– Ah ça y est ! Le voilà qui recommence ! Et il pleure, il pleure, et il pleure encore… tous les jours ! Mais qui lui a appris à se morfondre sur son péché tous les jours comme ça ? Ce n’est plus de la repentance, c’est de l’auto-flagellation, le pauvre ! Seigneur, ce jeune homme a fait de sa chambre un véritable tribunal, il n’hésite pas à se proclamer coupable tous les jours de sa vie, c’est insupportable ! Et beh voilà, c’est ce que je disais, il a même fait une liste cette fois-ci pour ne rien oublier, c’est de pire en pire. Non, je ne peux plus voir ça ! Seigneur, il faut faire quelque chose…
– Que voudrais-tu faire, vélo ?
– Lui parler ! Lui expliquer la vérité afin qu’il soit libre… réellement libre !
– Eh bien, fais-le.
– M… moi ?! Mais je ne suis qu’un vieux biclo, je ne parle pas !
– Si ce n’est que ça qui t’arrête, je te donne à cet instant la parole.
– DE QUOI ?! cria le vélo, et tous les carreaux de verre de la petite véranda se mirent à vibrer au son de sa voix rauque et profonde.
Le garçon à genoux ouvrit les yeux et se redressa rapidement.
– Y a quelqu’un ?!
– Non, non ! répondit la bicyclette du tac au tac, puis elle laissa échapper un petit grognement de frustration, comprenant qu’elle venait de se trahir à nouveau.
Son propriétaire attrapa un parapluie qui traînait dans sa chambre et se dirigea vers la véranda à pas de loup. Il entra en serrant l’objet dans ses mains et fit quelques tours rapides sur lui-même pour tenter de trouver l’intrus… en vain.
– Tu comptes vraiment te défendre avec un parapluie ?
– Où êtes-vous ?! Montrez-vous tout de suite !
Le vélo réfléchit quelques secondes. S’il voulait que la conversation soit possible, il fallait qu’il trouve une explication crédible et, pour le coup, ça n’allait pas être simple !
– Je ne peux pas me montrer parce que je suis… je suis un ange !
– Un ange ?! s’émerveilla le jeunot.
– Oui et je suis caché dans le vieux vélo du fond.
– Dans le vélo ? répéta l’adolescent en arquant un sourcil circonspect.
Clairement, l’émerveillement venait d’en prendre un coup, de fait, le vélo enchaîna rapidement pour ne pas perdre l’attention de son interlocuteur.
– Oui, hum… c’est pour ne pas t’effrayer avec ma véritable forme. Bref ! C’est bien toi qui pries tous les soirs pour vivre des choses fantastiques avec Dieu, non ?
– Euh… oui.
– Beh voilà, tu as été exaucé. Maintenant écoute-moi bien, je suis venu pour te délivrer un message très important… Voilà plusieurs jours que je t’entends pleurer sur ton péché et te repentir encore et encore, et tu dois absolument arrêter de faire ça.
Le garçon était venu s’accroupir devant la bicyclette pour ne pas louper un mot.
– Ah bon ? Je croyais que Dieu aimait ça, quand ses enfants se repentent…
– Oui, mais ça, ce n’est pas de la repentance.
– Non ? Mais on m’a dit que la repentance c’est de confesser ses péchés afin que Jésus les lave et qu’on devienne parfait.
– Ce n’est pas faux, c’est juste beaucoup plus simple que ce que tu crois.
– Être parfait, c’est simple ?!
– Bien sûr ! Il suffit de ne plus tomber.
– Beh justement ! Je tombe tous les jours ! Regarde, j’ai même fait une liste de tout ce que j…
– … Non, non, non ! Laisse cette liste dans ta poche, par pitié ! Écoute, en tant que vélo, j’aimerais t’expliquer quelque chose.
– T’as pas dit que t’étais un ange ?
– Oui, bon, je suis un ange-vélo, c’est compliqué et j’ai pas le temps de t’expliquer ! Et arrête de m’interrompre ! Hum… donc ! En tant que vélo, j’en connais un rayon sur l’équilibre, la stabilité. D’ailleurs, tu savais que, si tu me lances assez vite, je peux rouler tout seul sans tomber, sans avoir besoin que qui ce soit pédale ou me dirige ?
– Non, je savais pas ! C’est parce que t’es un ange-vélo ?
– Hein ? Mais non ! Tous les vélos sont capables de le faire, c’est comme ça que Dieu a fait les choses.
– Et quel rapport avec mon péché ?
– Le rapport est que tu es parfait, pur et libre de tous tes péchés, du moment que tu ne t’arrêtes pas, du moment que tu es toujours en mouvement.
– Tu veux dire que je dois faire du sport ?
– Roooh, c’est une métaphore, petit ! Une image pour te faire comprendre.
– D’accord, mais ça veut dire quoi alors ?
– Le mouvement, c’est l’amour. Du moment que tu cherches à aimer Dieu et ton prochain de toutes tes forces, tu ne tomberas plus et le péché sera loin derrière toi. Et si un jour, tu oublies d’aimer, que tu ralentis ou que tu tombes, tu pourras sortir ta liste, pleurer parce que tu t’es fait mal, puis tu remonteras sur le vélo de l’amour et tu repartiras de plus bel. Tu ne dois jamais passer ton temps à te repentir sans jamais passer ton temps à aimer premièrement. Tu comprends ?
– Oui, cette fois-ci, je crois que j’ai compris ! Et c’est bizarre, mais je me sens beaucoup mieux ! Merci ange-vélo !… Est-ce que tu avais autre chose à me dire ?… Ange-vélo ??
FIN
Si c’était si simple… ;-p
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Quel plaisir cette lecture, avec tellement d’humour ! C’est vraiment le point fort de ce texte. Le dialogue est rythmé et désopilant. Les conditions du défi sont parfaitement respectées. Sur le choix du vélo, comme illustration, j’ai immédiatement pensé à cette citation d’Albert Einstein « La vie, c’est comme le vélo. Pour garder l’équilibre, tu dois continuer d’avancer. »
Tu n’exploites pas la même idée, au contraire, tu prends le contre-pied. Tu mets l’accent sur une autre caractéristique, qu’on pourrait résumer ainsi « La sainteté, c’est comme le vélo. Pour garder l’équilibre, pas besoin de pédaler, il suffit de lui donner une certaine vitesse. » C’est périlleux comme illustration, parce qu’on sait bien qu’à cause des frottements du sol, cela ne dure pas bien longtemps et qu’Einstein a raison : si on ne pédale pas, on finit par tomber…
A moins de lancer le vélo dans l’espace ;-).
Mais je t’embête, parce qu’on comprend bien l’idée quand même. L’amour est cette force qui nous permet d’avancer sur ce chemin. C’est une clé indispensable : il nous faut saisir l’amour de Dieu pour nous, afin d’aimer en retour, quelle vérité essentielle sur la repentance ! Merci Jake de nous la rappeler d’une si jolie façon !
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