleine de mépris. Du nôtre, ou de celui de ces deux femmes ? Il faut choisir.

Tanay réfléchit un instant. Il connaissait les conséquences de son choix. S’il se mettait du côté de sa mère, il perdrait toute sa grande famille, ses oncles, ses tantes et ses cousins. Il perdrait particulièrement Bandhou qu’il avait regardé comme une idole pendant de nombreuses années.

– Bandhou, sois gentil et laisse ma mère et ma sœur tranquilles. Elles ne t’ont fait aucun mal.

– Tanay, tu as fait ton choix ! beugla Bandhou en lui sautant dessus.

Une violente bagarre éclata entre les deux hommes. Patrice et Hugo les avaient discrètement rejoints et ne savaient quoi faire.

– Il est où, papa ? demanda anxieusement Hugo.

– Je ne sais pas…

– Il faut faire quelque chose, poursuivit Hugo alarmé. Bandhou est furieux et il a le dessus. Il va lui faire du mal.

Patrice réfléchit quelques secondes puis s’adressa à son cousin.

– Ça ne sert à rien de se mêler à la bagarre, nous ne sommes pas assez forts. Voici le téléphone de Tanay, il me l’avait passé. Filme toute la scène, nous aurons ainsi une preuve.

Patrice baissa la voix.

– De mon côté, je vais essayer de lui mettre du poil à gratter dans le dos. Ça devrait laisser le temps à Tanay de s’échapper. On ne peut pas rester sans rien faire.

Hugo obéit. Il enclencha la vidéo. Il voyait son cousin s’approcher doucement par-derrière, faisant le moins de bruit possible. Bandhou était assis sur le frère d’Asha et le serrait à la gorge.

C’est la position idéale pour moi, pensa Patrice. Le cousin d’Asha lui tournait le dos, penché en avant. Il ouvrit rapidement son sachet et en déversa le contenu dans la nuque de Bandhou, tirant un peu son pull en arrière pour en agrandir l’ouverture. Celui-ci le sentit, se retourna brusquement et envoya Patrice rouler par terre. Heureusement, la poudre faisait déjà son effet. Couché dans les feuilles mortes, Patrice vit avec satisfaction qu’il lâchait Tanay pour se gratter le dos. Bientôt, il se releva pour ôter son vêtement. Malheureusement pour lui, il était trop tard. La poussière jaune restait collée à sa sueur et plus il grattait, plus les minuscules fragments de verre s’enfonçaient dans sa peau. Tanay se releva aussi, respirant difficilement. Il prit appui contre le tronc d’un arbre. Les garçons se tapirent dans l’ombre. Tout danger n’était pas passé. Bandhou devenait presque fou à force de se gratter.

Hugo s’inquiétait :

– Pourquoi est-ce que Tanay ne part pas ?

– Il a été à moitié étouffé. Il n’arrive pas à reprendre son souffle, lui répondit Patrice sur le même ton.

Cependant, Bandhou fouilla dans sa poche et déplia la lame d’un Laguiole.

– Tanay, le menaça-t-il, gare à toi si tu fais quoi que ce soit contre moi. Tu sais que je suis doué en lancer de couteau.

Tanay se massa le cou.

– Conduis-moi au chalet vide, ordonna encore Bandhou. Et sans faire le malin !

– Tu veux prendre une douche ? demanda Tanay d’une voix étrangement rauque.

– On ne peut rien te cacher, grimaça moqueusement son adversaire. Avance !

Si son corps ne le grattait pas si violemment, il aurait bien pris aussi en otage le garçon qui lui avait mis cette poudre à gratter dans le dos. Il était sûrement loin à présent. Il allait vite prendre une douche et s’enfuir en voiture.

Les deux garçons les regardèrent s’éloigner, puis Hugo coupa la vidéo et composa rapidement un numéro.

