Des perles de pluie

La nuit est tombée
J’entends le crépitement de ses larmes
Sans gémir, ni crier
Cacherait elle qu’un mal la gagne

Sous mon vieux parapluie
Le son de la pluie me charme
J’écoute et j’apprécie
D’être loin du vacarme

Elle multiplie les tics
Alternant par des tacs
Elle impose sa rythmique
Percutante, elle impacte

Je traverse une averse
Quand soudain se déverse
Les dernières larmes du ciel
Ce clapotis est torrentiel

Chaudement habillé
Je n’ai pas froid
Les rues sont éclairées
Je marche et j’aime ça

Je n’affronte pas la pluie
Je m’allie avec elle
Je prends plaisir à la vie
Quand sur moi elle ruisselle

Si précieuse pour la terre
Quand celle-ci se refait une beauté
Elle enrichit l’hiver
Pour qu’il sorte de sa nudité

Elle est aussi ma richesse
Je veux la contempler
Son or n’est pas un coffre de pièces
Mais le cadeau d’exister

Ce n’est pas un collier
Mais un amas de perles
A travers elles, transparait
Le don de la vie naturelle

D’aussi loin que je me souvienne
La pluie me berçait, elle m’endormait
Chantant une mélodie si vieille
Qu’avec elle le vent sifflait

Sur les vitres de ma chambre
Enfant je pouvais les observer
Ces perles savaient me détendre
Frayant des chemins de pluies éclairés

Transparentes et intrigantes
Je les regardais se transformer
Elles changeaient leurs formes apparentes
S’allongeant pour se déplacer

Elles descendaient lentement
Très lentement
Puis, en un coup
Elles glissaient jusqu’à l’autre bout

Atterrissant sur l’appui de fenêtres
Un micro-lac de pluie
Pouvait ainsi apparaître
Libre d’être imprécis

Enfant, nous apprenons beaucoup de choses
Sans que les grands viennent expliquer
Ils ont déraciné toutes leurs roses
La pluie tombe, sans racine elles ne peuvent plus pousser

Dans l’infiniment petit
Je perçois le reflet
De l’immensité de la vie
Qu’un détail peut esquisser

On porte en nous la vie
Sachant qu’elle va nous emporter
Mais elle nous porte aussi
Pour que l’on puisse la supporter

La pluie s’est arrêtée
Un silence de soie prend place
Mon être est apaisé
En direction de chez moi je me déplace

Déjà je le sais
Si le ciel venait à nouveau pleurer
Cette fois je serais emmitouflé
Dans des draps auprès de ma bien-aimée

Samedi 25 mars 2023