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Le type à la fumée

Par Mélanie Colonnette

C’est moi le type à la fumée. 

Pas la peine d’expliquer pourquoi, c’est assez évident. 

Bien sûr que j’ai un prénom, comme tout le monde. Mes parents ont jugé bon de m’appeler Baptiste. Mais d’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours été appelé le type à la fumée. Je  suis certain, que personne, ici, ne serait capable de citer mon prénom. En même temps, je ne  suis rien pour eux…. Enfin si, je suis le type à la fumée. 

Comment tout a commencé ? Je crois que c’était lors de la mort de mes parents. J’ai été  recueilli par des parents éloignés qui n’étaient clairement pas enthousiastes à l’idée de  m’accueillir.  

Ils m’ont élevé, oui, mais ils m’assaillaient toute la journée de paroles plus assassines les unes que les autres :

Incapable, bon à rien, inutile, incapable, fainéant. 

Ces paroles ont tourbillonné dans ma tête de petit garçon. Je n’arrivais pas à m’en défaire.  C’est ainsi qu’elle est née. D’abord, petite et discrète, elle s’est imposée de plus en plus….  Une énorme fumée noire ! Le petit bout que j’étais était incapable de faire quoi que ce soit.  

Incapable, bon à rien, inutile, incapable, fainéant.

Les années sont passées, mais cette maudite fumée, elle, est restée. 

Jour et nuit, elle me suit. Impossible d’être tranquille, elle empoisonne complètement mon  quotidien. Elle m’aveugle. Je ne peux rien faire.  

Je vis dans une obscurité permanente. J’ai l’impression que ça a toujours été le cas.  Ceux que j’aimais ne sont plus, je suis seul….  

Je les déteste, je déteste ma vie… Et cette fumée qui ne fait que grossir… Je ne sers à rien, personne ne m’aime…. 

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Oui, bien sûr que tout le monde le connaissait dans le village. En même temps, un homme  enveloppé d’une épaisse fumée noire assez énigmatique, c’est difficile de passer inaperçu. 

Tellement compacte au point que l’on ne pouvait pas distinguer son visage… c’était très  impressionnant.  

Les rares personnes qui ont essayé d’interagir avec lui, se retrouvaient elles aussi rapidement  prisonnières de cette obscure fumée. Sous cette atmosphère étouffante et oppressante, il était  difficile de tenir bien longtemps. Et ces bonnes âmes ou ces curieux finissaient par partir en  courant, suffoquant…. très loin du bonhomme et de sa fumée. Ah non vraiment, il n’avait pas  une vie rigolote celui-là. 

Il passait le plus clair de son temps tout seul, en retrait. 

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Evidemment que j’ai essayé de me débarrasser de cette fumée… Pensez-vous vraiment que  cela me plait de vivre ainsi ? Plusieurs fois, j’ai cru avoir réussi à me débarrasser de cet ami  indésirable, mais il revenait plus fort que jamais et plus ténébreux. 

Ce voile opaque gâche complètement mon existence. J’ai plusieurs fois essayé de faire  comme s’il n’était pas là et de tenter de vivre normalement. Avoir des amis, m’amuser, connaitre le bonheur, admirer la nature… Mais c’est tout bonnement impossible. La fumée  me gêne dans tous mes mouvements et fait fuir tout ce vers qui je pourrai tenter de m’approcher.  

La fumée me ramène vite à ma réalité morose et pénible.  

Elle est plus forte que moi, j’ai essayé de lutter contre elle, mais sans succès. Je n’y arriverai pas, j’ai peur, je suis incapable, je suis un bon à rien  

Alors, j’ai fini par capituler. Pourquoi lutter ? je suis destiné à vivre dans cette pénombre jusqu’à  la fin de mes jours. C’est écrit comme ça, pourquoi résister ?  

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Je me rappelle très bien le jour où s’est arrivé. Cela avait commencé comme un jour ordinaire. 

Elle était tellement jeune, mais le regard déterminé. Cette jeune femme, toute chétive, que  personne ne connaissait, faisait le tour du village, clamant à qui veut l’entendre qu’elle avait  une bonne nouvelle que tout individu devrait entendre un jour. 

Si elle avait été au départ au centre de l’attention, elle était devenue rapidement le sujet de  moquerie des villageois. Aucun ne prenait au sérieux ce qu’elle leur disait. On l’accusait de  raconter des fables ou d’être d’une naïveté affligeante. Non, non, il était tout bonnement  impossible, qu’une personne, une seule, soit capable de changer une existence à tout jamais,  fusse-t-il le « Fils de Dieu ». 

Pourtant, elle ne se décourageait pas, elle frappait à chaque maisonnée du village, cherchant  à tout prix à partager sa Bonne Nouvelle avec tous. Peu importe comment elle était  traitée…son maitre n’avait-il pas connu pire châtiment ? 

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Quelqu’un frappe à ma porte. 

Je trouve cela louche. Cela fait bien longtemps que plus personne ne se donne la peine de  venir me voir. 

En plus, aujourd’hui, plus que d’habitude, la fumée se montre particulièrement compacte. Je n’arrive même pas à voir mes pieds à travers le nuage. Mon esprit est comme plongé dans  l’obscurité… je n’ai pas envie d’ouvrir. A quoi bon ?  

Tu ne vaux rien, tu ne vaux rien, tu ne vaux rien.

J’ai l’impression de m’éteindre, je n’arrive plus à supporter cette vie, je n’en peux plus….

