Babylone·Dimitri Plogrov·Théâtre

Dimitri Plogrov – Acte II (3)

Acte II

Scène III

BAFANOV – YVONNICK – PLOGROV – ROSENFELD

PLOGROV

Grand Rabbin d’Israël, à vous la bienvenue.

ROSENFELD

Que la grâce de Dieu vous descende des nues.

PLOGROV

Avez-vous visité la divine cité ?

ROSENFELD

Divine, Allons ! Ce titre a-t-elle mérité ?
La ville élue de Dieu, c’est la montagne sainte.
C’est Sion. L’Éternel y posa son empreinte.
C’est la ville de paix, du Seigneur, de ses oints,
C’est la ville éternelle.

PLOGROV

                                   Ne nous querellons point.
Admirez Babylone, superbe métropole
Dominant tous les rois de la terre, un symbole.
Savez-vous, Grand Rabbin, qui je suis ?

ROSENFELD

                                                           Dimitri…

PLOGROV

Je suis Nimrod le grand, de tous les dieux chéri.

ROSENFELD

Je crois en un seul Dieu, je ne sers qu’un seul maître.

PLOGROV

Quelle rébellion iriez-vous-là commettre !
Les peuples révoltés levant leurs poings au ciel
Rassemblent leurs canons pour briser Israël.
Croyez-vous que ce Dieu qu’on nomme « des Armées »
Seul vous protégera. De colère animées,
Les nations liguées resserrent leur étau,
Les perfides goïm aiguisent leurs couteaux.
Impuissant campagnol, voyez-vous les rapaces
Tournoyer dans l’azur ? Bec et serres ! menaces !
Je suis votre messie, point de contestation.
Je vous protégerai contre ces nations.

ROSENFELD

Depuis cinq millénaires toute l’orthodoxie,
Patriarches, prophètes aspirent au Messie.
N’êtes-vous pas natif, maître, de Bethléem ?

PLOGROV

Non, je ne le suis point, ni de Jérusalem.

ROSENFELD

À mon plus grand regret, le prophète Michée…
Son message est précis, notre affaire est tranchée.
Vous êtes mauvais scribe, il vous faut l’avouer.

PLOGROV

Yvonnick, mon trésor, c’est à toi de jouer.

YVONNICK

Rabbi, regardez-moi, j’ai trois mots à vous dire.
J’ai reçu le pouvoir de perdre et de séduire.
Toute votre sagesse, vieillard prétentieux,
Chavire et fait naufrage dans les flots de mes yeux.
Gare aux féroces crocs ! Gardez-vous de la chienne !

ROSENFELD

Tu ne laisseras pas vivre la magicienne.

YVONNICK

Magicienne d’En Dor, Saül en mon pouvoir !
Captive est ta pensée, ton esprit dans le noir.
Sous les forces obscures ton âme devient folle.

PLOGROV

Écoute bien de moi ce que dit la Parole :
Ô portes éternelles élevez vos linteaux !
Voici le Roi vêtu de l’impérial manteau.
Voici le Roi de gloire, l’Éternel des Armées,
Que dans la cité sainte il fasse son entrée.
Il est question de moi dans la prédiction.
Je marche vers le trône, j’en prends possession.
Il est encore écrit dans le Psaume seizième :
Tu ne permettras pas que l’âme que tu aimes
Périsse et que son corps voit la corruption.
David parle de moi, point de contradiction !

En effet, je mourrai de blessure mortelle
Et ressusciterai pour la gloire éternelle.

ROSENFELD

Vous êtes le Messie, sans contestation.

YVONNICK

Était-ce difficile ?

PLOGROV

                         Il paraît qu’en Sion
Vous avez fort à faire à deux énergumènes.

ROSENFELD

De sacs leurs dos vêtus, étranges phénomènes !
Prophétisant toujours au nom du Tout-puissant
Bouches crachant le feu, les sources tarissant
Ne donnent plus que sang, effroyable breuvage !
Nul ne peut arrêter des témoins les ravages.
Moïse, Élie, tels sont les noms qu’ils ont volés,
Inspirant la terreur au peuple désolé.

