On était dans les années 1920 dans la région parisienne. La vie n’était pas facile pour les maçons italiens à cette époque-là. Je rentrais d’une tournée d’évangélisation et y pensais en marchant dans le petit matin. C’était lundi et le soleil n’était pas encore tout à fait levé. Ma famille avait une entreprise de construction. Entre autres machines et matériaux, nous possédions de belles planches d’échafaudage. Ces planches avaient pris beaucoup de place dans mon cœur. J’avais 16 ans.
Alors que je m’approchais de ma maison, je vis mes fameuses planches, oui, mais surtout – catastrophe ! – trois voleurs de planches, qui me volaient mes planches à moi, mes chères planches !
J’ai filé me cacher au jardin pour réfléchir. Que faire ? Une petite voix me murmurait :
– C’est épouvantable, Dapozzo, ce sont tes planches ! C’est toi qui les as payées ! Quelle injustice ! Il ne faut pas te laisser marcher sur les pieds, après tout. Il faut te défendre ! Ou bien est-ce que les chrétiens ne sont que des paillassons ?
La petite voix m’avait presque convaincu. Je m’apprêtais à courir vers la cabine téléphonique la plus proche pour appeler la police quand je me suis soudain demandé :
– Que dit la Bible ? Que ferait Jésus à ma place ?
Dans la Bible, il y avait sûrement une solution pour mes planches…
– Ah oui ! il est écrit : « aimez vos ennemis ».
Dans ma Bible, il n’était pas écrit : aimez vos ennemis excepté les voleurs de planches ! Aimez vos ennemis, point final. J’ai eu l’impression que Jésus me demandait :
– Qu’est-ce qui t’est plus cher, Dapozzo ? Ces planches qui peuvent pourrir, ou les âmes éternelles de ces trois hommes ? Tu pourrais aussi être un voleur de planches, si je ne t’avais pas sauvé…
Là, il avait raison. Que serais-je devenu, si le Seigneur n’était pas venu me chercher ? Peut-être un voleur… Je me suis brièvement recueilli et j’ai fait une courte prière :
– Je te remercie Seigneur Jésus que ton amour est dans mon cœur par le Saint-Esprit, amen.
Immédiatement, j’ai senti dans mon cœur de l’amour pour ces trois voleurs. Ils m’étaient soudain devenus très chers ! Je me dirigeai vers eux :
– Camarades, vous fauchez des planches ? Je peux peut-être vous aider ?
Ils ont levé vers moi des visages surpris.
– Euh… oui, volontiers !
Je n’aurais jamais imaginé ce matin, aider des gens à entasser mes chères planches sur leur charrette à bras ! Mais j’étais heureux. Heureux que le diable avec ses mauvais conseils ait perdu la partie. Je ne comptais même plus les planches que nous chargions, alors qu’au début, je les comptais toutes. Les planches étaient lourdes et nous étions tous les quatre en sueur.
– Je crois qu’on ne peut rien charger de plus, a remarqué enfin un voleur. La charrette ne tiendra pas le coup.
– Si, si, elle est solide, votre charrette, lui ai-je assuré. Vous pouvez encore y mettre sept planches. Venez les chercher !
Je leur ai désigné encore les planches auxquelles je pensais. Elles étaient belles, ces planches… Et nous les avons chargées avec les autres.
– Camarades, vous avez soif ? leur ai-je encore demandé.
Ils hochèrent la tête.
– Je connais bien la cave de cette maison, je peux aller vous chercher un peu de cidre !
– Volontiers, mais dépêche-toi, il ne faut pas qu’on nous voit !
J’ai couru à notre cave et j’ai pris le cidre du dimanche, même si nous étions lundi, et trois beaux verres en cristal. Après tout, il faut choisir le meilleur pour ses invités ! Le Saint-Esprit était versé dans les cœurs… et le cidre dans les verres !
– T’es un fameux coquin ! a fait remarquer l’un des voleurs. Tu sais même où ils cachent le cidre !
– Mais oui, camarades ! Car vous savez, c’est mon cidre !
– … !
– Et ce sont mes planches !
– … !
Mes trois pauvres voleurs ont eu l’air épouvanté, mais je leur ai dit de ne pas avoir peur de moi. J’étais aussi un voleur, après tout. N’avais-je pas déjà si souvent volé la gloire de Dieu ? Je leur ai parlé de l’Evangile, mais je crois qu’ils n’y ont rien compris. Puis je les ai invités à revenir une fois à la maison, écouter le culte évangélique qui se tenait chez nous tous les dimanches à 15h00. Inviter des voleurs à revenir ! Ils sont repartis tête basse et honteux. 16 ans plus tard, l’un d’entre eux est venu à l’un de ces cultes et s’est converti. Une âme sauvée vaut bien plus que toutes les planches du monde – et bien plus que le monde entier. Mais Dieu n’oublie rien, même pas les planches. Quelques années plus tard, quand je suis rentré des camps de concentration, à l’époque de la deuxième guerre mondiale, j’ai reçu d’un chrétien que je ne connaissais pas 14 mètres cubes de planches pour construire un logement pour ma famille. Pile au bon moment.
***
Je n’ai pas inventé cette histoire. Elle a été vécue par Erino Dapozzo. Il la raconte avec beaucoup de talent et d’humour dans l’enregistrement « les voleurs de planches » que vous trouverez sur www.dapozzo.com/la-joie-du-seigneur. Si vous l’écoutez, vous remarquez que je n’ai guère fait plus que retranscrire ses paroles – et les résumer un peu.
Belle et surprenante histoire… Dieu nous étonne ! On peut s’inspirer du courage et de l’obéissance de cet homme 🙂 Et apprécier l’humour de la situation !
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Oui, Dapozzo avait l’art de provoquer des situations assez inhabituelles où la main de Dieu devenait très visible 🙂
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