Personne ne te regrettera, ta vie ne sert à rien……  

Le mystérieux visiteur continue à frapper. Pourquoi persiste-il ? Je peux aller ouvrir. Après  tout, ce n’est pas comme si j’avais encore quelque chose à perdre. Malgré la fumée, j’arrive à  ouvrir la porte tant bien que mal. 

Malgré les yeux enténébrés, je vois face à moi une demoiselle que je ne connais pas. Je crois  lire un peu de perplexité dans son regard en me voyant. Mais il est très vite remplacé par un  sourire très chaleureux. 

Je ne m’attends pas à la voir rester très longtemps. La fumée commence déjà à se répandre sur la visiteuse. Seulement, là, pour la première fois, elle semble ne pas réussir  à l’envelopper elle aussi. Il y a comme une force qui empêche son étendue.  

Elle me tend, ce que je crois être un livre, mais je ne vois rien avec la fumée. Impossible de  déchiffrer les mots. Elle me dit : C’est pour vous. Ce livre est un vrai miroir. En le lisant,  découvrez qui vous êtes vraiment, comment Dieu vous voit. 

J’essaie de me concentrer tant bien que mal sur la page ouverte, mais j’ai l’impression que le  brouillard autour de moi se fait de plus en plus épais.  

Mensonge, incapable, tu n’es rien, tu ne vaux rien, c’est cette fumée qui te définit…. 

Cela tourne en boucle dans ma tête. Je fais tous les efforts du monde pour essayer de lire la  phrase qu’elle me montre. 

Parce que tu as de la valeur à mes yeux, parce que tu as de l’importance et que je t’aime (…)

Non ce n’est pas possible, cela ne peut pas être pour moi. Elle tourne encore des pages.

Ta parole est une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier. 

Moi, prétendre à la lumière ? N’a-t-elle pas vu cette épaisse fumée qui m’accompagne ? Je  suis incapable de vivre sans… Mais mon interlocutrice semble lire mes pensées : Oui c’est aussi pour vous. Jésus a donné sa vie pour chacun de nous. Il vous aime. Il est capable de  changer votre vie et de vous sortir de ces ténèbres. 

Impossible, impossible, impossible.

Jamais je n’avais entendu parler de ce Jésus. Pourquoi suis-je aussi bouleversé ? Je n’arrive  pas à comprendre ce qui se passe…. Cela fait tellement de temps que je suis prisonnier de  cette fumée…. J’avais arrêté d’espérer quoi que ce soit.  

Impossible, impossible, impossible, incapable, incapable, incapable…. 

La fille me prend la main. Elle poursuit d’une voix douce : si vous le croyez aujourd’hui, ce verset peut devenir une réalité dans votre vie. Répétez-le après moi.  

Jésus dit : Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au contraire la lumière de la vie. 

Je ne peux m’empêcher de pleurer. Je veux connaitre cette lumière. Je le veux ! 

Impossible, impos (….) non ! Jésus dit : Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne  marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au contraire la lumière de la vie. Je le crois !!

Je le répète encore et encore, jusqu’à être à bout de souffle ! elle me donne un nouveau  passage.  

Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au contraire la lumière de  la vie.  

C’est juste incroyable ! Plus je crie ces paroles, et plus je sens la lumière percer petit à petit ma fumée. Encore, encore et encore…. Elle si épaisse, commence à se disperser sous une  lumière éclatante ! C’est tellement agréable. J’ai l’impression de respirer pour la première fois.  

Mes yeux, tellement habitués à l’obscurité, s’ouvrent avec peine comme un nouveau-né. Je  distingue tout ce qui m’entoure très nettement ! Qu’est-ce que c’est beau ! Les larmes  continuent à couler …. Ma fumée est en train de disparaitre, je n’en reviens pas. 

Qu’est-ce qui s’est passé ?  

Je regarde tout tremblant la jeune fille. Elle m’adresse un grand sourire. Et me montre un nouveau passage dans son livre. 

Or à celui qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment plus que  tout ce que nous demandons et pensons… 

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C’est incroyable le jour où il est revenu au village. Tout le monde le regardait, intrigué. Encore  un nouveau visiteur ? Il était radieux et dégageait une lumière singulière. A ses côtés, la jeune femme de tout à l’heure dont ils s’étaient moqués. 

L’homme regardait tout autour de lui, les yeux pétillants, comme s’il voyait pour la première  fois. En même temps, c’est totalement l’impression qu’il avait. Enfin, enfin, son existence  prenait une autre saveur. 

Il appela tout le village à se rassembler et brandit le fameux livre : je viens d’expérimenter que  ce livre est la vérité ! Jésus existe et il peut changer nos vies. Ecoutez ce qu’elle a à vous dire.  Vous ne me croyez pas ? Pourtant, vous me connaissiez tous…. 

Et il raconte tout ce qui s’est passé. Tout le village est sidéré. Serait-ce vraiment possible que  … ?  

La fumée n’est jamais revenue. Depuis ce jour et à chaque fois que cela lui est possible, il  raconte à qui veut bien l’entendre ce que Jésus a fait pour lui. Encore aujourd’hui, il ne se lasse pas de raconter comment La vraie lumière a percé ses ténèbres. 

Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez  comme des enfants de lumière ! 

Il m’a libéré, il m’a sauvé, il m’aime, il a donné sa vie pour moi, il me rend capable.

Quel est mon prénom ? Je m’appelle Baptiste.

Mélanie Colonnette, en réponse au défi d’écriture sur l’habitude

2 commentaires sur “Le type à la fumée

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