Enfants

Un bon souvenir 2/3

Liliane n’avait cessé de penser à Madame Héritier. Elle avait demandé de l’aide et elle ne l’avait même pas écoutée… Patrice venait de se faire attraper lorsqu’elle quitta le rocher, n’en pouvant plus de lutter contre sa mauvaise conscience. Tout en s’éloignant, elle entendit comment on l’attachait au sapin. Liliane atteignit rapidement le haut du village. Où pouvait bien habiter cette Madame Héritier ? Liliane s’approcha du chalet le plus proche. Quelques vieux mélèzes poussaient tout près et des branches détachées par l’orage jonchaient le toit. Liliane se pencha vers la boîte aux lettres. La chance lui souriait.
– C’est donc ici qu’elle habite… murmura-t-elle. Et je parie qu’elle cherche quelqu’un pour enlever les branches du toit.
Liliane hésitait. Allait-elle sonner chez cette dame qu’elle ne connaissait pas ? Seigneur Jésus, murmura-t-elle, donne-moi le courage de faire le bien… Finalement, elle se décida. Elle avança vers la porte et appuya sur la sonnette. Bientôt, la porte s’ouvrit et Madame Héritier parut avec son visage défiguré. Liliane se concentra pour regarder son œil gauche, celui qui était normal.
– Bonjour Madame, bredouilla-t-elle.
– Bonjour petite, qu’est-ce que tu veux ?
– Vous… vous aviez demandé de l’aide, tout à l’heure et on ne vous a pas répondu. Je suis désolée.
La dame lui sourit.
– Des branches sont tombées sur mon toit, il faudrait quelqu’un pour les dégager. J’avais pensé aux grands garçons qui vous accompagnaient…
– Je peux aussi vous aider, offrit Liliane.
– C’est un travail trop difficile pour une petite fille comme toi.
– Je ne suis pas si petite que ça ! protesta Liliane. J’ai déjà onze ans !
– Oh pardon, mademoiselle ! s’excusa gentiment Madame Héritier. Ton offre me fait plaisir, viens.
Alors qu’elle s’apprêtait à entrer, elle entendit des pas de course sur la route et se retourna. Elle reconnut immédiatement ses cousins. Salomé accourait vers elle.
– Liliane ! Tu es là !
Puis, se tournant vers son frère :
– Hugo ! Je vais chez Madame Héritier avec Liliane !
– Ok ! répondit-il les mains en porte-voix. A plus tard !!
Salomé rejoignit rapidement Liliane et Madame Héritier. Elle était toute gênée. Les deux filles la suivirent dans son jardin.
– J’ai déjà ramassé les branches tombées dans l’herbe, expliqua-t-elle. Mais j’ai un vertige terrible et je n’ose pas monter sur le toit.
– C’est normal, à votre âge, compatit Salomé.
Madame Héritier rit. Elle avait à peine soixante ans et ne se considérait pas encore comme vieille. Le toit descendait si bas que les deux fillettes pouvaient le toucher de la main. Madame Héritier y appuya une échelle. Salomé et Liliane y grimpèrent, l’une plus lestement que l’autre.
– Faites bien attention ! leur recommanda Madame Héritier. Je n’aimerais pas être responsable d’un accident !
– Promis !
Les deux cousines savouraient le fait de grimper pour la première fois de leur vie sur un toit. Les garçons seraient jaloux. S’ils avaient su en quoi consistait l’aide demandée ! Liliane et Salomé jetèrent par terre les branches de mélèze. Elles unirent leurs efforts pour les plus grosses, faisant toujours très attention où elles posaient les pieds.
– Vous avez un balai ? demanda Salomé en se penchant prudemment par-dessus la gouttière.
– Je vais en chercher un !
Elle leur tendit bientôt un balai de riz et le toit fut à nouveau propre.
– Merci beaucoup !
Madame Héritier rayonnait de reconnaissance.
– Vous m’ôtez bien des tracas.
Elle ausculta le ciel gorgé de nuages et poursuivit :
– Il risque de bientôt pleuvoir… et la pluie aurait amassé toutes les aiguilles et les brindilles dans le chéneau qui se serait bouché. Je peux vous offrir quelque chose ? Un sirop ? Un verre de thé glacé ?
– Avec plaisir !
Liliane et Salomé suivirent Madame Héritier dans la cuisine dont la fenêtre donnait sur la rue. Elles avaient chaud et soif. L’air était lourd et le thé glacé délicieux.
– Bon, on va devoir rejoindre les autres, déclara Salomé en jetant un œil à sa montre.
– Tu as vu ? s’exclama Liliane surprise. On voit Hugo et Xavier par la fenêtre. Ils ont l’air en grande discussion. Ils gesticulent dans tous les sens.
Salomé ouvrit les battants et se pencha à l’extérieur.
– Hugo ! cria-t-elle. Qu’est-ce qui se passe ?
Les deux garçons s’approchèrent.
– Xavier m’a dit que Patrice a réussi à se détacher et qu’il s’est enfui par-là, expliqua-t-il en désignant la forêt qui surplombait le chalet. On va à sa recherche. C’est l’heure de manger.
– Alors on reste encore un moment ici. Passez nous prendre quand vous l’aurez trouvé.
– Je vous laisse le sac du pique-nique, annonça Xavier. On dirait qu’il va bientôt pleuvoir. On ne pourra probablement pas manger en forêt.
Hugo se pencha vers Salomé et lui confia à voix basse :
– Je suis trop déçu ! Je pensais avoir réussi des nœuds à toute épreuve. Il est vraiment trop fort, Patrice.

