Poésie·Réécritures

Que fais-tu dormeur ? Lève-toi !

Jonas n’avait rien demandé
Quand son Seigneur vint le trouver
Avec une mission étrange :
Tirer des impies de leur fange !
Il doit partir en Assyrie
Montrer ses péchés à Ninive
Et supplier ses ennemis
Afin que ses habitants vivent…
Jonas prend le premier bateau
Dans la direction opposée…
Est-il très naïf ou très sot ?
Car Dieu ne va pas renoncer

Fais gaffe à toi quand tu dis « non »
Aux projets du Dieu Tout-Puissant ;
Tu rates ses bénédictions
Lorsque tu rejettes ses plans.
Et tu ne peux pas t’en cacher
Ni contester son objectif
Car lorsque Dieu vient te chercher
C’est toujours pour un bon motif.

Dieu fait lever une tempête
Qui fait paniquer les marins.
Sur le pont, tous lèvent la tête ;
Jonas, lui, dort au fond, serein.
Les possessions vont à la mer ;
La peur pousse à faire le tri.
Tous font monter une prière,
Fervents dans leur idolâtrie.
« Que fais-tu, dormeur ? Lève-toi !
Mets-toi debout et prie ton Dieu ! »
Le capitaine hausse la voix,
Réveille Jonas de son mieux.

Est-ce là un sommeil heureux
Ou bien le repos du coupable
Qui choisit de fermer les yeux,
Ne pas se sentir responsable ?
Fais gaffe à toi quand tu t’excuses
Et cherche à te voiler la face ;
Dieu voit en toi comme une incuse :
Ton revers lui montre ta face.

On jette le sort fatidique.
Enfin Jonas, fils d’Amitthaï*,
Est contraint d’être véridique
Et admettre un péché de taille :
Il a fui devant l’Éternel,
Refusé de Lui obéir
Et a fâché le dieu du ciel ;
Le vent souffle pour le punir.
Comme pour Noé autrefois,
Il faut que la colombe* vole.
Il se pourrait bien qu’il se noie
Mais c’est là crainte bien frivole.

T’est-il arrivé quelque fois
D’être ainsi repris dans ta foi ?
Les marins sont ici plus pieux
Que Jonas qui fuit devant Dieu.
Rien ne reste jamais caché ;
Jonas le savait et pourtant
L’impie souligne son péché,
Ses conséquences dans le temps.

Plus de foi ; plus d’amour aussi :
Au cœur de la tempête, ils rament ;
Afin de lui sauver la vie,
Les marins affrontent la lame.
Et lorsqu’il fallut se résoudre
À le passer par-dessus bord,
Les matelots se font absoudre,
Criant à Dieu de prime abord :
« Ne nous tiens pas, Seigneur, coupables
Et ne mets pas sur nous son sang ;
Oui, ne nous tiens pas responsables
De la mort d’un homme innocent

Car Toi, Tu fis comme il T’a plu. »
Et Jonas fut mis à la mer
Dont la fureur sitôt se tut
Et les marins sacrifièrent
À l’Éternel, le Dieu des cieux ;
Plein de craintes, ils firent des vœux.
Dieu prépara un grand poisson
Pour engloutir l’homme en mission
Et enfin, du fond des entrailles,
Jonas cria à l’Éternel.
Trois jours, trois nuits sans voir le ciel
Pour qu’enfin son orgueil s’en aille !

Dieu répond même au fond des eaux ;
Du shéol Il entend ta voix,
Et lorsque tout en toi se noie,
Lève les yeux vers le Très-Haut.
S’il semble qu’Il t’a rejeté(e)
Et laissé(e) sombrer dans l’abyme,
Que les courants t’ont encerclé(e)
Fais, toi aussi, monter ces rimes :

« Tes flots, Tes vagues tout autour,
J’ai pensé « c’est fini de moi ;
Je suis chassé de devant Toi »
Pourtant je reverrai le jour
Et je reviendrai dans Ton Temple.
Oui les eaux menaçaient ma vie
Mais dans cet abyme infini,
Seigneur c’est Toi que je contemple.
J’ai vu où naissent les montagnes ;
Les algues remplaçaient mon ciel,
Tiraient les verrous de ce bagne
D’où j’ai médité l’essentiel :

J’ai suivi tellement d’idoles
Qui m’ont fait renoncer à tout ;
Fuyant Ta voix, fuyant mon rôle
J’ai agi souvent comme un fou
Et me suis privé de Ta grâce,
De Ton secours, de Ton soutien
Croyant pouvoir suivre à la place
Mon égo…qui pourtant n’est rien ! »

C’est là la fin du cache-cache ;
Enfin le prophète a compris
Alors le poisson le recrache
Sur terre. Jonas sacrifie
Louant, plein de reconnaissance
Envers le Miséricordieux,
Celui dont vient la délivrance.
Désormais, il veut agir mieux.
Aussi, pour la seconde fois
Dieu demande-t-il de partir,
D’aller, de répéter Sa voix,
Afin de changer l’avenir.

