A l’occasion du Carême, François Volff nous fait le plaisir de nous offrir de larges extraits de La Passion Titon, une pièce de sa composition de 470 vers, distribuée dans plusieurs églises.
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Démon (14)
Seigneur, Jésus est pris. Notre cohorte à peine
Arrivait au jardin où Judas les entraîne,
Que celui-ci, soudain, devient comme joyeux.
Il voit son Maître, il court. Sans détourner les yeux,
Il lui donne un baiser. Mais Jésus, droit et triste :
« Fais ton devoir-dit-il-et que nul ne résiste. »
A ces mots, les soldats se saisissent de lui,
Les épées qu’on tenait sont jetées dans la nuit,
Et tandis qu’on le traîne ainsi, les mains liées,
Les troupes de ce Roi s’enfuient éparpillées.
Choeur. (Antistrophe 15)
Jusques à quand Seigneur, dans cet âpre désert,
Ton peuple errera-t-il encor sans fin, sans trêve ?
Qui nous délivrera de cet exil amer ?
Le vieux tronc d’Abraham, Seigneur, n’a plus de sève.
Coryphée. (Strophe 16)
Seigneur, viens et vois, ton peuple est sans force.
Nous avons perdu notre bouclier.
A nous accabler le démon s’efforce,
Et le mécréant à nous insulter.
Viens et vois, mon Dieu : ton peuple est sans vie.
Le païen triomphe à Jérusalem:
« Qui est l’Éternel ? Où est son Messie ?
Quel libérateur vient de Bethléem ? »
(Cloches, début de « Stille nacht »)
J’écoutais la nuit. Je crus y entendre
Comme une voix d’ange, et dans le ciel noir
Un astre nouveau semblait se suspendre.
Cet astre, Seigneur, n’y est plus ce soir.
Satan (17)
Non, non, il n’y est plus. Que croyiez vous peut-être ?
Qui avez-vous choisi, et qui est votre maître ?
Avez-vous à ce point adoré l’Éternel ?
De quel monstre stupide embrassiez-vous l’autel ?
Vous avez adoré les dieux de Babylone :
C’est que vous les aimiez, c’est que leur ville est bonne.
Iniques, demeurez dans votre iniquité !
Adultères, restez dans votre impureté !
Assise au bord des eaux d’oubli et de détresse,
Pleure jusqu’à la fin des temps, race traîtresse;
Ah ! Vous avez choisi comme maître Satan !
Vous avez bu pour moi des breuvages de sang !
Vous avez aimé l’or plutôt que la justice.
Plutôt que la vertu, vous préfériez le vice.
La corruption pour vous avait des ornements,
Vous estimiez à rien la mort des innocents.
Vendeurs de sang humain, j’ai entendu vos rires,
Adorateurs de l’or, je vous juge à vos dires.
Imprudents, vous avez prêté trop de serments :
Vous êtes prisonniers de mes affreux présents.
Mais toi, Jésus, vois-tu l’échec spectaculaire
Qui te fait sur la croix finir ton ministère ?
Sens-tu combien je t’ai vaincu, ô fils de Dieu ?
Moi le méchant, moi le souillé, moi le hideux ?
Ton but était trop noble et l’homme est trop stupide,
Ton amour le fait fuir, ta gloire l’intimide.
Pourquoi parler de bien et de divinité ?
La nature de l’homme est de fuir la clarté.
Toi, tu n’as pas voulu changer en pain la pierre.
Tu leur a proposé le jeûne et la prière.
Tu voulais que le monde eut soif du Dieu vivant,
Lui qui n’a jamais soif que de vin et de sang.
Tu voulais qu’il se revêtit de l’espérance,
Lui qui ne s’est jamais vêtu que d’insolence.
Mais vois-tu, Dieu Puissant, tu n’as pas réussi,
Et tes disciples t’ont abandonné, trahi.
Homme (15’)
C’est faux. Tu as menti, car nous avons vu Pierre
Le suivre chez Caïphe, et c’est là qu’il espère
Mourir auprès de lui, s’il ne peut le sauver.
Satan (17)
Noble enfant d’Israël, le coq vient de chanter.
A suivre…