Nouvelles/contes, Prose

Et pourtant… (par Joshua Perrono)

Cette nouvelle a été écrite suite à notre concours de nouvelles sur le thème « Allégories chrétiennes » clôturé en mars 2018. Toutes les nouvelles sélectionnées à cette occasion sont regroupées dans un eBook gratuit intitulé « Le point commun » que vous pouvez retrouver en cliquant sur l’image :Couverture3D.png


Laissez-moi vous raconter une histoire. Mon histoire. Vous me connaissez sûrement. Je suis l’oublié lors de vos soirées étudiantes. Celui à côté de qui on s’assoit mais dont on ne se souvient plus du nom. Celui qui se retrouve seul à midi pour manger.

Mon nom est Personne.

Mon nom est Personne et pourtant, à Ses yeux je suis quelqu’un. Un ami voir un frère. Je sais que je peux l’appeler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Même le dimanche et les jours fériés. Son nom est Fidèle. Du moins un de ses noms…

J’ai rencontré Fidèle à l’époque la plus douloureuse de ma vie. Je me posais beaucoup de questions sur la vie – ma vie – et son sens, sur ma valeur aux yeux des autres. Pour moi la question était réglée : Je ne vaux rien.

Et je ne trouvais personne pour me persuader du contraire.

Pas même mes parents. Mon père ayant fuit ses responsabilités depuis bien avant ma naissance, et ma mère me le reprochant depuis cette même période.

Donc je résume. Mon nom est Personne, ma vie ne vaux rien et personne ne m’aime. Et je les comprends.

C’est durant cette période que j’ai rencontré Fidèle. Fidèle est tout l’inverse de ce que je suis. Un père qui l’aime, depuis toujours. Une mère concernée par son bonheur et son bien-être. Et par dessus, tout un but dans la vie, une destinée. Et Fidèle m’aimait. Au moins autant que je me détestais.

Donc, un beau jour, Fidèle débarque de nulle part. Et, lors de sa présentation, nous explique avoir été envoyé par son Père avec une mission à accomplir. De nature douce, il se dégageait de lui une certaine humilité. Faisant à peu près ma taille, le teint hâlé, ce qui m’a le plus marqué, c’est son visage. Il était commun, rien ne le distinguait des autres. A part ses yeux. Intensément bleus. Lorsqu’ils se sont posés sur moi, j’ai ressenti quelque chose. Je ne saurais vous dire quoi, car je n’avais jamais rien senti d’aussi fort.

Fidèle m’intriguait de plus en plus. D’où venait-il ? Quelle était cette mission que son Père lui avait confiée ? Et qui était-il vraiment ? Il vint s’asseoir à la seule place de libre. A côté de moi.

– Bonjour Personne, me dit-il.

– Bonjour. Mais comment sais-tu mon nom ?

– Mon Père m’a beaucoup parlé de toi. J’aimerai qu’on discute un peu plus tard. Si tu veux bien.

Il me regardait, me souriait et me parlait. J’en avais presque les larmes aux yeux.

– D’accord.

Une chose que je ne vous ai pas dite à propos de Fidèle. Il a des amis partout. Partout où il va, les gens le suivent pour l’entendre parler, pour qu’il les réconforte, leur donne des conseils… Beaucoup de monde semble l’apprécier et vouloir prendre un verre avec lui. Et pourtant c’est avec moi, Personne, qu’il a rendez-vous. C’est à moi qu’il veut parler. C’est à mes questions qu’il va répondre.

Je ne suis personne et pourtant un homme d’une haute importance s’intéresse à moi.

– Il y a longtemps que je souhaite discuter avec toi, Personne.

– Mais on ne se connaît que depuis quelques heures.

– Tu te rappelles quand je t’ai dit que mon Père m’avait beaucoup parlé de toi ? Et ben c’est vrai.”

– Tu me fais peur là… Je ne sais pas quoi penser.

– En vérité je te le dis, ton véritable nom n’est pas Personne, mais Précieux. Et mon Père t’a choisi pour devenir son enfant.

– C’est une blague ?! Tu te moques de moi, c’est pas possible autrement. Ma mère m’a appelé Personne à la seconde où je suis né. Mon père a déserté le foyer familial bien avant ma naissance. Avant que tu ne m’adresses la Parole ce matin, ça faisait des mois que personne m’avait dit bonjour. J’ai vécu dans un monde de silence toute ma vie. Un monde sans amour, sans marque d’affection.

Il me regardait, et je sentais qu’il compatissait à ma douleur.

– Et admettons que j’y crois à ton conte de fées, c’est quoi l’arnaque ?

– Tu ne m’as pas laissé finir. Le deal, c’est que tu me laisses prendre ta place, tu me laisses gérer tes soucis.

– Arrête s’te plait ! Tu sais rien de ma vie. Ta vie n’a rien à voir avec la mienne. Tu sais pas ce que c’est que le rejet, la solitude. La souffrance tant physique que morale, voire spirituelle.

Il se leva et vint s’asseoir juste à côté de moi. Il posa ses mains sur la table.

– Tu as raison, nos vies sont bien différentes. Mais là où tu te trompes, c’est que je connais la souffrance du corps et de l’âme, la solitude et le rejet. Parmi les gens qui veulent boire et manger avec moi, il y en a qui se moquent de moi, des conseils que je peux leur donner. Les coups, les insultes et même les crachats et l’indifférence, j’en ai reçu plus que des remerciements et de la gratitude.

Mes plus proches amis m’ont abandonné au moment où j’avais le plus besoin d’eux.

Les larmes coulaient sur mes joues. Je savais qu’il disait la Vérité. Il posa sa main sur la mienne.

– La Vie est devant toi, Précieux. Laisse le passé mourir. Oublie Honte, Culpabilité, Désespoir et consorts. Remplace-les par Paix, Assurance, Joie et les autres Cadeaux de mon Père.

– Ton Père, ton Père, mais j’le connais pas. J’l’ai même jamais vu.

– Tu me connais et tu m’as vu, cela te suffit.

– Fidèle, tu m’as invité à ta Table. Ta Parole a bouleversé mon cœur comme personne d’autre avant. Je crois que ce que tu dis est Vérité. Que dois-je faire pour héritier de ta Promesse ?

Fin

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