Dans le chalet presque vide, Liliane et Salomé se regardèrent pétrifiées. Pourquoi le téléphone sonnait-il au milieu de la nuit ? Qui pouvait bien appeler ? Après bien des hésitations, Salomé décrocha le combiné. Liliane se colla à sa cousine pour suivre la conversation. Les deux filles acquiescèrent et raccrochèrent. Peut-être Bandhou parviendrait-il à entrer malgré la porte fermée ? Les deux filles frissonnèrent. N’avait-il pas forcé la serrure de l’autre côté ? Au cas où il entrait, il irait prendre une douche… Elles se glissèrent à l’étage, où se trouvait la salle de bains et subtilisèrent la clé. Elles espéraient pouvoir l’enfermer.

– On se cachera dans la chambre juste à côté, murmura Salomé en pénétrant dans celle-ci.

Liliane approuva et plaça le dossier d’une chaise sous la poignée. Salomé lui sourit.

– Bonne idée ! Comme ça on est certaines qu’il ne peut pas rentrer ici !

Elles attendirent tous les sens aux aguets, puis, soudain, entendirent un fracas de verre brisé.

– La porte vitrée du salon ! On a oublié de fermer le volet ! réalisa Salomé catastrophée.

– Chut ! lui intima sa cousine.

Elles tendirent l’oreille.

– Où est la cave ? demanda une voix qu’elles ne connaissaient pas.

– Là, répondit la voix mal assurée de Tanay.

Elles n’entendirent plus rien pendant un petit moment, puis l’escalier qui conduisait à l’étage grinça.

Il a enfermé Tanay à la cave, devina Liliane. Il ne laisse rien au hasard. Il ne faut surtout pas qu’il se doute de notre présence.

Tanay avait sans doute renseigné son cousin sur la configuration des lieux, car Bandhou se dirigea immédiatement vers la salle de bains. Il ouvrit la porte, puis la referma aussitôt. Elles entendirent le bruissement des vêtements qu’il ôtait, puis, enfin, reconnurent le ruissellement de l’eau. Bandhou jurait copieusement. Rapidement, Liliane ôta la chaise. Salomé se glissa dans l’ouverture de la porte, enfonça la clé dans la serrure et la tourna. Ouf ! Mission accomplie ! Sans perdre de temps, les deux filles se glissèrent hors du chalet pour courir chez elles.

Quand elles sortirent de la maison, elles virent arriver Hugo et Patrice. En même temps, une voiture de police s’arrêtait devant le chalet de la famille Antille. Valérie les y attendait. Salomé et Liliane les mirent rapidement au courant de la situation.

– Il est allé prendre une douche, expliqua Patrice, mais je crois qu’il aura aussi besoin de nouveaux habits. Il doit avoir du poil à gratter plein partout.

– En tout cas, il ne t’a pas raté non plus, remarqua le policier en désignant la pommette meurtrie du garçon. Tu as pris des risques insensés !

– Des risques sensés ! soutint Patrice gravement. Ça aurait mal fini, je vous assure, si on n’avait rien fait.

– Alors c’est bien, le calma l’agent.

Quand ils arrivèrent devant la porte de la salle de bains, ils entendirent Bandhou s’évertuer à l’ouvrir. Il avait perdu ses outils d’effraction dans sa bagarre avec Tanay et ne possédait plus que son précieux Laguiole. Il enrageait. Deux agents dégainèrent leurs armes pour le tenir en respect, tandis que le troisième tournait simplement la clé. Bandhou leur apparut, son couteau à la main et une serviette autour de la taille. Il ne résista pas longtemps et déjà les menottes se refermaient sur ses poignets.

– Il a massacré le cadre de la porte avec son couteau ! rit un des policiers. Il va falloir le changer !

– Et comme elle s’ouvre à l’intérieur de la salle de bains, il ne pouvait pas non plus l’enfoncer. Il était bel et bien coincé !

– D’autant plus qu’il n’y a pas de fenêtre !

– Par contre, il a enfermé Tanay à la cave, leur apprit Liliane. Il faut trouver la clé et aller le délivrer !

Un peu plus tard, tout le monde se retrouva dans le chalet de la famille Antille. Tanay se massait toujours le cou. Heureusement, il respirait à nouveau bien. Bandhou était assis sur une chaise, les mains menottées dans le dos, vêtu de sa seule serviette de bain. Il a l’air furieux et ridicule, sourit Patrice en se retenant avec peine de le taquiner. J’espère pour lui qu’il ne perdra pas sa jupe !

