Rois, Soldats et Prophètes·Théâtre

Naaman (8)

ACTE III (suite)

Scène IV

NAAMAN – JORAM

JORAM

Envoyé de Syrie, je suis à toi.

NAAMAN

                                            La paix
Soit sur toi, roi Joram, et qu’un bonheur parfait
De Rimmon soit le don sur ta magnificence.

JORAM

Laissons tout protocole et toute bienséance
Et venons-en au fait ! Enfin, je vois entrer
Un soldat syrien, ennemi déclaré,
Dans mon palais royal. Que me vaut ta visite ?
Et que veut ta présence en terre israélite ?
Ton roi ne veut-il pas chercher quelque conflit ?
N’est-il pas contre moi de querelles rempli ?

NAAMAN

Sire, je suis armé de pensées pacifiques
Et non point animé de desseins politiques.
Je ne veux nullement t’inquiéter, grand roi.
Mon maître Ben-Hadad m’a fait mander vers toi ;
En main propre au Seigneur de la nation juive
Je dois sans plus tarder remettre une missive.

JORAM

Que dit-elle ? Voyons…

(Il lit la lettre que lui donne Naaman.)

                                   « Ben-Hadad, empereur
De Damas, à Joram, puissant maître et seigneur,
Despote d’Israël et de la Samarie.
Je t’envoie Naaman, général de Syrie
Afin que, par tes soins, mon serviteur soumis
De sa lèpre bientôt me revienne guéri. »

Par tous les dieux ! Quelle est cette bouffonnerie ?
Je goûte sans plaisir votre plaisanterie.
De Joram d’Israël ose-t-on se moquer ?
Ton roi dans ma maison veut-il me provoquer ?
Qui suis-je en ce bas lieu pour y sauver un homme ?
Souverains sans pouvoir, voilà ce que nous sommes.
Me prend-il pour un dieu capable de guérir ?
De rage le coquin veut-il me voir mourir ?
Car j’ai vu en régnant bien des sujets de guerre
Mais semblable à ceci je n’en ai connu guère.
Manque-t-il de courage pour me charger de front
Qu’il use devant moi d’un procédé félon ?
Je ne tolère pas d’un si piètre stratège
Qu’il me tende aujourd’hui ce ridicule piège.
Dans de si gros filets veut-il me capturer ?
L’écartement des mailles a-t-il bien mesuré ?
Repars vers la Syrie et va dire à ton maître
Que je ne puis donner bonne suite à sa lettre :
Les dieux ne m’ont donné le don de guérison.
Son initiative égare la raison.
Bon voyage à présent, qu’Aschéra te bénisse.

NAAMAN

De Rimmon les bienfaits sur ton chef s’accomplissent.

Scène V

NAAMAN – LÉA

NAAMAN

Peste soit de Joram ! Minuscule tyran !
Tel un chien recevoir un homme de mon rang !

LÉA (à part)

Voici mon Naaman la face dépitée.

(à Naaman)

J’espère que de joie ton âme est agitée ?
De l’accueil de mon roi te sens-tu satisfait
Et ta lettre sur lui fit-elle bon effet ?

NAAMAN

Nous rentrons à Damas.

LÉA

                                   Alors-là, je m’incline !
Il t’a donc accordé la guérison divine !
Puisse Dieu pardonner mon incrédulité,
Je la veux confesser en pleine humilité.
J’ai péché aujourd’hui par tant de médisance
Et dépose à tes pieds toute ma repentance.

NAAMAN

Tu persifles encore, maudite, épargne-moi.
Oses-tu rire, enfant pervers, du désarroi
Qui me brise et me tue, m’accable et m’humilie.
Prends mon poignard, Léa, et transperce ma vie
Car Naaman ne peut survivre à cet affront :
L’insulte de Joram, la lèpre sur mon front,
Pire encor, le mépris de l’esclave effrontée.
Tue-moi donc maintenant, la mort est méritée.

LÉA

Oserai-je tirer la dague du fourreau ?
Pour écouler ton sang trouve un autre bourreau.
Naaman, mon Seigneur, est un maître bien lâche,
Devant sa destinée rechignant à la tâche.

NAAMAN

Ces mots-là sont de trop, Léa, je te préviens !
Sais-tu quel est mon rang ? Sais-tu quel est le tien ?
Je saurais par les coups punir ton insolence.

LÉA

Le remède à ton mal n’est pas la violence.

NAAMAN

C’est assez palabrer. En Syrie nous rentrons.
Quittons ce lieu maudit sans tambour ni clairon.
Pour suivre ton conseil j’étais bien trop crédule
Et je me suis assez couvert de ridicule.

LÉA

Cesse de trépigner comme un enfant gâté.

NAAMAM

Je…

LÉA

        Tais-toi maintenant et daigne m’écouter.
Je suis lasse, crois-moi, de tes coups de colère,
Fatiguée de tes crises. Vas-tu enfin te taire ?

NAAMAN

Tu me parles à moi comme un maître à son chien !
Je suis chef des armées. Toi, Léa, tu n’es rien.
Crains que de mon épée je me fasse justice.

LÉA

Ma mort suffira-t-elle à ton dernier caprice ?
N’oublie pas qu’en mes mains je tiens ta guérison.
Écoute ta servante et viens à la raison.

NAAMAN

Quoi ?

LÉA

            N’ai-je pas parlé du prophète Élisée ?
Ta guérison déjà serait réalisée
Si tu avais suivi le conseil de Léa
Plutôt que te livrer toi-même aux aléas
D’une diplomatie stupide autant que vaine
Et te laisser leurrer par des ruses mondaines.

NAAMAN

Mais enfin cette lettre aurait dû le toucher !
Ce roi de Samarie est bien mal embouché.

LÉA

Le voilà reparti encore avec sa lettre !
À la sagesse enfin veux-tu bien te soumettre ?
Je te parle du Dieu qui seul peut te guérir.
Il choisit Élisée, désigné pour servir.
Mais toi, maître aveuglé par les gloires humaines
Tu n’as trouvé céans que défaite et que peine.
Tu suis de faux chemins, de faux raisonnements,
Tu te laisses troubler par de creux sentiments.
Faut-il que ta pensée à ton corps asservie
Contraigne ta sagesse à la paralysie.
Ton esprit de soldat ne te mène pas loin.
Beau visage et gros bras, mais de cervelle, point.

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© 2019 Lilianof

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