J’aime à voir ces roseaux qui balancent leurs têtes, Quand passe dans les airs le souffle des tempêtes ; Ces roseaux délicats par l’ouragan froissés, Exhalant les soupirs des êtres oppressés.Dans ces cris étouffés, dans cette longue plainte, On dirait qu’on entend, par la douleur étreinte, Une âme en sa détresse appeler au secours, Ou du fond d’un cachot des gémissements sourds.Et lorsque dans le ciel une lueur étrangeEclate avec la foudre, … agités dans leur fange, On voit tous ces roseaux courber leurs rangs épais, Puis regarder en haut pour demander la paix !
Et nous, roseaux humains, quand gronde le tonnerre, Quand le sang et le feu rougissent cette terre, Quand la guerre nous broie en ses mille combats, Ah ! comme des roseaux, ne nous verra-t-on pasTous incliner nos fronts dans la fange où nous sommes, Pour redire au Seigneur : La paix entre les hommes !!!

Pasteur à Aubonne, Louis-Lucien Vermeil, n’a jamais connu de grand succès littéraire. A l’occasion de la sortie de son recueil Ballades et Poésies, il se vit même assez rudement étrillé par un confrère de la revue Le Chrétien Évangélique, qui reprochait à ses vers leur prosaïsme et leur légèreté, d’après lui peu dignes d’un pasteur. En le feuilletant, on doit convenir, que malgré une aisance évidente dans la versification, il ne brille pas par le sublime, et que la postérité n’a sans doute pas assassiné Mozart en oubliant l’identité de l’auteur, que seule l’éléphantesque mémoire de Google permet de retrouver. Cependant, tout médiocre qu’il puisse être, un écrivain peut parfois produire un petit chef-d’œuvre. C’est le cas du court poème Les Roseaux dans la Tempête.
Écrits vers la fin de la guerre franco-allemande de 1870, ces vers gardent l’empreinte émotive d’un cœur qui s’est serré au spectacle de la guerre. La beauté de l’image des roseaux, courbés sous le ciel lourd, froissés les uns contre les autres par l’orage, nous renvoie bien sûr à nos interrogations du moment, et la conclusion tirée, nous interpelle par son élévation spirituelle : Prier pour la paix, est-ce là ce que le peuple français, ou du moins son Église, devrait faire ? Certes, cela est pieux, qui le niera ; mais il y a davantage à saisir dans ce tableau qui nous touche.
Plante éphémère, fragile et creuse, le roseau est un emblème biblique de la créature humaine, inoubliablement repris par Pascal. Un marécage rempli de roseaux, n’est-ce pas là aussi la juste image d’un peuple, qui existe, bon gré mal gré, parce que la nature a voulu les faire tous pousser ensemble étroitement dans ce lieu ? Quand souffle la tempête, cette entité vivante se réveille, et prenant obscurément conscience d’elle-même, s’agite en tous sens contre les éléments qui la menacent.
Vraies en apparence et en superficie, les analyses de la crise des gilets jaunes qui l’attribuent à de multiples fractures de la société française, sont fausses en profondeur et en réalité : c’est au contraire dans l’unité de la France, que ces émeutes puisent leur carburant souterrain. En guerre en 1870, en guerre en 1914, en guerre en 1939, la France n’a pas voulu mourir, elle n’a pas voulu être absorbée par le pangermanisme. Or même quand elles sont civiles, les révoltes ne procèdent pas d’une autre force que celle de la volonté de vivre, c’est le corps consumé par la fièvre qui proteste et réclame la guérison ; mais le peuple qui renonce à exister, ne se bat plus.
On trouve dans l’Ancien Testament un épisode étonnant, qui pourrait faire douter le lecteur incroyant de la bonté du Dieu d’Israël, et qui rappelle au chrétien que les peuples n’existent et ne perdurent que par la volonté souveraine du Créateur. Au vingtième chapitre du livre des juges, nous lisons le récit d’une guerre civile entre Israël et une de ses tribus, Benjamin, dans laquelle s’était commis un crime particulièrement pervers, signe de la décadence des temps. Deux fois les enfants d’Israël consultent l’Éternel pour savoir s’il doivent s’engager dans un combat fratricide ; deux fois l’Éternel le leur commande ; deux fois ils sont vaincus, et perdent des milliers de soldats. Après avoir prié une troisième fois, et reçu l’ordre de continuer, c’est Benjamin qui est vaincu à son tour ; ses villes sont incendiées, la quasi totalité de ses hommes et de ses femmes périssent sous le tranchant de l’épée.
Qui peut expliquer ce drame terrible ? qui peut expliquer l’Histoire ? Une conviction cependant s’impose, il en allait de l’existence des douze tribus et de leur unité ; le mal devait être extirpé, ou du moins châtié et contenu. La dégradation morale de notre propre pays est immense, et nul ne peut prévoir les douleurs qui en résulteront ; la France va-t-elle continuer à exister, ou se dissoudre dans une Europe mondialiste ? question primordiale : c’est parce qu’elle ne veut pas mourir que la France se révolte ; le prix de l’essence n’a été qu’une allumette.
Pour leur part, les églises évangéliques appellent à la prière et au respect des autorités de l’État : c’est leur devoir. Comprenons toutefois, que même sage et pieuse, une parole banale ne sera pas entendue dans une circonstance qui ne l’est pas. Pour réveiller nos assemblées et notre pays, il convient à cette heure, moins des professeurs de catéchisme que des prophètes vivants ; il faut plus que des CEO de grands conseils, mais des Jaurès évangéliques, mais des de Gaulle protestants, habités à la fois par la passion du Royaume de Dieu et par celle du royaume de France. Existent-ils ? De tels hommes, ou de telles femmes, ne se trouveront pas dans le people de facebook, où la popularité se construit par un persévérant égotisme et par une quête constante de niaise approbation ; mais, quand Dieu fait grâce, il prépare ses instruments choisis, et écrit leurs noms sur les tablettes secrètes du futur.
Quel serait le message d’un homme providentiel se levant en France, revêtu de la puissance du Saint Esprit ? Comme autrefois en Israël, il rappellerait à son pays ses racines religieuses, et le sommerait de revenir à l’Évangile, car l’amour de Dieu entraîne nécessairement l’amour de la patrie. Tous les réveils religieux ont été en même temps des réveils nationalistes ; quand l’inverse n’est pas vrai. En dehors de cette dimension spirituelle, les évangéliques français n’ont absolument aucun témoignage à offrir à la France ; sinon celui de se mondialiser eux-mêmes, en relayant tous les buzz théologiques pris des auteurs américains du moment, et en encourageant leurs futurs pasteurs à ne plus penser qu’en anglais, ou du moins à faire semblant.
A la modeste échelle de ce blog, souhaitons simplement que le plaisir d’écrire en français, la fierté de lire du français évangélique authentique, et non toujours d’insipides traductions, soit autant de jonquilles supplémentaires, égayant de leur jaune éclatant les prairies d’un printemps français à venir.