PLOGROV

Fondez-vous sur Nimrod, imprenable muraille,
Je vous délivrerai, moi, de cette racaille !

J’apporte à votre peuple un océan d’espoir.
Vous êtes mon convive, invité de ce soir ;
Quand nous aurons conclu mon traité d’alliance,
Il vous reste à signer, tout était prêt d’avance,
Israël et Nimrod, armés du bras de Dieu
Écraseront du pied les peuples odieux.
Je vous prête Yvonnick, la nymphe désirée
Qui vous fera passer d’agréables soirées.
Mais l’ouvrage d’abord ! Voyons ce document.
Passons dans mon bureau et signons promptement.

(Sortent Plogrov, Bafanov et Rosenfeld. Yvonnick reste seule, puis, entrent Apollos, Théophile et Priscille, sans voir Yvonnick.)

Scène IV

YVONNICK – APOLLOS – THÉOPHILE – PRISCILLE

PRISCILLE

J’ai si peur !

THÉOPHILE

                 Moi aussi !

PRISCILLE

                                  Lieux maudits ! Partons vite !

APOLLOS

Nous étions convaincus, maintenant tu hésites ?

PRISCILLE

Trouverons-nous ici la gloire des martyrs ?
De cette Babylone, enfin, je veux sortir.
Faut-il se prélasser sur la visqueuse plante ?
Sur la lèvre baiser la sournoise népenthe,
Sucer le suc mortel du traître drosera ?

APOLLOS

Nous voici tous en place, pour le reste, on verra.

YVONNICK

Puis-je vous renseigner ? Que faut-il pour vous plaire ?

APOLLOS

Nous cherchons le patron.

YVONNICK

                                     Je suis sa secrétaire.
Le maître est occupé, mais j’ai votre dossier ;
Ne vous inquiétez pas, je l’ai bien étudié.

PRISCILLE

Qu’elle est jeune !

YVONNICK

                          Seize ans ; mais aux femmes bien nées
La vigueur n’attend pas le nombre des années.
Pour seconder Plogrov je suis à la hauteur.

THÉOPHILE

Vous êtes cultivée, connaissez vos auteurs.

YVONNICK

Pour embellir encore la somptueuse ville,
Babylone a besoin de bâtisseurs serviles,
Myriades dociles, affranchis serviteurs.
Je devrais dire : esclaves.

PRISCILLE

                                     Oh ! Ce mot me fait peur !

YVONNICK

Leurs boulets sont légers, point de fouets ni de chaînes,
Mais je sais, par l’esprit mener cette gangrène.
Nous avons engagé manœuvres à foison
Mais pour les insoumis bâtissons des prisons.

PRISCILLE

(à Apollos)

Partons d’ici !

THÉOPHILE

(à Apollos)

                   Allons-nous-en !

YVONNICK

                                          Comment ? Vous dites ?
Vous quittez la partie quand le roi vous invite ?
On ne décline point son offre, mes amis.
Il ne retire pas ce qu’il vous a promis.
Il faut des ingénieurs et c’est ce que vous êtes,
Et bien d’autres métiers. Votre fortune est faite.
Plogrov vous a choisis sur huit cents candidats ;
Il sait récompenser ses fidèles soldats.
Aujourd’hui guerre et peur, tempêtes et tonnerre
Pollution mortelle et tremblements de terre,
La nature elle-même, sur l’univers entier
Crache toute sa rage ; le veut-elle châtier ?
Les peuples en révolte, exaltés de colère
S’égorgent à plaisir ; sociétés sanguinaires !
Chez nous, dans ces jardins à l’ombre des palais
On circule sans arme et chacun vit en paix.
Malgré l’immensité de la superbe ville
On vit sans violence et sans soucis, tranquille,
Car l’esprit du grand roi, sur les siens élevé,
De toutes ces terreurs il nous a préservés.

Allons ! N’hésitez plus, l’occasion est belle,
Tout est sécurité, bien blottis sous son aile…
Suivez-moi ! Et signez !

(Entre Bafanov.)

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© 2022 Lilianof

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