Poésie·Recensions·Recueil de poèmes

XVI – Pour toujours reine de Narnia

Si tu traverses de l’eau, je serai moi-même avec toi ; si tu traverses les fleuves, ils ne te submergeront pas. Si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras pas et la flamme ne te fera pas de mal.
Esaïe 43.2

– Sire, dit Tirian après les avoir tous salués, si j’ai bien lu les chroniques, il devrait y en avoir une autre. Votre Majesté n’a-t-elle pas deux sœurs ? Où est la reine Susan ?
– Ma sœur Susan, répondit-il brièvement et avec gravité, n’est plus une amie de Narnia.
– Oui, dit Eustache, et chaque fois que vous avez essayé de la faire venir pour parler de Narnia ou faire quoi que ce soit concernant Narnia, elle a dit : « Quelle merveilleuse mémoire vous avez ! C’est amusant que vous pensiez encore à tous ces drôles de jeux auxquels nous jouions quand nous étions enfants. »
– Oh ! Susan ! dit Jill. Tout ce qui l’intéresse à présent, ce sont les bas de Nylon, les rouges à lèvres et les invitations. Elle a toujours été une belle plante trop impatiente de devenir adulte.
Lewis, C. S., La dernière bataille, Chapitre 12

Très chère Susan,

L’autre soir, comme à mon habitude, je suis allé retrouver mon meilleur ami dans le grand parc, près du Pin noir. Si tu voyais cet arbre ! Avec son large tronc, ses énormes branches tordues et ses creux profonds, on dirait un géant qui va se mettre à marcher. Bref, cet ami m’a récité un joli poème de sa composition, qui commence ainsi : 

« Tout ce qui est or ne brille pas ; tous ceux qui errent ne sont pas perdus… » (1)

Qu’en penses-tu ? Cela m’a fait penser à ma propre histoire, tu sais. Je n’ai pas toujours brillé et j’ai longtemps erré. Chaque fois que je regardais le portrait de mon vieux père au-dessus de la cheminée, je repensais à mon enfance. Aslan était partout dans la vie de mes parents (je les entends encore me réciter les poèmes du retour et ceux des lamentations…). C’était de fidèles faunes qui s’efforçaient de marcher avec droiture. Pas un seul instant, je n’aurais imaginé remettre en question ce que j’entendais. Bien plus, je parlais régulièrement avec Aslan, comme on parle avec un ami. Je mettais moi aussi mes sabots dans ses traces…

Mais, vois-tu, je me suis détourné malgré tout. J’ai commencé à penser que tout cela n’était que des histoires pour endormir les enfants. Des histoires inventées, empruntées au monde des rêves. Je ne croyais plus à rien. Aujourd’hui, quand je repense à cette saison de ma vie, je comprends qu’elle était nécessaire. C’était pourtant une période de terribles souffrances, le savais-tu ? Mon père est mort dans un accident dramatique (il m’en reparle souvent, ici, au pays d’Aslan) et j’ai été envoyé ensuite dans une horrible pension pour faunes.

Cependant, je le sais maintenant, toutes ces souffrances ont préparé le réveil de mon âme engourdie. L’arrivée de Lucy fut comme un souffle de ta corne magique : fort et terrifiant comme le tonnerre, mais doux comme la musique sur l’eau. Son éclat (Lucy veut dire lumière) a percé les nuages de mon âme, et c’est pourquoi j’ai fait brusquement demi-tour (j’ai écrit un poème à ce propos, je voudrais bien te l’envoyer).

La souffrance ne rend pas aveugle, c’est un acte de Grâce. Seule la fourberie du cœur peut fermer les yeux de quelqu’un (comme le nain Diggle qui s’est construit sa propre prison). Si Aslan s’était vraiment manifesté quand j’étais au plus bas, je l’aurais reconnu. Mais il ne l’a pas fait. Il est resté silencieux et c’était en fait sa façon de parler. C’était le seul chemin possible pour devenir la personne qu’il voulait que je sois. 

Susan, ma chère Susan, ton histoire est en train de s’écrire. Je sais que tu as l’impression de traverser le Grand Désert au nord de Calormen. Mais le Lion d’or t’aidera à le traverser. Souviens-toi de ce qu’Il a dit lors de ton couronnement :

« Celui qui est une fois roi ou reine à Narnia l’est pour toujours.»

Tes larmes, lorsqu’Aslan est mort devant tes yeux, ce n’était pas un rêve. Et te souviens-tu quand nous avons échappé ensemble à ce prétentieux Rabadash ? C’était vrai. Ce que tu vois dans ton monde n’est qu’une ombre, comme dans cette histoire que tu étudies à l’école, la caverne de Platon. Bientôt, quelqu’un retrouvera ta corne magique et soufflera dedans pour que tu viennes nous rejoindre. Ce n’est qu’une question de temps. Nous t’attendons.

A bientôt, affectueusement,

Maître Tumnus

(1)  J. R. R. Tolkien, La Communauté de l’Anneau


Vous venez de lire un extrait de mon premier recueil de poèmes, intitulé La Grâce au pays de Narnia. Je vais le publier en entier sur les pages de Plumes Chrétiennes, à raison d’un poème par semaine.

Lire : Préface et sommaire « La Grâce au pays de Narnia »

Ce livre existe aussi en version papier, dans un version soignée et agréable à lire. Vous pouvez vous le procurer sur Amazon dans tous les pays.

Image d’illustration : Susan, Le prince Caspian, film Disney et Walden Media, 2008

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