Jephté·Rois, Soldats et Prophètes·Théâtre

Jephté – Acte II (6)

Scène X

NOAM (lié) – MYRIAM  – JEPHTÉ – LOTHAN –ARAN

LOTHAN

N’êtes-vous pas Myriam, la fille de Jephté ?

ARAN

Mais quelle grande fille ! Voyez cette beauté !

MYRIAM

Fussiez-vous plus souvent venus à cette adresse,
Vous auriez vu tous deux s’allonger votre nièce.

LOTHAN

Jephté, mon frère ! Quel grand bonheur de te revoir !

JEPHTÉ

Moi, votre frère ? Allons ! Quel mal vous prend ce soir ?
Ne suis-je pas Jephté, fils d’une aventurière
Qui se vautra, jadis, dans le lit de mon père ?
Ne suis-je pas Jephté, ce fils de chien bâtard,
Honte de la famille, maraud, larron, pendard,
Par mes frères battu depuis le plus jeune âge,
Chassé de ma maison et de mon héritage ?

ARAN

Mon bien cher frère…

JEPHTÉ

                                   Allons ! Bien cher frère, à présent !

LOTHAN

Nous venons de très loin t’apporter nos présents.

JEPHTÉ

Gardez-les, car, ma foi, je n’en saurais que faire.

MYRIAM

Avant de les chasser écoute donc, mon père.

JEPHTÉ

Certainement, ces masques ont de justes raisons
De nous venir chercher jusqu’à notre maison.
Ont-ils à Galaad maints lourds fardeaux en tête
Pour s’apporter céans avec tant de courbettes.

LOTHAN

Les rues de la cité sont livrées aux soldats,
De puissants fils d’Ammon exercés au combat.
Ils abusent nos femmes et foulent nos épis,
Égorgent nos agneaux et tondent nos brebis,
Ils confisquent aussi nos herses et fléaux
Et chez leurs forgerons nous affûtons nos faux.
Ils ont des chars de fer et de nobles montures
Et pourchassent les filles, si fiers en leurs armures.
Ils boivent notre vin et mangent notre miel.
Ce sont des conquérants bestiaux et cruels.
Nous sommes d’humbles gens, des marchands et des pâtres,
Jamais de notre vie nous n’avons su nous battre.

JEPHTÉ

Il serait temps d’apprendre.

LOTHAN

                                           Écoute, mon ami.

JEPHTÉ

Votre ami ! Pauvre frère, même frère à demi !

ARAN

Pardonne, je te prie, nos anciennes offenses.

JEPHTÉ

Des années de mépris, des siècles de souffrance !

LOTHAN

Nous tombons à genoux, implorant ta bonté.

JEPHTÉ

Je ne vous suis, messieurs, d’aucune utilité.

LOTHAN

Tu possèdes, dit-on, une âme bien trempée.

ARAN

Nul ne fait mieux que toi tournoyer une épée.

LOTHAN

(voyant Noam)

Qu’a donc fait ce lascar ?

JEPHTÉ

                                      Il m’a contrarié.
Son statut, croyez-moi, ne se peut envier.
Nous avons, dans nos bois, de beaux arbres semblables,
Vous y pendre tous deux, j’en serais fort capable.

LOTHAN

Jephté, ne veux-tu pas ton peuple secourir ?

JEPHTÉ

Que puisse mon épée vous apprendre à courir !

(Jephté poursuit Lothan et Aran de son épée. Ils s’enfuient. Il se tourne vers Noam. À Myriam.)

Que faut-il que je fasse à ce nain ridicule ?
Veux-tu que je l’éventre ou que je l’émascule ?

MYRIAM

Non. Laisse-le partir.

JEPHTÉ

                                   Ce serait malheureux.

MYRIAM

Je suis de belle humeur, car j’ai un amoureux.

(De sa dague, elle coupe les liens de Noam. Le rideau tombe.)

© 2024 Lilianof

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