Scène IV
NAZAR – JÉRED (cachés) – MYRIAM
MYRIAM
Chantez, chantez
Qu’il soit exalté
Car il est le Dieu de nos pères.
Louez, louez
Le Dieu d’éternité
Des prodiges il opère.
Il est notre grand guerrier.
Il est notre bouclier.
Pour un anneau d’argent toujours on se querelle,
Et compter, recompter cette noble vaisselle.
Toujours, dans la balance, on pèse les couverts :
Et pour qui la fourchette ? Et pour qui la cuiller ?
J’en suis lasse et préfère écouter la nature,
De l’oiseau la chanson, du ruisseau le murmure.
N’est-il d’autre valeur que l’argent et que l’or ?
Pour ces futilités on s’éventre et se mord.
Ce monde de brigands, depuis ma chère enfance
Ne m’a rien enseigné que meurtre et violence.
Je voudrais m’évader, prendre de la hauteur,
M’approcher de ce Dieu qu’on nomme créateur.
Je ne connais hélas ! que les pâles idoles,
Ces veaux d’airain fondu, ces Ashères frivoles.
Il est un autre Dieu que ces dieux de métal,
Ces Molochs, ces Kémoschs, ces Milcoms et ces Baals,
Ces statues qu’à la force des bras on renverse,
Ces encens sur l’autel que la brise disperse.
Ce ne sont ces dieux-là qu’il me faut élever.
Il est un Dieu vivant et je le veux trouver,
Car la vie me déçoit, mon cœur est morne et vide.
N’est-il en ce pays quelque homme qui me guide ?
Oui ! Bien sûr ! Ce vieillard : le prophète Asaël !
Qui connaît mieux que lui le Seigneur Éternel ?
Courons le retrouver. Entreprise inutile !
Le ministre du ciel, marchant de ville en ville
Porte de place en lieu le message certain
Aux bergers solitaires, vers les peuples lointains.
Que dois-je croire, hélas ! de son étrange oracle ?
Mon père servant Dieu ? Ce serait un miracle !
Nouveau juge choisi pour sauver Israël !
Dieu s’encombrerait-il d’un spadassin cruel ?
Il faut être très saint pour vivre à son service
Et mon père n’a point le profil de l’office.
Oublions tout ceci ! Que sert-il d’en parler ?
Qu’aurai-je de profit à tout lui révéler ?
Me voici donc meurtrie par mes incertitudes.
Et si Dieu me parlait dedans ma solitude ?
Que dirait-il ? Seigneur, vois, je n’ai pas la foi,
Et pourtant, tu es Dieu par-dessus tous les rois.
Que faut-il que je fasse pour un jour te connaître ?
Dois-je changer de peau, comme un serpent renaître ?
Es-tu si loin de moi ? Dis-moi si tu m’entends.
Ô réponds à ma voix. Oui, parle-moi. J’attends.
NAZAR
Quoi ? Les dieux pourraient-ils bénir cette vipère ?
JÉRED
Elle est plus belle encore quand elle est en prière.
NAZAR
Vouloir parler à Dieu ! Mais quel projet royal !
Je la ferai tomber sous la dent de Bélial.
(Jephté et ses trois complices sortent de la maison.)
Scène V
NAZAR – JÉRED (cachés) – MYRIAM – JEPHTÉ – ABINAËL – NOAM – MALEK
JEPHTÉ
Enfin ! Je suis servi de sbires incapables !
Quoi ? Ces colifichets étalés sur la table
Ne méritent point tant de sang et de sueur.
Pour un maigre butin que de peine et de pleurs !
Mon cœur est abattu d’amertume et d’absinthe.
MYRIAM
Il vaudrait mieux creuser au pied du térébinthe.
JEPHTÉ
Quoi ?
MYRIAM
Parmi ces racines, mon père bien aimé,
Déterre de ta main ce qu’on y a semé.
MALEK
Elle ment.
JEPHTÉ
Quelle est donc cette infâme traîtrise ?
Osez-vous, débauchés, par votre convoitise,
Me voler de la sorte et tromper…
MALEK
Elle ment.
MYRIAM
J’étais assise à la fenêtre, garnements !
Et je n’ai rien perdu de votre manigance.
JEPHTÉ
Or ça, félons ! Voici le prix de votre offense.
(Jephté tire l’épée et poursuit ses complices qui fuient. Myriam fait un croc-en-jambe à Noam qui s’étale. Jephté le maîtrise et le lie au térébinthe.)
JÉRED
Partons d’ici. Ça chauffe et pourrait mal finir.
NAZAR
Pour un coupe-jarret quel funeste avenir !
JEPHTÉ
Mon enfant, ce scandale est une réussite.
MYRIAM (à part)
Je ne serai jamais qu’une fille maudite.
NAZAR
Toi, va-t’en si tu veux vers ton foyer, couard !
Mais j’aurais quelques mots à dire à ce pendard.
(Sort Jéred.)
MYRIAM
Mon visage rougit. Mon ignoble attitude !
Allons chercher la paix au fond des solitudes.
(Sort Myriam.)
© 2024 Lilianof
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Magnifique tirade de Myriam !
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Merci
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