Acte V
Décor du premier acte. La statue de l’idole renversée est envahie par la végétation. Un bûcher est dressé.
Scène première
OTHMAR – OREM – Villageois
OTHMAR
Voyez, j’ai du cumin, du thym, de la cannelle.
N’avez-vous jamais vu de figues aussi belles.
Et ces melons ! Goûtez !
OREM
Vos produits sont mauvais.
Ces melons sont trop mous. Faites donc un rabais.
OTHMAR
Vous protestez toujours, l’ami, je dois vous dire…
Voulez-vous du parfum, de l’encens, de la myrrhe ?
Voici de mon troupeau le mouton le plus blanc
Car c’est jour d’holocauste, et le premier de l’an.
Quel dieu révérez-vous ? Éloïm ?
OREM
Que t’importe ?
Marchand, vas-tu longtemps m’agacer de la sorte ?
Je roule pour Moloch et j’ai donné mon fils,
À brûler dans la fonte et ce don me suffit.
OTHMAR
Dans cette statue-là ?
OREM
Que Moloch nous préserve !
Nazar a, c’est heureux, quelques dieux en réserve.
OTHMAR
Est-ce pour Baal-Péor, pour Milcom ou pour rien ?
Est-ce pour l’Éternel ? Je ne sais plus très bien.
Qu’importe la statue et qu’importe l’idole,
Pour le vœu d’un vieux fou une vierge on immole.
OREM
Un vieux fou ?
OTHMAR
Oui, Jephté. Ne l’as-tu pas appris ?
Il sacrifie sa fille. La victoire a son prix.
OREM
Plus cher que tes melons !
OTHMAR
En parlant de commerce,
J’ai aussi des manteaux et des tapis de Perse.
Ne veux-tu vraiment rien offrir à tous ces dieux ?
Chacun aura sa part et j’en suis tout joyeux.
C’est un jour où ceux-ci nous seront favorables,
Guérissant les lépreux, absolvant les coupables.
(Entrent Jéred et Nazar.)
Scène II
Les mêmes – JÉRED – NAZAR
OREM
Vois mon ancien ami, et comme par hasard,
À chaque instant flanqué du sinistre Nazar.
Depuis déjà longtemps ces deux-là sont complices.
JÉRED (montrant le bûcher à Nazar)
Voici, mon cher Nazar, un fort bel édifice,
Un solide échafaud, tout de chaume et de bois,
On le croirait bâti pour accueillir un roi.
NAZAR
Une reine plutôt ! Les démons nous l’envoient.
Oh ! Jour de ma vengeance ! Elle meurt, quelle joie !
Mon cœur survivra-t-il à telle émotion ?
La ruse s’accomplit selon ma vision.
Ce soir, sur ce bûcher montera cette belle,
La lanceuse de pierre, insolente et rebelle.
Où sera son orgueil propre à me mépriser ?
J’imagine déjà ses yeux terrorisés.
Myriam, je te verrai hurlant parmi les flammes,
Ta douce peau grillant dans une odeur infâme.
À toi l’horrible mort, à moi la volupté.
Ainsi mourra Myriam, la fille de Jephté.
JÉRED
Tu as fort bien creusé la fosse avec sa trappe,
Mais dans ton stratagème une chose m’échappe :
Les dieux ont-ils pour toi écrit dans leurs cahiers
Que la belle Myriam sortirait en premier ?
NAZAR
Cette conclusion me paraît évidente :
Qui donc, avec amour, attendait dans la tente ?
Un esclave ? Un soldat ? Ou bien son cuisinier ?
Ou son valet de chambre, ou son palefrenier ?
L’enfant impatient court embrasser son père.
Qui donc serait sorti, hormis cette vipère ?
(Zakan et Jephté entrent discrètement et se tiennent à l’écart.)
© 2024 Lilianof
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