D’après une récente étude les Français seraient les rois de la procrastination, c’est-à-dire de la tendance à remettre à demain ce qu’ils peuvent faire aujourd’hui. Ce type d’annonce n’a évidemment aucun caractère scientifique, et comme la plupart des sondages, elle n’a probablement été établie que sur la base de questions idiotes, qui vous soufflent la réponse. Mais enfin… nous autres vieux gaulois, sentons bien dans notre for intérieur, qu’il doit y avoir quelque chose de vrai dans ce jugement à l’emporte-pièce, mais qui ne date pas d’hier. Pour preuve les vers qui suivent, dus à une poétesse remarquable, au parcours hors du commun, dont peu de personnes se souviennent aujoud’hui : Augustine-Malvina Blanchecotte (1830-1897).
Tandis que la plupart des femmes de lettres de son époque appartiennent à la haute bourgeoisie, ou à la noblesse, Augustine naît dans le milieu ouvrier, et sa situation matérielle restera précaire toute sa vie. Elle a écrit plusieurs poèmes sur le siège de Paris, et les Tablettes d’une Femme pendant la Commune ; mais elle n’est pas une Louise Michel : la violence lui répugne trop, et elle a conscience du regard de Dieu. C’est dans son principal recueil de poésies Rêves et Réalités que l’on perçoit le mieux son âme, à la fois hypersensible et forte, que les chagrins et les déceptions poussent constamment vers la tentation du stoïcisme, sans qu’elle y cède réellement. C’est là qu’on trouve cette belle exhortation adressée à tous les procratinasteurs que nous sommes :
Doublons le temps rapide, armons l’heure légère :
Soyons dès le matin vigilants : agissons !
Bêchons le champ de l’âme, ayons plusieurs moissons !
Grâce à la force vive en nous-mêmes amassée,
Faisons rendre à l’esprit ce qu’il peut de pensée,
Faisons donner au cœur ce qu’il contient d’amour !
Méditons, enseignons, pratiquons tour à tour.
Il ne faut point partir sa tâche à moitié faite,
Mais présenter à Dieu sa mesure complète.
Chacun de nos instants peut être le dernier,
Soyons prêtre et soldat, l’apôtre et le guerrier;
Ne déposons jamais le bâton de voyage :
Quoi qu’on ait fait, on peut encore davantage.
La même idée se retrouve exprimée en prose dans Impressions d’une femme : pensées, sentiments et portraits (1868) :
Ce passage ne serait-il pas digne de figurer dans un recueil d’homilétique à l’usage des pasteurs évangéliques ? Et pourtant, au survol de ses écrits, il apparaît que la foi chrétienne d’Augustine Blanchecotte, n’a vraisemblablement jamais dépassé un stade embryonnaire, sans jamais parvenir à une vue distincte du salut qui se trouve en Jésus-Christ. C’est là souvent un triste sujet d’étonnement que l’on éprouve en fouillant la vie des poètes : ce constrate frappant entre leur riche don d’aperception sentimentale, et leur myopie spirituelle, voire leur cécité. Ce manque de vision pourrait sans doute s’expliquer dans bien des cas par un manque de connaissance : ils n’ont jamais été mis en contact avec la pure vérité biblique.
Mais vous, Français du troisième millénaire, qui sur vos écrans avez un accès instantané et permanent à toute la connaissance possible, quand lirez-vous l’Évangile ? Quand, comme Zachée, ignorant la masse informe et bruyante de facebook, monterez-vous sur votre sycomore pour écouter sérieusement le message du salut, en disant : « Il faut aujourd’hui que je sache qui est Jésus-Christ » ? Ah, répondez-vous : Demain… demain… encore demain…