Prose·Réflexions

QUI PEUT SAVOIR CE QUI L’ ATTEND VRAIMENT ?

Une vie au travail ! (Réflexion éthique personnelle)

Qui peut savoir ce qui l’attend vraiment ?
Un bout de papier plus épais que d’ordinaire, quelques signatures et nous voilà en possession d’une reconnaissance écrite de nos quelques années d’études. Entre mes mains, je tenais une déclaration d’aptitude, un laisser passer pour un nouveau monde, le monde du travail.

Porté par l’espérance de gagner ma vie, de trouver ma liberté, j’aspirais depuis quelques temps à ce moment, à cet instant, à ce passage considéré par beaucoup comme indispensable à la réussite d’une vie. Pensée bien trompeuse ! Si elle n’est pas un mensonge, elle n’est pas pour autant une vérité.

Je pensais que le plus dur était fait, que maintenant s’ouvrait le chemin des possibles et du paisible. Mais c’était sans imaginer l’existence de tous ces sentiers sensibles que l’on doit parcourir durant une carrière professionnelle, car c’est long une carrière et court à la fois.

Il y a des sentiers balisés qui rassurent nos premiers pas. Il y a des sentiers plaisants où l’on fait de belles rencontres de belles découvertes. Il y a aussi des sentiers boueux qui nous salissent et alourdissent nos pas. Il y a aussi des sentiers interdits qu’il faut éviter à tout prix si l’on veut durer, perdurer dans cette marche. Oui, car la vie au travail est une longue marche, une traversée dans le temps qui demande de l’endurance. Il ne suffit pas d’un bout de papier, d’une médaille scolaire, d’un savoir intellectualisé, il faut avant tout apprivoiser le réel.

L’impensable, l’imprévisible, l’inimaginable, la joie, la discorde, les longues routes interminables, les culs-de-sac qui nous ramènent régulièrement sur nos pas. Sur ces vieux bancs de bois, on ne m’a pas préparé à faire face au réel. Par ailleurs, je ne pense pas que cela peut s’apprendre sur un banc d’école et dans les livres, cela se vit et s’apprivoise au cœur même de l’expérience humaine.

En écoutant autour de moi, je me suis dit : finalement, le travail, ce n’est pas un monde mais un univers. Car l’univers du travail m’apparait comme un ensemble de mondes divers plus viables les uns que les autres. Cependant, tous demandent une éthique du soin et de la finesse pour tenter de l’apporter. C’est une responsabilité collective, une responsabilité qui appartient à l’ensemble des travailleurs que de prendre soin de son lieu de travail. A l’exception de quelques âmes déséquilibrées, j’ose imaginer que personne ne se rend au boulot pour souffrir et faire souffrir les autres, et pourtant, on ne peut nier que c’est ce que vit bien des gens. Aussi aimables peut-être l’humain, en dehors de son lieu d’activité professionnelle, aussi détestable peut-il devenir dans cet environnement bien souvent épuisant, pour ne pas dire hostile, par nature. Par définition, sans même y ajouter la complexité humaine, le travail, ce n’est ni les vacances, ni un lieu de camaraderie, c’est une activité pour laquelle nous sommes payés afin de rendre un service à la société ou pour y produire un ouvrage, une marchandise. Travailler ça fatigue, ça use, ça demande de l’énergie. Il nous faut donc être fort par les liens de l’ensemble, s’accrocher, s’engager dans la volonté d’édifier un collectif de travail capable de dépasser les fouteurs et le foutage de troubles, mais il faut le dire, ça ne va pas de soi. Si c’est trop malsain pour soi, il faut oser changer de monde tout en restant dans cet univers du travail. Certains s’épanouissent, d’autres subissent, certains fleurissent d’autres flétrissent, certains renaissent, d’autres y meurent à petit feu. Certains restent, d’autres partent. Certains ne veulent pas partir, d’autres doivent absolument partir.

Dans cet univers, il y a des mondes et dans ces mondes il y a des êtres et parmi ces êtres il y a des âmes. Lorsque l’activité humaine, quelle qu’elle soit, ne se mesure qu’à sa production et qu’elle ignore le soin de l’âme humaine, la sienne comme celle des autres, elle n’est plus qu’un esclavagisme moderne, un leurre, qui se déguise en fausse liberté et fausse réussite.

Quelle part puis-je prendre ? Vais-je la prendre ? Puis-je la reconnaître ? La responsabilité du soin relationnel au travail n’est-elle pas l’affaire de tout un chacun ? N’est-elle pas un principe universel qui nous permet de lutter contre la déshumanisation développée de façon sournoise par le fonctionnement entreprenariat capitaliste ? L’ouvrier, l’employé n’est plus qu’un outil sacrifié à l’augmentation d’un chiffre d’affaires, un moyen d’effectuer le travail attendu par une autorité supérieure, alors que riche de son expérience, de son désir de bien vivre, il devrait participer à penser le sens et la mise en place d’un travail qui reste humanisant.

Le travail est essentiel à la gestion du vivre ensemble dans ce monde, mais le vivant est bien trop souvent sacrifié à la gestion des intérêts économiques et au désir du pouvoir de quelques-uns sur les autres.

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