Les garçons s’en allèrent. Liliane observait avec un peu de tristesse les murs de la maison. Pas de dessins d’enfants, pas de photos de famille… Seules quelques cartes étaient épinglées ici et là sur les lambris. Elle se leva pour les regarder de plus près.
– Vous avez affiché de jolis versets, remarqua-t-elle avec un sourire.
– Merci Liliane. Mais dis-voir, tu connais donc la Bible ?
– Oh oui ! J’essaye de la lire tous les jours.
– C’est mon livre préféré, lui confia Madame Héritier. J’y trouve tant d’encouragements et de consolations…
– Vous savez, avoua Salomé, j’ai toujours eu peur de vous, à cause de… de… enfin, je me suis bien trompée. Je suis désolée.
– Eh oui… nous regardons à ce qui frappe les yeux, répondit lentement Madame Héritier.
– Mais Dieu regarde au cœur, compléta doucement Liliane.
– Oh ! s’étonna Madame Héritier, tu connais ce verset ?!
– Je l’aime beaucoup, expliqua Liliane.
Madame Héritier posa son regard sur cette petite fille à l’air grave. Sans doute connaissait-elle aussi des regards qui font mal… Pendant ce temps, Salomé s’était arrêtée devant une photographie encadrée. Elle y voyait trois personnes dans ce qui semblait être une chambre d’hôpital.
– Vous avez de la famille ? demanda-t-elle.
– Je ne me suis jamais mariée, raconta Madame Héritier. Il ne me reste qu’un frère qui vit assez loin d’ici. Heureusement, il y a l’église ; c’est comme une famille pour moi.
– J’ai cru que c’était votre petit-fils, s’excusa Salomé en désignant le petit garçon de la photo.
Le visage de Madame Héritier s’éclaira :
– Oui, c’est presque ça, sourit-elle.
Elle s’approcha de la photo et la contempla un instant.
– Ce garçon, je l’aime comme mon petit-fils…
Elles furent interrompues par la pluie qui s’abattit soudain avec force, tambourinant sur le toit et s’écrasant sur les vitres. Au loin, le tonnerre grondait.
– Les garçons ne vont pas tarder, remarqua Salomé.
En effet, on sonna bientôt à la porte. C’était Hugo et Xavier. Leurs habits dégoulinaient.
– Et Patrice ? s’inquiéta Liliane.
– On ne l’a pas trouvé, regretta Hugo.
– Il est peut-être rentré au chalet ?
Hugo secoua la tête.
– Non, j’ai été vérifier. Mais il va arriver. Il tombe des cordes et l’orage est là.
Il se tourna enfin vers Madame Héritier. Il se sentait mal à l’aise.
– Je suis désolé pour tout à l’heure, Madame. Je veux bien vous aider, maintenant.
– Liliane et Salomé l’ont déjà fait. Elles ont nettoyé mon toit.
Hugo et Xavier se regardèrent déçus. Ils s’étaient attendus à une aide ennuyeuse et ils avaient raté une occasion fantastique.
– Mais venez au salon, leur proposa-t-elle. Je vous apporterai un linge pour vous sécher et nous causerons un peu en attendant votre ami. 
– On mange les sandwiches ? demanda Xavier.
– Pas sans Patrice ! s’indigna Salomé.
– Hé ! le Rouillé, chuchota-t-il en en pénétrant dans le séjour, nous voilà dans l’antre du dragon !
Hugo le fusilla du regard et mit impérieusement un doigt devant la bouche. Chut ! Liliane les regarda s’en aller. Elle était perplexe. Ça semblait idiot de la part de son frère de s’être enfui alors que le jeu était quasi fini. Et pourquoi ne revenait-il pas malgré l’orage qui faisait rage ? Et… si Xavier avait menti ? Si Patrice était toujours là-bas, près du rocher ? Elle trembla à cette idée. Mais pourquoi Xavier aurait-il fait ça ? se demanda-t-elle. Il n’avait aucune raison… C’est une supposition vraiment grotesque. Je vais aller voir, mais sans rien dire à personne. Je ne veux pas prendre le risque de l’accuser à tort…