– Il ne manque que papa, remarqua Salomé inquiète. Qu’est-ce qu’il fait ?

Les agents prenaient la déposition de chacun. Les enfants tombaient de sommeil, mais ne voulaient pas aller au lit tant que M. Antille n’était pas rentré. Enfin, la porte du chalet s’ouvrit sur lui.

– Papa ! hurla Salomé en se jetant dans ses bras.

Aussitôt, elle reprit :

– Mais tu as retrouvé Guili, c’est trop génial !

Perturbé, Guili aboyait. Le bruit réveilla Gaura qui descendit l’escalier. Elle eut un haut-le-corps en reconnaissant Bandhou, mais quand elle vit qu’il avait été arrêté, elle soupira de soulagement. Il fallut lui narrer tout ce qui s’était passé.

– Je ne pensais pas Bandhou aussi dangereux, expliqua M. Antille. Il se sentait honteux. J’ai préféré laisser la poursuite à Tanay et me mettre à la recherche du chien. Je suis désolé de ne pas avoir été là pour vous aider, dit-il à l’adresse du jeune homme.

– Asha aurait été brisée de douleur si elle avait perdu Guili, le consola Gaura. Je vous remercie tous pour votre aide précieuse.

– Tout est bien qui finit bien, ajouta Tanay. Vous avez retrouvé le chien ; Patrice, Hugo, Liliane et Salomé m’ont délivré.

– Et vous, Madame, dit un policier en se tourant vers Valérie, vous nous avez appelés. C’est très bien, un beau travail d’équipe. Maintenant, nous allons vous laisser vous coucher. Vous avez tous besoin de repos.

*

Tanay et les enfants entrèrent en coup de vent au chalet. Ils avaient enfin fini de dormir. Midi sonnait et la table était mise. La jeune Indienne les attendait en jouant au salon avec son petit Guili. En les entendant arriver, elle releva la tête.

– Asha ! cria Salomé. Ton frère est un héros !

La fillette rougit de plaisir, comme si le compliment était pour elle, et regarda Tanay avec des yeux nouveaux.

– Oui, renchérit Patrice, il a été super courageux ! Tu sais ce qui s’est passé cette nuit ?

– Maman m’a raconté un peu. C’est vrai que tu as couru après Bandhou ? lui demanda-t-elle émerveillée.

– J’en avais assez de sa haine, expliqua-t-il sobrement. J’ai préféré rester avec toi et maman.

Asha rayonnait. Cette fois, elle en était sûre : son frère était sincère et digne de sa confiance. Elle lui sourit.

– Tanay, est-ce qu’on pourrait montrer les moulins à maman ?

– Avec plaisir. On y va en voiture, cette fois ?

Asha acquiesça.

– On peut prendre Liliane avec nous ? Les autres descendront à pied…

– Pas de problème. De toute façon, il n’y aurait pas la place pour tout le monde dans l’auto.

La fillette hésita un instant avant de poursuivre :

– Je n’ai pas visité l’intérieur des moulins, la dernière fois. Si Patrice me porte, tu serais d’accord de promener Guili ?

Emu, Tanay regarda sa petite sœur.

– Merci, Asha, murmura-t-il. Tu ne pouvais pas me faire un plus grand plaisir.

En cette fin d’après-midi, Asha et Gaura se reposaient sur un banc. Près d’elles s’élevaient les vieux moulins et le torrent chantait. Tanay finissait de promener Guili et rejoignit sa famille. Il effaroucha un merle qui surgit des fourrés en criant, mais cette fois, personne ne s’en effraya.

– Gaura a l’air d’aller tellement mieux, sourit Liliane en les regardant de loin.

– Asha aussi, constata Salomé.

– On vit dans une carte postale, vous ne trouvez pas ? s’émerveilla Hugo.

– Une carte postale bientôt mouillée, le doucha Patrice. Tu as vu le ciel, comme il est noir ? Il faudra se dépêcher de rentrer !

Et comme pour lui donner raison, une grosse goutte de pluie s’écrasa sur son nez.

FIN

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