Réflexions

Un moment Kasparov de la littérature ?

Récemment, un duel d’écriture médiatisé a opposé l’auteur Hervé Le Tellier, couronné du prestigieux Prix Goncourt, à un modèle de langage avancé. Malgré une carrière jalonnée de succès et des centaines de milliers d’exemplaires vendus, l’écrivain s’est vu relégué à la seconde place par le texte généré par l’Intelligence Artificielle. Ce qui a le plus marqué les observateurs, y compris Hervé Le Tellier lui-même, fut la qualité sidérante de la production de ChatGPT.

Hervé Le Tellier

Cet événement n’est pas un cas isolé. L’essor fulgurant des IA a révélé une tendance mondiale, allant jusqu’à toucher les plus hautes sphères littéraires. La prolifération des textes générés est désormais partout : des écrits professionnels aux légendes des réseaux sociaux. On estime que plus de la moitié du contenu textuel sur internet serait d’ores et déjà produit par ces algorithmes, un phénomène qui s’infiltre dans toutes les sphères de la communication.

Sur Plumes Chrétiennes, lors des défis et concours, je suis bien sûr confronté directement à la réception de textes générés par des IA. Comment réagir à cela ?

Le mythe de la perfection

Pendant longtemps, l’apprentissage de l’écriture a été centré sur la maîtrise des règles : orthographe, grammaire, syntaxe, et l’élimination des fautes. L’éducation nous a conditionnés à penser que bien écrire équivaut à respecter les normes.

C’est là que l’IA déploie tout son pouvoir de séduction : elle offre une correction instantanée et une fluidité impeccable, capable de produire un texte lisse et irréprochable. Mais cette perfection est-elle l’essence de la bonne écriture ?

Ces textes générés par IA, même parfaitement formulés semblent bien souvent vides, un peu comme les images lisses et symétriques générées par des IA graphiques.

Le Youtubeur Cato Minor, passionné de bonne littérature, a récemment produit une vidéo sur la question. Il note que ce qui manquera toujours aux textes de l’IA, c’est l’humanité :

  • L’imprécision, la maladresse, l’envolée bancale.
  • Le doute, l’hésitation, les ratures du créateur.
  • La lutte intérieure et l’effort fécond qui précèdent la phrase juste.

Le triomphe de l’IA sur l’écrivain renommé repose d’ailleurs sur une manipulation experte du processus : le prompt fourni à l’IA était elle-même une véritable direction littéraire, un travail de composition d’une longueur comparable au texte attendu. Ce n’est donc pas l’IA seule qui a gagné, mais un écrivain augmenté l’utilisant comme un outil sophistiqué.

Un moment Kasparavov, vraiment ?

De nombreux observateurs assurent que la littérature vit son propre « moment Kasparov », c’est-à-dire un moment symbolique où une intelligence artificielle dépasse l’humain dans un domaine qu’on pensait réservé à l’intelligence humaine (en référence à la défaite de Garry Kasparov face à l’ordinateur Deep Blue en 1997).

Mais Cato Minor relève avec pertinence que cette peur repose sur une erreur, qui consiste à traiter la littérature comme un jeu d’échecs. Cependant, cette comparaison ne tient pas longtemps. En littérature, il n’y a pas de « meilleur coup ». Pas de solution optimale. Pas d’algorithme indubitable.

La littérature est un langage intrinsèquement chaotique, vivant, imparfait, car il est humain.

Si la question vous intéresse, prenez le temps de regarder cette vidéo passionnante :

5 commentaires sur “Un moment Kasparov de la littérature ?

  1. l’IA ne remplacera jamais l’humain, car elle n’a pas d’âme. Elle n’a pas d’entrailles qui font surgir les mots de la main de l’écrivain. En peinture elle génère des extraterrestres trop parfaits ou estropiés. Elle gagnera le concours de la tricherie et de l’inhumain.

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