Manassé·Rois, Soldats et Prophètes·Théâtre

Manassé – Acte V (3)

Scène IV

MANASSÉ – SALIA

MANASSÉ

Ah ! Pauvre Manassé, pitoyable, emmuré,
En ce fort, par surcroît, de femmes entouré !
Est-ce assez de Kézia, cette veuve éplorée ?
Est-ce assez de Lémeth pour clore la soirée ?

(Entre Salia.)

Voici cette effrontée, la sombre Salia,
Il ne me manquait plus, vraiment, que celle-là !

SALIA

Il est là, devant moi, le cadeau de mon père
À sa fille adorée pour son anniversaire,
Pour mes trente-neuf ans, mais promptement cassé.
Un jouet trop fragile en mes mains, Manassé.
Ce n’est pas tous les jours que l’on m’offre un monarque,
C’est un don précieux, c’est un présent de marque.

MANASSÉ

Un cadeau ?

SALIA

                  C’est sur moi qu’il te faudra compter :
Traité comme un pourceau selon ma volonté ?
Car tu ne connais pas Salia, la hautaine,
L’éclat de son orgueil et le poids de sa haine.
Asarhaddon serait un doux et tendre roi
S’il n’avait point pour fille un poison tel que moi,
Car ce souverain-là, dans son humble tendresse
Oublie qu’il est mon père et me traite en maîtresse ;
Délaissant son pouvoir et son autorité,
C’est lui qui m’obéit avec docilité.
Il suffit que je crie, il suffit que j’ordonne,
Et je lui dis : je veux ; sans détour il me donne.
Donne-moi sur-le-champ le monarque étranger,
Je veux de son affront sans merci me venger.

MANASSÉ

Vous venger ? Mais de quoi ?

SALIA

                                               Ne feins pas l’ignorance.
Le mépris de Joël : quel affront ! quelle offense !
Me préférer, à moi, la fille d’un berger !
Les seuls flots de ton sang pourraient me soulager.
Mon père a cependant oublié cette affaire
Et n’était disposé à déclarer la guerre ;
Il avait, disait-il, d’autres priorités,
D’autres rois à combattre, d’autres lions à fouetter
Mais je sais, quand il faut, lui servir de mémoire
Et crier après lui jusques à la victoire.
Et te voilà vaincu ! Je saurais te briser.

MANASSÉ

Pourquoi tant me haïr ? Pourquoi ?

SALIA

                                                       Pour m’amuser.
Il ne suffira pas de t’enlever la vie,
Tu verras par le fouet ma colère assouvie.
Le cuir mêlé de fer s’abattant sur ton dos
Déchirera tes membres et brisera tes os.
Tu n’auras pas assez souffert de ces blessures
Ni d’une ardente épée les horribles brûlures
Car pour bien achever ces purs instants joyeux
D’un fer rougi de feu on crèvera tes yeux.

MANASSÉ

Oh ! Pitié, Salia, Princesse criminelle !
Quel démon des enfers t’a rendue si cruelle ?

(Salia sort.)

© 2025 Lilianof

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