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Tâtahouyne, chaos ou espoir ?

 Défi d’écriture #27 : écris la ville

Là-bas, au pied du volcan endormi, Tâtahouyne surgit soudain d’une méga-bulle de brouillard épais et grisâtre.

Tâtahouyne : cité recherchée par les exilés en quête d’un refuge pour échapper à la sombre nuit, aux bêtes sauvages, aux criminels. Ici vivent des hommes de toutes tribus, toutes langues, toutes nations. Ici, les réfugiés peuvent se trouver une petite place, rassembler leurs miséreuses solitudes meurtries affamées d’amour, se baisser pour ramasser des miettes de paix et de douceur de vivre. Du moins, le croient-ils…

Parce que Tâtahouyne est une ville orgueilleuse, un lieu de vies délabrées, égoïstes et arrogantes où l’on tente d’échapper à Dieu, et à l’autre, par tous les moyens. Tous.

Ici aussi le pouvoir s’acquiert par la force et la ruse, par la violence avide de plaisirs éphémères, de profits vite faits. Incendies de voitures ; destruction d’abris-bus ; tags sinistres sur les murs ; pillages de magasins ; racket des passants. Des fumées malodorantes s’élèvent des rues…

Enfermées dans un labyrinthe d’egos multiples, des hordes, soumises à l’unique loi de leurs pulsions, se déchaînent en beuglant, violant et tuant.

Fiévreux, à grand renfort de gémissements douloureux, un vieux chien cherche son maître bien aimé à travers rues et ruelles étroites.

Les dévastateurs dénués d’empathie vivent en troupeaux. Peut-être pour se donner du courage, ou témoigner leur valeur.

Haletant, la truffe rasant le bitume, la queue basse, le vieux chien erre entre les voitures calcinées, les poubelles éventrées, les ordures, les bouts de verre éparpillés.

Privés de sentiment, de tout ce qui fait d’un homme un humain, les barbares sont à l’affut, crayonnant un scénario pour exprimer librement leur soif.

Tandis que le vieux chien zigzague entre les obstacles, la meute humaine est prête. Ses désirs se succèdent, tel un marteau qui frappe inlassablement l’enclume. Nul ne se pose la question fondamentale de son existence.

Alors alarmes et vidéo-surveillance s’affolent. Perdent le contrôle, subitement incapables de garantir la survie de l’humanité. Chantent sirènes ! Tournent et tournent gyrophares aveuglants. Policiers-robocop. Pompiers empressés.

Un œil se risque à une fenêtre. La peur est partout ; dehors ; dedans ; dans les esprits ; partout.

L’homme est tantôt un homme parmi les autres, tantôt un animal. Regard vide. Crocs acérés. Il vocifère : « Ce qui t’appartient, je le veux ! En le voyant dans ta main, il me devient vital ! »

Mini citadine. Scooter. Portable ou cornet de glace changent de propriétaire. Pas de cri. Pas un mouvement. Tout le monde tremble. Personne ne risque sa vie pour un bouquet de fleurs ; surtout s’il ne lui appartient pas. Chacun pour soi et Dieu pour celui qui Lui fait confiance !

La nuit recouvre Tâtahouyne. La cloche d’une église sonne vingt heures. Quelques lampadaires éclairent timidement le retardataire qui presse le pas, fébrile. Être aperçu vivant est périlleux.

Le vieux chien cherche son maître. Il ne le trouve pas.

Et là, perçant le brouillard, au milieu d’une forêt de fantomatiques tours bétonnées, glaçantes, un fil de lumière éclaire un minuscule jardin. Là, un vieux, très vieux jardinier, dos vouté, front ridé, doigts tordus par de douloureux rhumatismes, sème à la volée des graines qu’il puise inlassablement dans un grand livre ouvert.

Quelques larmes en prières, quelques sourires de foi puis, en plein cœur de Tâtahouyne qui s’étire, s’épanouissent ça et là quelques fleurs de l’espérance…

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