Ce dialogue est une réponse au défi d’écriture en cours : écris un dialogue. Il faut inventer un dialogue entre les animaux des photographies proposées. Ce dialogue devra posséder une morale plus ou moins explicite (= un enseignement qui se dégage, une conduite que les propos invitent à tenir). La forme du dialogue doit être maintenue sur l’ensemble du texte.
– Ooohh !! Jeanine ! Je t’avais pas reconnu sur le coup ! Mais c’est fou ça ! Ça fait combien de temps qu’on s’était pas vu ! Depuis la dernière pluie je crois, non !? C’était y a quelques jours, cinq, peut-être six !? Je sais plus, bref ! Le fait est que ça me fait penser que c’était le jour où j’ai aussi croisé Roberto le moineau, et figure-toi que j’ai appris que Mathilde, alors, pas la Mathilde qui a été attrapée par un rapace la saison dernière, paix à son âme, je parle de Mathilde sa troisième sœur, celle qui est née de la deuxième couvée de leur mère, bref ! Tu devineras JAMAIS avec qui elle a décidé de former une bande pour l’hiver… alors ?
– Ah ? Euh.. Non je sais pas..
– Avec une troupe de Pic Epeiche ! HAHA !
– Ah d’accord, non je savais p…
– Non mais attends ! C’est même pas le pire ! Essaie de deviner pourquoi !
– Euh.. Je sais p..
– Alors ! On m’a dit qu’elle aurait entendu des humains discuter au sujet d’une étude sur les bienfaits des sons, si, si ! Parait que les sons répétés pourraient procurer une sérénité intérieure, un truc par rapport au fait de parvenir à se reconnecter avec son être spirituel, je sais plus trop quoi, bref ! Elle est allée dire à tout le monde que… Non mais écoute, c’est hilarant !
– Mais je t’écoute, je t’écoute…
– Beh non tu m’écoutes pas, Jeanine, qu’est-ce que t’as ? T’es toute bizarre, tu fixes l’eau comme ça sans bouger, ça va pas bien ? C’est les graines de gui ? Me dis pas que t’es devenue intolérante toi aussi !?
– Hein ? Mais non pas du tout, ça n’a rien à voir. J’essaie juste de mémoriser mon visage, c’est tout…
– De mémoriser ton visage ? Mais pourquoi faire !?
– Beh pour essayer de m’en souvenir, pour quand je serai plus en face de l’eau, j’ai pas envie de l’oublier et parfois je n’arrive plus à m’en souvenir, je n’aime pas ce sentiment.
– Aaaah ! Beh je vais t’aider ! Attends, regarde-moi et je te décris tout ce que je vois, je vais te faire une super description détaillée tu vas voir.
– Non, non, je te remercie mais je veux pas l’entendre du bec d’un autre, je veux le voir de mes propres yeux.
– Oh mon Dieu !!! Je sais ce que c’est ! Tu nous fais une dépression à tendance bipolaire ! Alors ça, tu sais que chez les oiseaux, le dérèglement magnétique des pôles ça pardonne pas ! D’ailleurs, tu sais Georges le Bernache à cou roux, celui qui habite dans le grand chêne centenaire du parc en centre ville, il a eu exactement la même chose ! Le pauvre, il s’est retrouvé à voler en rond, coincé entre les deux pôles comme une girouette, plus du tout capable de pouvoir se repérer, tu sais que c’est extrêm…
– Mais je te dis que j’ai pas de problème, je suis ni en dépression, ni déréglé, ni intolérant aux graines… ni rien ! Je veux juste PAS oublier mon visage, c’est tout !
– Mais pourquoi faire !?
– Parce que je veux vivre sincèrement, et je peux pas vivre sincèrement si je sais même pas qui je suis.
– Beh t’as qu’à chanter ! T’écoutes le son de ta propre voix et tu te reconnais, et hop le tour est joué ! Ecoute : OOOOOO SOLE MIOOOOOOO !!
– Ah oui, oulà, c’est fort quand même, je suis pas cert…
– OOOOOOO SOLLEEEEEE MIOOOOOOOOO !!!!
– Oui, non mais au moins tourne la tête dans l’autre sens, parce que niveau décibel tu te laisses clairement pas abattre, et c’est pas super agréa…
– OOOOOOO SOLLLEEEEE MI
– STOOOPPP !! Pour l’amour de Dieu, stop !
– Beh quoi ? Qu’est-ce qu’y a ?…
– Tu comprends pas, je… je veux pas écouter le son de ma propre voix, je veux me voir ! Je veux me regarder, m’examiner pour qui je suis. Tu sais, je crois qu’on peut s’écouter longtemps chanter sans être véritablement sincère avec soi-même.
– Ah beh sympa ! Moi j’essaie de t’aider et toi tu me traites d’hypocrite !
– Non ! Bien sûr que non ! C’est pas ce que je voulais dire ! Je suis désolée, j’essayais juste d…
– Non mais, c’est bon, tu peux te garder tes excuses ET ton ingratitude ! Je pars !… Mais laisse-moi te dire une bonne chose, avant de te laisser à ta dépression à tendance bipolaire et clairement agressive : à force de passer ton temps à te regarder dans le reflet de cette eau, tu vas finir par passer à côté de ta vie ! Voilà ! Allez, ciao !
(Battements d’ailes)
– Oh… beh la pauvre, je voulais pas la vexer… (soupir de mésange)… je comprends ce qu’elle dit, mais je préfère vivre peu de choses, pourvu que je les vive sincèrement !
Merci Jake pour ce texte ! La mésange bavarde qui rapporte les derniers ragots est parfaitement dépeinte. C’est pourtant bien l’autre qui attire toute notre attention. Elle n’écoute pas les ragots, d’accord, mais que fait-elle à se regarder dans le bassin ? Elle tente de mémoriser son visage, nous dit-elle, pour ne pas l’oublier. Elle prend le temps de s’examiner elle-même, plutôt que d’entrer dans le jeu de la mésange mondaine. Quel bel exemple ! Jésus nous a demandé rien de moins. J’ai beaucoup apprécié la finesse avec laquelle tu nous offres cette morale, bravo ! J’ai d’ailleurs plaisir à relire encore ton dialogue. Cette mésange passe à côté de la vie que voudrait nous imposer notre culture : un amas d’expérience, sans le moindre sens. Un choix dans lequel on se retrouve et qui ouvre vers la véritable Vie…
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Woah ! Merci pour ton commentaire très encourageant ! Tu as totalement cerné mon intention et la morale du texte.
Ce défi est tombé pile au moment où je tentais de faire des progrès dans le fait de ne pas être un « auditeur oublieux de la Parole » et voyant cette petite mésange paisible et son reflet dans l’eau, j’ai sauté sur l’occasion pour partager ce bel encouragement que nous donne Jacques.
Sois béni !
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