MAJ 2022 : l’auteur nous offre également un extrait du tome 2 (voir à la fin de l’article).
« C’est un petit bonheur que j’avais ramassé
Il était tout en pleurs sur le bord d’un fossé
Quand il m’a vu passer il s’est mis à crier
Monsieur ramassez-moi, chez vous emmenez-moi… »
Vous connaissez probablement la célèbre chanson de Felix Leclerc (reprise admirablement par Hugues Aufray). C’est la promesse du livre que je vous présente aujourd’hui (que j’ai reçu de la part de l’auteur lui-même) : rassembler des petits bonheurs afin de nous émerveiller devant la disposition surnaturelle des choses.
Dans ce livre, Considération des choses et autres contemplations merveilleuses, l’auteur nous offre soixante-dix petits textes comme des étincelles poétiques de la bonté divine dans les choses les plus quotidiennes : de la chicorée sauvage à la paire de tongs, en passant par l’ondulation des blés. Le style est vif, incisif, bien dosé. On se laisse emporter par les odeurs, les sensations et les brises lumineuses qui éclairent soudain nos souvenirs.
On y retrouve un peu le principe du livre de Philippe Delerm La Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules (ed. L’arpenteur), mais avec une pincée de sel de la terre en plus. Ce n’est pas un nouveau livre épicurien centré sur l’homme. Au contraire, nous sommes plongés dans une contemplation bienfaisante de la création divine, qui éveille en nous un sentiment de reconnaissance et d’admiration. Le pomelo, le Jazz ou les croissants chauds lèvent le voile sur l’infinie perfection de leur créateur.
Seul petit regret, l’absence de liens explicites entre les différents textes. J’aurais aimé trouver une résonnance entre les chapitres et voir l’auteur se dévoiler un peu plus au fil des pages. Par exemple, le livre s’ouvre sur la Chicorée sauvage, pourquoi ne pas terminer avec une petite référence à celle-ci en fin de livre ? Cela aurait donné une identité plus forte à l’ensemble.
Quoi qu’il en soit, n’hésitez pas à vous procurer ce livre pour passer un bon moment. A savourer au moment du café ou du thé, gorgée par gorgée, avec reconnaissance.
En voici un petit extrait du tome 1, offert par l’auteur :
La Chicorée sauvage
Source d’encouragement quotidien pour chacun sur son chemin quotidien, la paix qu’elle procure n’est pas saisissable d’emblée. Cette plante est pourtant la preuve que chaque journée peut révéler son lot de bonnes surprises et porter du fruit. La procédure du réveil s’est enclenchée. Pas à pas, minute après minute, le chemin habituel est emprunté. Le paysage défile machinalement. La journée semble ordinaire. Soudain, elle paraît ! Et illumine en un instant l’élan du matin. La bleue, naturellement. En bord de route. Force est de constater que sa persévérance renouvelle chaque jour son existence et son éclat. Délaissée, coupée par la force mécanique de la faucheuse, piétinée, écrasée, séchée par la chaleur, tenue à l’écart, dédaignée, n’ayant rien qui attire le regard, la Chicorée sauvage repousse inlassablement et laisse ouvrir ses grandes capitules. Le matin uniquement. Au bord des chemins, des champs, des décombres et des pâturages, ses reflets auxquels les rayons du soleil viennent donner toutes leurs nuances, s’éparpillent et répandent leur composition colorée. Au milieu des ombres et noirceurs de la fin de la nuit, elle illumine. Telle une clairière ensoleillée, elle redonne couleur et vie. De par son existence abreuvée d’échappements, de sécheresses, de vents, de conditions excessives, elle affirme que, malgré les difficultés, tout reste possible. Sa tige ramifiée qui la distingue des fines herbes considérées, ramène espoir en ce que l’extrême simplicité de toute forme peut engendrer le merveilleux. Si la Chicorée existe, quelle que soit l’humeur matinale, la journée va offrir des possibilités insoupçonnées.
MAJ 2022 : voici également un extrait du tome 2
La courbe
On l’épouse. C’est dire si elle occupe une place de choix dans la hiérarchie des choses ! On peut la suivre aussi, sur les chemins et les routes escarpés. Car la courbe exprime le changement de direction. Elle est synonyme de virages. Et illustre les trajectoires de chacun. Les détours aussi. On peut la qualifier de convexe, de concave. On évitera ici les courbes de tendances. Et la finance. L’observateur des choses fera en sorte de ne conserver que la douce révélation de sa forme.
Sur toute la ligne. Pourquoi effectivement ne pas limiter l’analyse des choses aux courbures géométriques. Elles appellent au calme. À la tempérance. À l’équilibre. Le
changement de trajectoire est mesuré. La ligne, légèrement modifiée. C’est une forme d’organisation particulièrement délicate, contrairement aux quadrillages qui se coupent et s’entrecroisent. Opposée aux droites cartésiennes et aux logiques unidirectionnelles, elle se différencie du brut et apporte son raffinement. Le délicat. Elle illumine le mouvement avec finesse. C’est aussi la preuve du temps qui passe, laissant les traces au contact de la matière. Et la possibilité d’arrondir les angles, les galets de la plage en
étant d’autant plus formés et adoucis pour l’occasion. La tendresse qu’elle répand n’a d’équivalent que dans le ciel. Douce et puissante à la fois.
Voir aussi : un défi d’écriture sur les petits bonheurs
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