Ami, as-tu déjà pensé
De quelqu’un ou bien de toi-même :
Celui qui a ensemencé
Récolte toujours ce qu’il sème ;
Ou bien, ce péché est trop grand,
Pourquoi Dieu pardonnerait-il ?
Son crime est bien trop effrayant.
…Et puis après, tu te défiles.

Dieu parle à Jonas sur la grève.
Le prophète cette fois-ci,
Écoute, obéit et se lève.
Il va : il marche et même il crie.
À peine a-t-il passé le seuil
Que les Ninivites le croient.
Jeunes et vieux prennent le deuil.
C’est là même un édit du roi.
Dans ce sincère repentir.
Dieu voit leur cœur et Il prend note :
Ému, Il renonce à punir
Et pardonne à chacun ses fautes.

Ô quelle éclatante victoire
Lorsque enfin chacun des croyants
Participera à l’Histoire
Du Sauveur et Dieu Tout-Puissant.
Et pourtant nos regards se voilent
Et nous jugeons, sombres idiots,
Son plan sur l’envers de la toile,
Faisant défection aussitôt.

Voilà Jonas fort irrité
Que son Dieu ait ainsi fait grâce
Et qu’Il soit si grand en bonté
Qu’aucun mal jamais ne le lasse :
Oui Dieu est lent à la colère ;
Patient et miséricordieux,
Jamais Il ne se désespère
De pouvoir nous accorder mieux…
Mais c’est là aux yeux du prophète
Le plus injuste des saluts !
Vexé, Jonas boude la fête
Et quitte la cité, déçu.

Fait-il bien d’être si furieux ?
Pour juger ainsi du mérite
Sommes-nous vraiment assez pieux ?
Alors qu’est-ce qui nous irrite ?
Est-ce qu’Il comble de Ses dons
Le dernier de Ses ouvriers ?
Est-ce qu’Il donne Son pardon
Au prodigue, au fils dépensier ?

Jonas, à l’orient de la ville,
S’assoit puis bâtit un abri
Attendant que se produisit
L’avenir du peuple indocile.
Poussant par l’œuvre du Seigneur,
Un kikajon lui donne ombrage.
La plante réjouit son cœur
Et lui apporte un message :
Voici qu’au lever de l’aurore,
Un ver (que l’Éternel suscite)
Le ronge et laisse l’arbre mort
Bien avant l’heure du zénith.

Parfois l’Éternel nous envoie
Une épreuve, un temps douloureux
(Un ver, un vent) ; alors on voit
Combien notre être est miséreux.
Dieu vient ainsi m’interroger :
Où est notre reconnaissance
La joie, la grâce partagées,
Fruits de la nouvelle naissance ?

D’orient, Dieu a levé un vent ;
Le soleil frappe le prophète
Car c’est l’épreuve bien souvent
Qui nous met du plomb dans la tête.
« Fais-tu bien d’être si furieux
De la mort d’une coloquinte
Tout en rejetant la complainte
D’un peuple qui revient à Dieu ? »
Jonas défaille et s’exaspère.
Rien ne le fait changer d’avis
Il répète dans sa colère :
« Mieux me vaut la mort que la vie ».

Attention, lorsqu’on se croit fort,
Le risque est plus grand de chuter ;
Il n’est plus terrible confort
Que chez celui qui se tait/« était » :
N’avoir plus pitié que de nous,
Oublier qu’on fut le prochain
Être béni par-dessus tout
Mais ne jamais tendre la main.

Dieu nous a confié Sa Parole
Pour pouvoir transformer les cœurs :
Oui, témoigner est notre rôle
Et il faut surmonter nos peurs.
L’Éternel offre Son pardon
Aux impies et aux gens mauvais
Car Sa grâce est toujours un don ;
Il veut à chaque instant sauver.
C’est ainsi que Dieu l’a voulu :
Il n’est point besoin de mérite
Pour avoir accès au salut,
Mais de cela Jonas s’irrite.

Sachons démasquer nos Ninive,
Ceux que l’on ne veut pas au Ciel,
Ceux qu’on punit, ceux que l’on prive
Du Paradis par notre fiel.
Jonas changera-t-il enfin ?
Est-il prisonnier de son ire ?
Cette histoire n’a pas de fin,
Peut-être est-ce à nous de l’écrire ?

(*Amitthai = véridique ; Jonas = colombe)

Poetyc, https://poetyc.wordpress.com/

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