Jephté·Rois, Soldats et Prophètes·Théâtre

Jephté – Acte V (2)

Scène III

Les mêmes – ZAKAN – JEPHTÉ

JEPHTÉ

Soutenez-moi, mon fils, car je vais défaillir.

ZAKAN

Hélas ! Pour la sauver, que ne puis-je périr ?

JEPHTÉ

Que fait l’ami Jéred avec ce misérable,
Lui qui m’a conseillé dans ce choix lamentable ?
Ne m’a-t-il pas trompé, le coquin ?

ZAKAN

                                                           J’en ai peur.

JEPHTÉ

Oh ! Quel aveuglement ! Quelle horrible torpeur !
Dieu voulait-il vraiment que ce bel enfant meure ?

ZAKAN

Il faut la délivrer du serment dès cette heure.

JÉRED

Quoi ? Vous déraisonnez ! Peut-on reprendre à Dieu
Ce qu’on a devant lui dévoué par un vœu ?
Quel châtiment pour toi te vaudrait ce parjure,
On te lapiderait pour pareille imposture.
Chaque mot prononcé face au ciel est sacré
Et l’on dit qu’il faut boire quand le vin est tiré.

JEPHTÉ

Scélérat !

ZAKAN

              Prend courage et fais-lui confiance
Car Dieu contrôle tout, même en cette occurrence.
Au bienheureux séjour Myriam vivra demain.

JEPHTÉ

Mais vois ce prêtre impie qui se frotte les mains.
Il triomphe, le porc, l’Éternel le confonde !
Myriam l’aurait tué d’un caillou de sa fronde
Et lui aurait coupé l’envie de persifler.
On n’aurait entendu que la pierre siffler.
Mais le maudit coquin ne perd rien pour attendre,
Dans l’enfer ne sera qu’un léger tas de cendre.

NAZAR

Mais que fait la donzelle que nous attendons tous ?
Aurait-elle oublié qu’elle avait rendez-vous ?

JÉRED

Un tel événement ? Faut-il être distraite !
Vous verrez qu’un beau jour elle oubliera sa tête.

NAZAR

En fuyant loin d’ici, elle espère échapper.
Bien malin qui pourra maintenant l’attraper.

JÉRED

Elle est enfin venue cette ultime journée,
Après avoir couru deux mois de randonnée
Où célébrant le deuil de sa virginité,
Ce jour, dis-je, d’entrée dans la postérité ?

NAZAR

Elle ne viendra pas. Crois-tu qu’elle soit folle ?
Se livrer à la mort en tenant sa parole,
À l’instant convenu qu’elle vienne céans,
Avec son œil perfide et son air innocent,
Réjouie de penser que la mort va la prendre,
Disant : pardonnez-moi, je me suis fait attendre ?
Nous avons préparé ce beau décor en vain.
Elle ne viendra pas. C’est frustrant, mais enfin…

JEPHTÉ

Ils veulent voir Myriam se tordre dans les flammes
Et vont se régaler de la mort d’une femme.
Ma fille ne va pas leur donner ce plaisir,
Ce spectacle hideux, elle ne veut l’offrir.
Elle ne viendra pas. L’aurait-on enlevée ?
Au Seigneur je dirai : je ne l’ai pas trouvée.
Va, Myriam, vis ta vie loin de ces mécréants.
Ne livre pas ton corps en pâture aux méchants.

(On entend la voix de Myriam.)

© 2024 Lilianof

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