Liliane baissa lentement la clenche pour ne faire aucun bruit et ouvrit tout doucement la porte. Elle se glissa à l’extérieur et referma le battant avec les mêmes précautions. Sachant qu’elle allait devoir fournir un gros effort, elle prit l’inhalateur qu’elle gardait toujours dans sa poche et en avala deux grandes bouffées. Elle pria pour que cela suffise pour la préserver d’une crise d’asthme. Voilà, elle était prête. Elle partit en courant sous la pluie battante et l’orage. En un instant, ses habits furent transpercés. Les éclairs zébraient le ciel et les sommets renvoyaient l’écho du tonnerre en un vacarme assourdissant. Liliane frissonna de peur.
Ô Seigneur, supplia-t-elle, où que soit Patrice, protège-le, je t’en prie. Et permets que je le retrouve vite !
Elle grimpait la côte en direction de la forêt en marchant d’un pas pressé et sans cesser de prier. Il lui était impossible de courir dans une telle montée et les bourrasques étaient si fortes qu’elle n’arrivait pas à marcher droit. La pluie cinglante l’aveuglait tant qu’elle craignait de s’égarer. Enfin, elle atteignit la forêt. Le vent hurlait entre les arbres et des craquements angoissants se faisaient entendre à tout instant. Un éclair traversa le ciel et le tonnerre secoua aussitôt la montagne. Presqu’en même temps, un déchirement sinistre se fit entendre, suivi d’un bruit sourd.
L’orage est sur nous, se dit-elle et un arbre vient de tomber ! Je suis folle de venir jusque-là. Et pourquoi Xavier aurait-il abandonné Patrice ici. C’est idiot…
Elle continua cependant et tout à coup elle le vit, toujours attaché au sapin, se démenant comme un forcené pour se libérer et échapper aux dangers de la tempête.
– Patrice ! hurla-t-elle.
– Liliane ! Enfin !
Elle courut vers son frère.
– Liliane ! Pourquoi m’avez-vous abandonné ici ? lui reprocha Patrice la voix tremblante d’effroi.
Liliane pleurait et ses larmes se mêlaient à l’eau qui ruisselait de ses cheveux détrempés.
– Xavier nous a dit que tu t’étais détaché et enfui de l’autre côté.
Patrice laissa échapper un soupir douloureux.
– Il m’en veut donc tant que ça ?
Liliane contourna l’arbre pour essayer de détacher son frère. Elle fut choquée en voyant ses poignets ensanglantés. La cordelette elle-même était rouge et poisseuse.
– Tu essayes de te libérer depuis longtemps ?
Il hocha la tête, mais elle ne le vit pas. C’était d’ailleurs plus une constatation qu’une question…
– Et pourquoi Xavier est fâché contre toi ?
– Je… je te raconterai plus tard. Tu arrives défaire les nœuds ?
– Non, ils sont trop serrés. Et plus tu tires, plus ils se serrent.
– Je sais, mais je n’arrive pas ne pas essayer de me libérer…
– Tu as un canif ?
– Non, je l’ai oublié.
Liliane réfléchit un moment. Elle pouvait retourner au chalet demander de l’aide, mais il lui faudrait au moins cinq minutes pour descendre, puis deux fois plus de temps pour remonter. Il était hors de question d’attendre encore un long quart d’heure avant de sauver Patrice. Des branches s’abattaient autour d’eux et à tout instant ils risquaient d’être atteints.
– Patrice, je vais essayer de trouver une pierre tranchante, mais ce ne sera pas facile…
– On pourrait prier, suggéra-t-il.
– C’est ce que je voulais te proposer.
Liliane se blottit contre son frère et sentit son pouls affolé et sa respiration hachée.
