Il était une fois dans un lointain royaume, un roi que l’on disait bien volontiers bonhomme. Ce sire était puissant, généreux, juste aussi et ses sujets heureux partout dans le pays : la terre était fertile, et fécond l’élevage, et le travail des champs un plaisant jardinage.
Or voici qu’un matin, à l’entrée du marché, parût un petit vieux qui se mit à prêcher. Il affirmait bien haut que le roi était vil, qu’il les asservissait, les gardait bien dociles en gardant pour lui seul un artefact puissant ; qu’ils pourraient eux aussi régner assurément ; qu’il leur fallait armer deux ou trois hommes forts afin de s’emparer de ce royal trésor.
C’était là un sorcier, jaloux de ce bon roi et qui s’était grimé pour mieux jeter l’effroi. Des femmes étaient là : l’une tendait l’oreille, l’autre s’en détournait menée par le sommeil ou bien alors choquée de ces propos de fiel, mensonges enrobés de paroles de miel. Le soir étant venu, on rentra au logis ; chacune du sorcier relata le récit. Les propos échangés, les discours, les débats animant les foyers, l’histoire ne les dit pas.
Toutefois quelques-uns cherchant à s’emparer de ce fameux trésor furent tôt capturés et le roi n’est point souple. L’amulette magique emportée par deux couples aurait dû conférer bonheur, prospérité et la vie éternelle or le roi les exile, les condamne à trimer sur la terre infertile ainsi qu’à remplacer l’artefact dévoyé au prix de leurs enfants, dit-il le cœur broyé. Les enfants grandiraient avec leurs géniteurs mais le temps échoirait sans signe avant-coureur. Le roi viendrait alors emporter les enfants afin que leur servage compense infi-mement les ravages causés par le vol de leurs pères.
La sentence annoncée, un couple s’établit proche de la frontière. Pour survivre, ils menaient une vie de larcins, rapinaient sans scrupule, escroquaient leurs voisins. Leur fille grandissait dans cet esprit vengeur et s’illustra bien vite en semant le malheur. Et l’on parlait partout de ses méfaits et sa grande insatisfaction. L’autre couple mena une vie laborieuse et ô combien discrète, espérant que le roi en oublierait leur dette. Beaucoup ont célébré leur grande honnêteté. Si leur enfant vivait dans la simplicité, elle s’en contentait, modeste, obéissante. Elle avait appris d’eux à être méritante.
Une des jeunes filles rencontra un jour un jeune homme charmant et qui lui fit la cour. Il demanda sa main ; elle lui refusa pour des raisons que nous ne narrerons point là. Or l’autre demoiselle à son tour rencontra ce jeune homme charmant, lequel la courtisa et demanda sa main. La belle était flattée. Tremblante, elle accepta mais semblait hésiter. Elle explique au promis cette malédiction qui pourrait bien venir assombrir leur union : un jour, le roi viendrait pour demander son dû et alors elle devrait s’acquitter du tribut. Elle confesse ainsi les torts de sa famille, et y ajoute aussi les siens puis elle vacille. Lorsqu’elle revient à elle, il est à ses côtés et lui révèle aussi sa vraie identité : « je plaiderai ta cause », affirme le jeune homme ; il est prince héritier de ce fameux royaume.
Le roi en est fort aise : en cadeau de mariage, il affranchit sa bru, met fin à l’esclavage. La noce est éclatante, unie bonté et droit : le prince et son épouse ainsi que le bon roi, sur ce bien doux pays, règnent depuis ensemble. La liesse y est partout mais l’autre fille tremble. Elle mène toujours une vie d’oppression, de crainte et privations, pleurant sur cette union qui lui aurait donné à goûter le bonheur, et qu’elle a refusée pour son plus grand malheur.
Est-ce un manque de foi ? La peur d’être déçue ? L’orgueil dictant sa loi ? Il n’est plus de salut : son asservissement est prix de la justice, elle le sait pourtant tout hurle au préjudice.
« Voici comment Dieu nous montre son amour : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs » (Romains 5v8)