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Le démarcheur

Par Micheline Boland

Il l’avait déjà contactée plusieurs fois par téléphone. Il avait la parole facile. Il tentait de vendre du vin. Il savait s’y prendre pour évoquer la longueur en bouche et les arômes des produits qu’il proposait.

Dès la première fois, elle lui avait dit qu’il s’adressait à une personne inappropriée parce qu’elle ne buvait jamais d’alcool et ne recevait que très rarement des connaissances, auxquelles elle offrait un verre d’une des deux bouteilles qu’elle prenait soin d’avoir toujours chez elle dans l’éventualité d’une visite inattendue.

Chaque fois, après avoir raccroché, elle priait pour lui. Elle suppliait Dieu de lui accorder la patience nécessaire à la poursuite de son travail et à la mise en valeur d’arguments susceptibles de toucher la clientèle. C’était un élan du cœur comme elle en avait pour des voisins, des membres de sa famille, des relations anciennes, des personnes endeuillées ou encore des nécessiteux, des inconnus qui faisaient la manche ici et là.

De temps à autre, il avait de nouveau tenté sa chance. Il persévérait mettant en évidence les qualités de ses boissons. Elle avait eu alors la même réaction, expliquant que personnellement elle ne buvait que de l’eau et du café, et insistant sur le fait qu’elle accueillait très rarement des connaissances dans son appartement. Elle s’était mise ensuite, sitôt la communication, terminée à prier pour lui.

D’autres se seraient peut-être mis en colère contre cet homme qui perturbait leur activité. Mais elle, elle prenait le temps de s’interrompre, d’éteindre la gazinière ou le fer à repasser si cela était nécessaire et de l’écouter parler de ses produits, de la région viticole où il vivait, voire de ses petits problèmes. Puis après avoir raccroché elle consacrait quelques minutes à prier pour lui afin qu’il développe son commerce avec le souci de maintenir bienveillance et honnêteté dans ses divers contacts.

Un jour, il lui confia que son épouse était décédée, qu’il comptait se retirer dans une résidence-services, mais qu’avant de le faire, il souhaitait lui offrir un cadeau. Elle refusa poliment tout envoi de cadeau. Il insista pour qu’elle prie pour son épouse défunte. Elle accepta volontiers et l’assura qu’elle adresserait également des prières à son intention. Il la remercia pour cette sorte de sympathie désintéressée.

Comme sont insignifiantes nos actions si elles ne sont pas guidées par l’amour, pensa-t-elle ce soir-là, en se préparant à écrire quelques mots dans le carnet où, jour après jour, elle relatait ce qui lui était arrivé d’un peu particulier !

Micheline Boland

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