Seigneur Dieu ! Nous te supplions de nous protéger. Fais s’il te plaît que je trouve une pierre pour couper les liens de Patrice.
Ô Jésus
, souffla le garçon, au secours !
Liliane s’éloigna de lui et se mit à fouiller le sol, remuant le tapis de feuilles et d’aiguilles. Pour lutter contre sa terreur, Patrice décida de chanter et entonna un cantique. Aussitôt, il commença à se calmer.
« Ne crains rien je t’aime, je suis avec toi, promesse suprême qui soutient ma foi…»
Liliane leva la tête. Elle ne l’entendait qu’à moitié, mais joignit sa voix à la sienne :
« La sombre vallée n’a plus de terreur, l’âme consolée, je suis avec mon Sauveur. Non, jamais tout seul, non jamais tout seul ; Jésus mon Sauveur me garde, je ne suis jamais tout seul. »
Ils chantaient tous les deux, un peu décalés et pas tout à fait à la même vitesse, car ils ne se comprenaient presque pas tant l’orage était bruyant. Petit à petit, leurs yeux se mirent à briller et ils esquissèrent un sourire.
– Ça y est ! cria soudain Liliane. Je crois que j’ai trouvé !
Elle se précipita vers Patrice, une pierre aux arêtes vives dans la main.
– Surtout, coupe là où il y a le moins à couper, l’enjoignit Patrice. Le but est de partir d’ici le plus vite possible.
Liliane laissa les nœuds tranquilles et attaqua la cordelette tendue entre les deux mains de Patrice. Elle scia de toutes ses forces, fermant à moitié les yeux pour ne pas voir les blessures de son frère. Autour d’eux, le vent redoublait de violence. Un arbre tomba plus haut dans la forêt, puis un deuxième et un troisième. Liliane se dépêchait et Patrice tirait de toutes ses forces. Soudain, la cordelette effilochée céda et Patrice failli perdre l’équilibre. Aussitôt, tous deux s’enfuirent sans oser regarder en arrière. Quand ils furent suffisamment loin de la forêt et relativement en sécurité, Patrice se laissa choir au bord du chemin. Il était secoué de sanglots convulsifs. Il n’avait pas l’habitude de pleurer, mais cette fois-ci, il n’avait ni la force ni l’envie de se retenir. Jamais il n’avait eu aussi peur de sa vie. Liliane aussi pleurait, vaincue par la fatigue, le stress et la peur.
– Bon, on rentre ? demanda-t-il enfin en se relevant.
– On va rejoindre les autres chez Madame Héritier, proposa Liliane. C’est plus près.
– Madame Héritier ? s’étonna son frère. C’est qui ?
– La dame que nous avons rencontrée ce matin et qui a le visage défiguré. En fait, elle est très gentille, tu sais. Salomé et moi on l’a aidée à nettoyer son toit. Des branches y étaient tombées. Et avec cet orage, on est resté chez elle.
– Xavier est aussi là ?
– Il y était quand je suis partie.
– Je ne sais pas ce que je vais lui faire, à celui-là, gronda-t-il en oubliant ses bonnes intentions d’avant. J’ai bien envie de lui casser la figure !
– Tu ferais mieux de lui pardonner et de l’aimer, lui répondit gravement sa sœur.
– Il a failli me tuer ! explosa Patrice. Tu as vu ces arbres qui tombaient ?!
– Je sais, frémit Liliane. Et si tu étais mort, tu serais allé auprès de Jésus puisque tu as la foi et moi je serais restée seule !
– Ah ouais, j’avais pas pensé à ça, reconnut pensivement Patrice. Mais j’ai quand même passé un très mauvais moment et j’ai pas vraiment envie de lui pardonner. Même pas du tout…
– Je comprends…
Patrice poussa un profond soupir et tira sur les morceaux de cordelette qui pendaient toujours à ses poignets écorchés. Un rude combat faisait rage dans son cœur.

