Manassé·Rois, Soldats et Prophètes·Théâtre

Manassé – Acte V (4)

Scène V

MANASSÉ

Malheur ! De quel supplice il me faudra mourir !
La terreur m’envahit à l’idée de souffrir.
Quelle horreur de tomber aux mains de la mégère !
Et que puis-je espérer de la femme en colère ?
Quel dieu m’accueillerait au bienheureux séjour
Car j’ai trahi le seul qui pourrait en ce jour
Des angoisses de mort m’offrir la délivrance.
Oserai-je invoquer son nom dans la souffrance ?
Et si dans sa piété, Lémeth avait raison ?
Si ce Dieu du péché offrait la guérison ?
Connaissant des vainqueurs la mortelle menace
Il ne me coûte rien de rechercher sa grâce.

Seigneur, Dieu d’Abraham, éternel souverain,[1]

Toi qui vois ma douleur et connais mon chagrin,
Dieu d’Isaac, de Jacob, et de leur descendance,
Tu visites mon cœur et sondes ma souffrance.
Toi qui seul fis la terre et toute sa splendeur,
Qui, de même, créas le ciel en ta grandeur,
Et fondas les étoiles et creusas les abîmes,
Et des monts élevés toi qui formas les cimes.
Tu donnas les limites à tous les océans
Et scellas l’univers par ton commandement,
Toute la création craint ta grande puissance,
Chaque étoile du ciel loue ta magnificence.
Nul ne peut soutenir l’ardente majesté,
Le feu de ton regard et ton autorité.
Qui pourrait supporter en ta pleine lumière
Contre l’impénitent tes menaces sévères ?

Tu règnes à toujours sur toutes les nations.
Tu révèles ta grâce et tes compassions.

Du pardon des péchés, pour peu qu’on les confesse,
Et de l’absolution tu nous fis la promesse.
Dieu lent à la colère, Dieu miséricordieux,
De nos actes mauvais tu t’affliges des cieux.
Ô Dieu de vérité, ô Dieu de la justice,
N’engloutis pas mon âme au fond du précipice,
Car ce n’est pas Moïse qui doit se repentir,
Abraham et Jacob n’ont à se convertir
Ils sont justes et droits devant ta loi parfaite,
Mais ta digne colère s’acharne sur ma tête.
J’ai commis des péchés pour brûler en enfer,
Plus nombreux que les grains de sable de la mer.
Toi seul pourrais compter mes fautes innombrables :
Elles ont abondé, Seigneur, je suis coupable.
Vois, je ne devrais pas lever vers toi les yeux
Et porter mes regards vers la splendeur des cieux.
Mon dos ploie jour et nuit sous une lourde chaîne,

Entravé dans les fers. Déjà de la géhenne
Et de l’ardente chair je sens la puanteur.
J’ai bravé ton saint nom, provoqué ta fureur.
Je n’ai point de repos, de salut pour mon âme
Et pleure sans répit sur mes péchés infâmes.
Chaque jour, chaque nuit, m’accable de terreur
Car lorsque j’étais roi j’ai commis des horreurs.
Devant toi, maintenant, terrassé, je m’incline,
J’implore et je supplie ta clémence divine.
Pardonne-moi, Seigneur, et ne m’anéantis.
Accorde ta clémence au pécheur perverti,
Au transgresseur impie qui t’implore et supplie.
Vois sa douleur extrême. Pardonne sa folie.
Seigneur, ne garde pas ta colère à jamais.
Guéris mon cœur perdu, lave mon cœur mauvais.
Ne me condamne point, majesté souveraine,
À vivre en ces demeures obscures, souterraines,
Car tu es seul, Seigneur, le Dieu des repentants
Et l’âme des pécheurs sauves en un instant.
Bientôt mon œil verra ta bonté sans pareille
Et j’entendrai ta voix sonner à mon oreille,
Me disant : « Viens à moi, car je t’ai racheté. »
Quant à moi, je louerai, Maître, ta charité.
Indigne que je suis, je crois sur ta parole
Que tu m’as délivré des impures idoles
Et tu m’as retiré de mon piège mortel.
Chaque jour qui naîtra, je louerai l’Éternel.
Tous les jours de ma vie je chanterai ta gloire.

(Entre Asarhaddon.)


[1] D’après la « Prière de Manassé », un texte apocryphe.

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