Lorsque Simon vit que le Saint-Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l’argent en disant : Accordez-moi aussi ce pouvoir, afin que celui à qui j’imposerai les mains reçoive le Saint-Esprit.Mais Pierre lui dit : Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent !Il n’y a pour toi ni part ni lot dans cette affaire, car ton coeur n’est pas droit devant Dieu.Repens-toi donc de ta méchanceté, et prie le Seigneur pour que la pensée de ton coeur te soit pardonnée, s’il est possible;car je vois que tu es dans un fiel amer et dans les liens de l’iniquité.– Actes 8.18-21
Il y avait un samaritain, Simon, natif d’un village appelé Gitto, qui sous le règne de Claudius César, et dans votre cité royale de Rome, a accompli de puissants actes de Magie, grâce à l’art démoniaque à l’oeuvre en lui. Il était considéré comme un dieu[…] et quasiment tous les samaritains, et quelques uns des autres nations l’adoraient, et le reconnaissaient comme le dieu premier; et une femme, Héléna, qui allait avec lui à cette époque, et qui était anciennement une prostituée, il disait qu’elle était l’idée première générée par lui.. -Justin Martyr, 1ere apologie, ch. 26
Nous étions à Rome, sous le règne de l’empereur Claude: les troubles des guerres civiles étaient passés et disparus, et les troubles de l’empereur Néron n’étaient pas encore arrivés. La Ville était encore la localité la plus puissante de l’univers, et il n’y avait pas une seule chose produite par les hommes – artisanat, art ou culture – qui n’était pas à Rome. Y compris les sectes les plus sordides et les philosophies les plus folles.
Parmi celles-ci était le christianisme, ce judaïsme oriental ouvert aux gens des nations, qui proclamait l’enseignement d’un Jésus qui semblait plus fort et plus grand qu’un Hercule, et qui était plus haut qu’un Zeus. Celui qui écoutait les partisans du Christ plus longtemps apprenait que même mis à mort, Jésus était ressuscité au troisième jour. Bien qu’à moitié souterrain et noyé par la masse de prosélytes divers qui caractérisait la société du Ie siècle, ce « christianisme » progressait, tiré en avant par un groupe d’enseignants inspirés et thaumaturges, et le plus célèbre d’entre eux exerçant à Rome était Simon. Simon Magus.
Il enseignait souvent sous la stola antiqua, un porche en bois souvent remplacé qui abritait l’étal d’un tanneur avant que Simon ne s’installe pour enseigner sa doctrine. Le plus souvent, il parlait en grec, mais n’hésitait pas à parler l’araméen de Samarie si son public -souvent samaritain lui aussi- était favorable.
« Peuple de Rome » disait-il « vous savez, parce que je vous l’ai appris, qu’au dessus de tout est le Premier Père, l’Abysse innommable, ineffable, le degré suprême d’existence duquel on ne peut rien dire. Vous savez aussi que le Premier Père engendra ses éons comme reflets de sa gloire, et en dernier il créa Sophia. Sophia, la Sagesse, désirant connaître son père, s’élança vers lui, mais tomba lourdement dans la matière, et de sa chute est née ce monde corrompu et mortel. C’est alors que les éons, désireux de réparer ce tort créèrent ce Jésus que vous appelez Christ, et l’envoyèrent sur Terre pour donner cette Connaissance dont tout homme a besoin pour son salut. Christ est venu, et il a transmis à l’apôtre Pierre cette connaissance, et c’est de lui que je la tiens quand il vint évangéliser en Samarie. Quand il a reconnu mes dons et ma puissance, il est venu s’incliner devant moi et m’a révélé à moi-même.
Cette révélation, aujourd’hui je vous la confie: je suis le Père Premier, et cette femme qui m’accompagne et que vous appelez Héléna est Sophia, qui autrefois était déchue dans la Matière, mais aujourd’hui est ramenée à la Lumière et qui vit en mariage spirituel avec le Père qu’elle aime. Et je suis venu vous inviter à cette union supérieure, à prendre part à cette Connaissance sans laquelle nul ne sera vraiment sauvé. Je parle là à des hommes supérieurs, des hommes spirituels capable de connaître la vérité: sachez donc la reconnaître, et aux hommes animaux qui ne savent pas reconnaître le pur du souillé, je vous en prie: taisez vous, et laissez les autres s’approcher de la Connaissance Pure.«
Cela faisait des semaines qu’il parlait et enseignait ce groupe, aussi le choc ne fut pas aussi grand que ce que l’on pourrait attendre. Il y eut juste un homme qui demanda:
« Mais comment pouvons nous savoir que tu es celui que tu prétends être? »
Simon Magus dit: « N’ais-je pas accompli parmi vous des prodiges, des actes merveilleux, des envoûtements et des guérisons? Ne vous ai je pas donné la preuve de mes pouvoirs magiques?«
La même voix dit alors: « Tu accomplissais autrefois ces mêmes actes magiques et je t’avais appelé fils de Satan. Je vois que tu n’as pas changé aujourd’hui, tu es même devenu pire. »
Un espace s’ouvrit au milieu du groupe, comme si ceux qui étaient voisins de l’homme qui avait parlé ne voulait pas être dans le passage de celui qui osait défier le maître Simon Magus.