Pendant ce temps, au chalet de Madame Héritier, les enfants regardaient tomber la pluie. Xavier semblait pâle et tendu.
– Où est Liliane ? demanda soudain Salomé.
– Elle était là quand nous sommes rentrés, remarqua Hugo. Elle est peut-être aux toilettes.
A cet instant, le fracas du tonnerre se fit entendre tout près. Ils sursautèrent et Xavier se boucha les yeux et les oreilles, se mordant les lèvres. Madame Héritier s’approcha de lui et l’entoura de son bras.
– Tu as peur de l’orage… Viens t’assoir sur le canapé.
Tout en parlant, elle le dirigea vers le coin du salon.
– Je vais faire un feu, cela nous réchauffera.
Elle froissa du papier journal et mit quelques bûches dans l’âtre.
– Salomé ! appela-t-elle. Tu veux bien me passer une boîte d’allumettes ? Il y en a dans le tiroir de la table. J’en ai besoin pour allumer le feu.
A ces mots, Xavier releva un peu la tête. Madame Héritier lui sourit et lui fit même un clin d’œil. Xavier s’enfonça plus profondément dans les coussins. Elle avait tout entendu… quand il la traitait de dragon… quand il prétendait qu’elle crachait du feu… Il se sentait horriblement mal à l’aise. S’il n’avait pas si peur de l’orage, il serait rentré à la maison. Il détestait cette peur irraisonnée… et irraisonnable. Le feu ronflait maintenant dans la cheminée, répandant une douce chaleur et laissant entendre un crépitement réconfortant. Ils s’assirent tous pour regarder les flammes lécher les bûches en une danse joyeuse. Seul Xavier restait prostré.
– On est bien chez vous, apprécia Hugo. Vous êtes notre refuge, merci !
– Où est donc Liliane ? redemanda Salomé inquiète.
– Je ne sais pas, répondit lentement Madame Héritier. Peut-être est-elle allée à la recherche de son frère.
– Alors il faut y aller aussi !
Salomé sauta sur ses pieds.
– Attends ! la calma Madame Héritier. Je pense, poursuivit-elle, que ta cousine est une fille intelligente, qu’elle ne prend pas des risques insensés et qu’elle fait bien attention à elle. Mais où la chercherions-nous ?
– Je ne sais pas, avoua Salomé, à mille lieues de remettre en doute l’intégrité de Xavier.
– Les orages sont violents ici, mais ils ne durent pas très longtemps. Dès qu’il sera fini, si elle et son frère ne sont toujours pas revenus, nous nous mettrons à leur recherche. J’espère seulement que la pluie s’apaisera aussi, ajouta-t-elle plus doucement.
Elle s’adressa ensuite aux trois enfants.
– Ce que nous pouvons faire, par contre, c’est prier.
Hugo et Salomé hochèrent la tête, puis joignirent les mains et baissèrent la tête. Ils adressèrent à Dieu de ferventes prières en faveur de Liliane et de Patrice. Xavier les entendait bien malgré lui et hésitait entre le mépris, la moquerie et l’envie.
– Maintenant, reprit leur hôtesse, pour que le temps passe plus agréablement, je vais vous lire une histoire. Mais pas n’importe quelle histoire ! Elle regarda Xavier. Une histoire vraie. Une histoire qui a changé bien des vies… Et c’est mon histoire préférée !
Madame Héritier alla chercher sa Bible et s’adressa à Xavier.
– Je pense que tu ne connais pas Jésus…
Il se redressa un peu.
– Oh ! Tu en as sûrement entendu parler ici où là, mais ce n’est pas la même chose !
Madame Héritier se mit à raconter, alternant lectures et résumés. Les enfants furent rapidement captivés par l’intensité de sa voix et restaient pendus à ses lèvres. Xavier lui-même se détendit et se laissa porter par les récits qu’il entendait pour la première fois. Il y découvrait Jésus, le Fils de Dieu. Jésus avait le merveilleux pouvoir de pardonner les péchés et de guérir les malades et il était toujours occupé à faire du bien. Xavier écoutait avec admiration et un peu d’incrédulité les récits des nombreux miracles que Jésus avait faits. Puis il comprit avec tristesse que la bonté et l’amour de Jésus lui attirait des ennemis acharnés. Xavier espérait ardemment qu’il en sorte vainqueur. Mais non ! Il n’allait quand même pas se laisser faire ! Pourquoi donc Jésus ne se défendait pas contre ceux qui voulaient le tuer ? Bientôt il serait trop tard !

La porte d’entrée s’ouvrit et Patrice et Liliane entrèrent sans que personne ne les remarquât. Du salon, ils entendaient une voix qui lisait ces mots :
– Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé le Crâne, ils crucifièrent Jésus là, ainsi que les deux malfaiteurs ; l’un à droite, l’autre à gauche. Jésus dit : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
Patrice se figea. Il savait maintenant ce qu’il allait faire. Jésus avait pardonné à ceux qui lui faisaient du mal. Il voulait faire comme lui.

4 réflexions au sujet de “Un bon souvenir 2/3”

  1. Wouaah!!! J’ai même fait couler une goutte de larme quand je lisais cette histoire.
    Vraiment vous avez un don incroyable!

    Vous écrivez trop magnifiquement et vous enchaînez des idées ingénieusement.

    Allez toujours de l’avant!

    Aimé par 1 personne

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