Jephté·Rois, Soldats et Prophètes·Théâtre

Jephté – Acte V (4)

Scène V

Les mêmes – ASAËL

NAZAR

Voici tout à propos le pompier de service,
À jamais malvenu pour troubler mes offices.
Vous devriez pourtant me bénir, Asaël,
Car cette vierge-ci brûle pour l’Éternel.
C’est Jephté, ce héros, qui nous l’a confiée
Afin qu’en holocauste on l’ait sacrifiée.
Cet homme a fait un vœu, il doit l’exécuter.

ASAËL

J’ai eu vent de ce fait, la fille de Jephté
Serait offerte à Dieu, incroyable pensée,
Pour de vaines paroles sottement prononcées.

JEPHTÉ

Ce désastre, Asaël, s’est ainsi déroulé.
Hélas ! de cet enfant le malheur est scellé.

ASAËL

Comment donc ?

JEPHTÉ

                           Se peut-il que ma foi je renie ?

ASAËL

Tu la renies bien plus par cette ignominie.
N’est-il donc pas écrit dans la Sainte Torah :
« Ta fille ou bien ton fils jamais ne passera
Par la flamme et le feu » ? Oui, c’est une infamie.
En l’honneur de leurs dieux les tribus ennemies
Ont commis ces horreurs, abominations.
Garde-toi d’imiter les proches nations
Car c’est pour ces péchés qu’elles furent chassées.
Vois donc où t’a mené ta conduite insensée.

JEPHTÉ

Asaël, je répands la cendre sur mon chef,
Déchirant devant toi mon habit derechef.
Ainsi je me repens d’un cœur pur et sincère.
Hélas ! il est trop tard. Notre Seigneur et Père
D’annuler ce projet n’a-t-il pas le moyen ?
Lui qui toujours, dit-on, change le mal en bien.
Asaël, réponds-moi, parle, je t’en supplie !

ASAËL

L’Éternel connaît bien des hommes la folie,
De ceux qui comme toi parlent sans réfléchir.
Contre un simple rachat, tu le feras fléchir.

JEPHTÉ

Un rachat ? Qu’est-ce donc ?

ASAËL

                                           Dieu nous dit dans son livre
– Sois attentif, Jephté, à ces mots qui vont suivre –
« Si pour une personne on aura fait un vœu,
On fixera son prix en accord avec Dieu,
Tu la rachèteras pour le prix d’une offrande. »

JEPHTÉ

Je suis prêt à donner tout ce qu’il me demande.

ASAËL

« Si c’est pour une femme, trente sicles d’argent. »

JEPHTÉ

Trente sicles d’argent ? J’en veux donner cinq cents !

ASAËL

(à Myriam et Zakan)

Descendez tous les deux de l’ignoble édifice
Car je veux vous parler d’un autre sacrifice.
Je veux vous présenter le rédempteur divin.
Sans lui, pour nous sauver, nous lutterons en vain.
On n’achète pas Dieu par des dons périssables,
Car l’argent comme l’or ne sont que glaise et sable.
Le Messie attendu, l’Ange de l’Éternel,
Le serviteur promis pour sauver Israël,
Bénir les nations, paraîtra dans ce monde,
Il donnera sa vie pour des pécheurs immondes.
De l’infâme tombeau il ressuscitera.
Alors, sur tous les peuples, un jour il régnera
Jusqu’à la fin des temps.

JEPHTÉ

                                   Incroyable science !
Puises-tu dans la Loi pareille connaissance ?

ASAËL

Son Esprit m’a donné la révélation.
Des prophètes sacrés auront des visions.
Nous n’immolerons plus d’innocentes victimes :
Il versera son sang pour le prix de nos crimes.

MYRIAM

Pourrais-je imaginer qu’un Dieu meure pour moi ?
À peine mourrait-on pour secourir son roi !

ASAËL

C’est ainsi que ce roi te montre comme il t’aime.
Descends de ce bûcher. Il t’offre un diadème.
De même à toi, Zakan, il donne son amour.
Et toi, Jephté, reçois son pardon sans retour.

(à Myriam)

Pour toujours, à Zakan, offre ta main, la belle
Et promets devant Dieu de lui rester fidèle.

MYRIAM

Je promets devant Dieu.

ASAËL

(à Zakan)

                                     Et toi, noble héros
Qui pour ton grand amour fus ton propre bourreau,
Reçois la jolie main de cette enfant ravie
Et promets-moi d’aimer Myriam toute ta vie.

ZAKAN

Je te donne mon cœur. Partageons notre foi.

ASAËL

Maintenant, dispersons ce vilain tas de bois.

NAZAR

Quel malheur ! Quel affront ! Ô dieux ! Quelle infortune !

JÉRED

Allons-nous-en d’ici. Elle va t’en mettre une.

© 2024 Lilianof

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Note de l’auteur

L’épisode biblique de la fille de Jephté donne du fil à retordre à bien des exégètes. Il nous paraît difficile d’admettre que Jephté, ou Jephthé, qui obéissait à Dieu, ait pu offrir un sacrifice humain alors que la loi l’interdit de façon péremptoire. On a essayé d’interpréter l’événement de façon détournée : la jeune fille n’aurait pas été sacrifiée, mais consacrée, comme le fut plus tard le jeune Samuel. Cependant, une herméneutique honnête nous permet difficilement d’admettre cette explication. Les Juges vivaient à une époque enténébrée que notre XXIe siècle n’a pas à lui envier. L’ignorance de la parole divine, même parmi ceux qui étaient censés la défendre pouvait être une raison de ce drame.

Dans cette pièce, la jeune fille, non seulement n’est pas sacrifiée, mais elle trouve le grand amour. À de rares exceptions près, j’écris des histoires qui finissent bien, c’est pourquoi, comme pour Naaman, je me suis autorisé quelques licences par rapport à l’exactitude biblique. Toutefois, le lecteur pourra trouver une approche plus théologique de la question dans mon article intitulé : Jephté a-t-il brûlé sa fille ?

https://www.lilianof.fr/semons-dans-les-larmes/6-jephthe-a-t-il-brule-sa-fille

Jephthé retourna dans sa maison à Mitspa. Et voici, sa fille sortit au-devant de lui avec des tambourins et des danses. C’était son unique enfant ; il n’avait point de fils et point d’autre fille. Dès qu’il la vit, il déchira ses vêtements, et dit : Ah ! ma fille ! tu me jettes dans l’abattement, tu es au nombre de ceux qui me troublent ! J’ai fait un vœu à l’Éternel, et je ne puis le révoquer. Elle lui dit : mon père, si tu as fait un vœu à l’Éternel, traite-moi selon ce qui est sorti de ta bouche, maintenant que l’Éternel t’a vengé de tes ennemis, des fils d’Ammon. Et elle dit à son père : que ceci me soit accordé : laisse-moi libre pendant deux mois ! Je m’en irai, je descendrai dans les montagnes, et je pleurerai ma virginité avec mes compagnes. Il répondit : va ! Et il la laissa libre pour deux mois. Elle s’en alla avec ses compagnes, et elle pleura sa virginité sur les montagnes. Au bout des deux mois, elle revint vers son père, et il accomplit sur elle le vœu qu’il avait fait. Elle n’avait point connu d’homme. Dès lors s’établit en Israël la coutume que tous les ans les filles d’Israël s’en vont célébrer la fille de Jephthé, le Galaadite, quatre jours par année.

Juges 11.34/40

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