L’homme qui avait parlé s’appelait, Simon Pierre, fils de Jonas, apôtre de Christ.
Simon Petrus avait les cheveux blancs, Simon Magus avait encore ses cheveux poivre et sel, comme si la sagesse ne lui était venue que de façon superficielle.
Simon Petrus avait la barbe douce comme de la laine, là où celle de Simon Magus était graisseuse à cause des onguents et des parfums.
Simon Petrus portait toujours ses vêtements simples de pêcheur, là où Simon Magus portait une tunique chamarrée avec des fanfreluches dorées.
Simon Petrus était de la même consistance et la même solidité qu’une canne de marche. Le corps de Simon Magus était replet et gras, à force de vivre de la générosité des autres
L’un était un envoyé de Dieu, l’autre était sur le point de perdre ce statut.
« A vous qui ne me connaissez pas » dit l’apôtre Pierre « je suis le disciple du Christ qui paraît-il est engendré par cet homme gras et luisant pour sauver cette prostituée de Tyr. J’ai marché avec Jésus pendant tout son ministère, et mes yeux ont vu sa gloire lorsque je me tenais sur la montagne sainte et qu’une voix venue du ciel a dit: « celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le! » Curieusement, cette voix n’était pas la tienne, Simon Magus! »
« Jésus n’était qu’une préparation à ma révélation, et à présent que l’éon Christ est remonté parmi les siens, je peux amener à la Connaissance tous ceux que j’ai mis à part dès la fondation du monde! »
« Fou! Dieu nous a donné tout ce qui est nécessaire à la vie et à la piété, sans que nous n’ayons rien à ajouter, en nous faisant connaître celui qui nous a appelé par sa propre force et sa propre gloire. Par celles-ci, les promesses les plus précieuses et les plus grandes et les plus précieuses nous ont été donnés, afin que nous échappions à la corruption de ce monde et que nous ayons part à la nature divine. Dis-moi, sorcier samaritain, qu’as tu à rajouter à cette oeuvre excellente? »
« Je peux offrir plus que le démiurge! Je suis plus puissant que le démiurge qui a crée ce monde et que tu prétends faussement être le père de Jésus-Christ. Il est un être inférieur issu de la chute de Sophia, et je le domine aisément. »
« La folie t’égare. Repens-toi vite avant d’être mené à la mort. »
« Jamais! » dit Simon Magus, à présent rempli de folie, le regard embrumé comme possédé par un autre. « Je vais vous donner à tous ici même la preuve de ma supériorité: Je vais monter à la fenêtre de cette maison, et je me jetterais dans le vide. A cause de ma nature spirituelle, je m’envolerais et traverserais l’espace suspendu en l’air, libre de ce monde et de cette matière ténébreuse! »
« Arrête » dit l’apôtre Pierre « Je ne te demande pas cela, je te demande simplement de renoncer aux oeuvres de Satan. »
« Hors de question, je vais vous le prouver, je vais vous prouver que ce galiléen a tort! »
Simon Magus disparut dans l’insula et après une minute, apparut à la fenêtre du troisième étage. Il cria:
« Je suis Bythus, le Premier, l’Innommable, l’Ineffable, et le démiurge n’est rien! »
Et il sauta. Mais il n’était pas un être aérien. Les gens se piétinèrent pour éviter les aspersions de son sang, et ils disparurent de la place, comme frappés de panique. Il ne resta plus que l’apôtre Pierre, le cadavre désarticulé de Simon Magus, et un cercle large de romains autour qui n’avaient pas compris ce qu’il s’était passé.
« Tu étais l’Abîme » dit Pierre « et c’est dans l’Abîme que tu as fini. »