Scène IV
KÉZIA – JOËL
KÉZIA
Joël, je t’attendais. J’aspire à ta présence.
JOËL
Une heure encore, une heure ! Qu’il faut de patience !
Nos deux cœurs s’uniront par un acte scellé,
Nos deux corps s’uniront sous le ciel étoilé,
Ne formant qu’une chair, ne formant qu’une vie.
Sous le regard de Dieu le prophète Ésaïe,
Témoin de notre hymen, doit venir sans tarder ;
Soudés jusqu’à la mort Dieu saura nous garder.
Mais je vois dans tes yeux rouler quelque nuage ;
Quel étrange souci assombrit ton visage ?
Kézia, ne me dis pas qu’une peine en ton cœur
Aujourd’hui, dans ta joie ferait naître des pleurs.
Ma belle, tu m’épouses, n’es-tu pas amoureuse ?
Ton âme est attristée quand la mienne est heureuse.
Aurais-tu des regrets, dis, tu ne veux donc plus…
Quelque chose en ma vie, Kézia, t’aurait déplu ?
KÉZIA
Judith…
JOËL
Eh quoi ? Judith ? Que le diable l’emporte !
La pendarde a bien tort d’en user de la sorte !
Attrister ton esprit un jour si merveilleux !
Oublie-la, je t’en prie, ne pensons qu’à nous deux.
KÉZIA
Judith ! Elle était là, sous mes yeux je l’ai vue.
Pour me narguer, ici, cette fille est venue.
Elle nous hait tous deux, nous hait jusqu’à la mort.
Monstre de magicienne ! Et Dieu sait par quel sort…
JOËL
Qui diantre aurait ouvert le verrou de sa geôle ?
Qu’importe cette folle ! Elle est toujours en tôle.
KÉZIA
Je sens par-devers moi ce basilic ramper,
Enserrant mes deux jambes il me paraît grimper.
JOËL
Se pourrait-il…
KÉZIA
La convoitise de ton père,
Et voici notre roi brisé par l’adultère.
JOËL
Es-tu folle ?
KÉZIA
Elle vient de le dire à l’instant.
Notre bon roi vaincu par ses charmes…
JOËL
Elle ment.
Mon père, ô grand jamais ! n’aurait trahi sa reine.
KÉZIA
Cet enfant du démon, l’âme chargée de haine…
JOËL
Judith en liberté ! Quel chagrin ! Quel souci !
Voici le roi qui vient. Plus un mot de ceci.
(Entrent Manassé et Ésaïe.)
Scène V
KÉZIA – JOËL – MANASSÉ – ÉSAÏE
MANASSÉ
Voici les jeunes gens les plus heureux du monde.
Marions-les, ne perdons pas une seconde.
Les conviés sont là, ils n’attendent que vous.
Et ma bru se languit d’embrasser son époux.
ÉSAÏE
Et notre amie Judith est-elle de la fête ?
MANASSÉ
Allons ! Qui vous a mis pareille idée en tête ?
ÉSAÏE
Manassé, mon ami, nous avons à parler,
Car l’Esprit sur ton compte m’en a gras révélé.
MANASSÉ
Ésaïe, laissons place à la cérémonie.
Avant une semaine elle sera finie.
Nous aurons tout le temps d’en parler librement.
ÉSAÏE
Ton Seigneur a deux mots à dire maintenant,
L’Esprit de prophétie ne souffre nulle trêve.
MANASSÉ
Soit. Mais que, par pitié, ta prophétie soit brève.
(Sortent Kézia et Joël.)
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