Bien seul qui comme Elon, a fait un long voyageDans l’éther sidéral, puis sur Mars s’est posé, Vieux ballon crevassé, au cuir couperosé, Où jamais Santa Claus ne laissa un bagage.
Aucun sapin n’attend cet Ulysse peu sage, Ce Prométhée fertile en rêve névrosé, Qui a quitté l’Eden, tout de grâce arrosé, Pour l’aride odyssée, dont le sens fait naufrage.
Au loin la bille bleue, berceau de l’enfant-Dieu, Pique le ciel de jais, d’un point d’azur radieux ; Mais le globe oxydé est un tragique emblème
Des âmes sans Noël, où le grand VisiteurNe mit jamais le pied ; où l’Amour donateurNe trouve aucun accueil, pour son cadeau suprême.

Les Grecs et les Romains croyaient-ils réellement aux histoires de leurs héros mythologiques et autres demi-dieux ? En public à coup sûr, parce qu’il convenait, pour la cohésion de leur société, de maintenir une forme populaire de piété, mais en privé, les personnes instruites n’y croyaient probablement pas plus que nous ne croyons au père Noël.
Ce rapprochement des divinités antiques avec Santa Claus ne va pas en lui-même bien loin ; tous nos adultes raisonnables savent qu’il n’existe pas, et sont seulement tenus de faire semblant d’y croire parfois et par jeu, devant les enfants, histoire de ne pas casser l’ambiance. Personne n’a jamais été condamné pour avoir nié l’existence du père Noël, tandis que Socrate dut boire la ciguë après avoir médit des dieux.
Mais il y a d’autres sortes de mythologies, qui ont remplacé pour nous celles des anciens, et dont le parallèle est cette fois exact, puisque même si personne d’intelligent n’y croit, tout le monde a intérêt à en répéter les credos, pour ne pas encourir les foudres publiques : ce sont les mythologies nées de la science.
Empressons-nous de préciser qu’il ne s’agit pas de la science elle-même, car les scientifiques savent, in petto, faire la distinction entre ce qui est accessible à l’homme, et ce qui relève de l’imaginaire. Envoyer des hommes sur Mars, écrire des logiciels de plus en plus performants, passer des carburants fossiles à des carburants synthétiques et à du nucléaire propre, ce sont des possibilités, en voie de réalisation d’ailleurs, sans compter les révolutions technologiques à venir complètement imprévues. Mais, peupler d’autres planètes, construire des robots conscients et intelligents au sens propre, contrôler le climat de la Terre, ce ne sont là que des mythologies modernes.
Les prêtres et les dévôts de ces nouveaux dogmes médiatiques deviennent naturellement furieux s’ils soupçonnent votre mauvaise volonté d’y souscrire. « Comment ! s’écrient-ils, si nos arrière-grands-parents pouvaient revenir voir sur terre les merveilles techniques que nous utilisons tous les jours, ils se repentiraient de n’y avoir pas cru, etc. etc. » Cet argument n’impressionne absolument pas ceux qui connaissent un peu l’histoire des sciences, et tout ce que les découvertes ont de fortuit, et qui savent que dans la nature aucune croissance n’est indéfiniment linéaire, et qui comprennent que l’activité humaine a ses limites comme tout le reste.
Cependant, comme l’a si bien développé C. S. Lewis dans un article devenu célèbre (Myth became fact), les mythes sont la nourriture par excellence de l’âme humaine, lui permettant d’appréhender la réalité sans qu’elle s’en coupe complètement par l’abstraction. L’extraordinaire, l’unique du christianisme, consiste dans le mythe devenu réalité : Jésus-Christ est réellement né d’une vierge, il est réellement ressuscité ! Quiconque possède le moindre sens littéraire, admet que les Évangiles ne sont pas du tout écrits comme les fables antiques, qu’ils portent partout le cachet de témoignages authentiques. « Mon ami, ce n’est pas ainsi qu’on invente », disait le très peu biblique Rousseau.
Ceci dit à quoi peut correspondre la mythologie moderne de l’homme partant peupler Mars, puis d’autres planètes et exo-planètes, après avoir épuisé les ressources de la terre ? A sa certitude profonde et inconsciente d’être le gérant de l’univers :
De ta savante main je ne vois que l’ouvrage ;
Et lune, étoiles, ni soleil,
N’ont aucunes splendeurs qu’elle ne leur partage.
Parmi ces grands effets qui te font admirer,
Seigneur, qu’est-ce que l’homme, et quel est son mérite ?
Et qui t’oblige à l’honorer
D’un tendre souvenir, d’une douce visite ?
Un peu moindre que l’ange il t’a plu le former,
De gloire et de grandeurs tu combles sa naissance,
Et ce qu’il te plut d’animer
Fut aussitôt par toi soumis à sa puissance.
C’était du Corneille, Psaume 8. Si la naissance du Christ a été un fait historique et surnaturel, son retour le sera tout autant, et il se situera sur la même échelle humaine que celle de sa première venue ; échelle dont les barreaux s’espacent de quelques milliers d’années seulement. Dans une certaine mouvance évangélique branchée, il est de bon ton de répéter que « puisque l’on ne connaît pas la date de la parousie, Jésus peut aussi bien revenir dans cent mille ans. » Mais pour croire à une telle théologie-fiction, le chrétien devrait manquer d’autant de sens historique et biblique, qu’un physicien de sens pratique, pour croire que l’humanité va émigrer sur la planète Mars ! En réalité ni les uns ni les autres ne prennent au sérieux ce qu’ils disent par imitation, et pour se sentir accepté, parce que restant mythologiquement correct.
Repousser le retour de Christ dans un avenir martien, procède du même état d’âme que d’enfouir le premier Noël dans la nuit des temps ; ce n’est plus le cri de l’Épouse : Amen, viens, Seigneur Jésus ! en écho à l’affirmation qu’il vient bientôt, mais le soupir blasé qui s’entendait déjà du temps de Noé : tout demeure comme dès le commencement…
Lecteur, la vie est courte et le nombre de Noëls qui te restent sur terre est petit ; ton dernier, c’est demain. En as-tu déjà eu un premier ? Crois-tu que Jésus est le Fils de Dieu ?