Classiques, Réflexions

Eustache – La griffe tranchante du Lion

     Laissons un peu les enfants Pevensie, et regardons vers un personnage incontournable de Narnia : Eustache. Eustache Clarence Scrubb, né en 1933 en Angleterre, est le cousin des quatre enfants Pevensie. Alors qu’il passe du temps avec Lucy et Edmund, ces derniers sont transportés vers Narnia, en passant à travers un tableau. Ils sont repêchés par l’équipage du Passeur d’Aurore et se retrouvent à aider le roi Caspian X à retrouver les sept seigneurs de Telmar, portés disparus depuis règne le roi Miraz.

Sommaire de la série

Une vraie calamité

     Les gens de Narnia vont rapidement découvrir qui est Eustache : un enfant capricieux, arrogant et  égoïste. En un mot : une vraie calamité ! Une partie de l’histoire est racontée avec des extraits de son journal et cela permet de voir combien son point de vue dépeint une réalité… différente. Par exemple, il décrit le navire naviguant dans une tempête perpétuelle, alors que le temps est au beau fixe ! Il va jusqu’à s’imaginer pouvoir déposer une assignation auprès d’un consulat britannique :

Il dut se sentir mieux car, au lieu de gémir à propos de sa tête et de la tempête, il commença à exiger d’être débarqué et annonça qu’au prochain port il déposerait une assignation contre eux tous auprès du consul britannique. Et quand Ripitchip demanda ce que c’était qu’une assignation et comment cela se déposait (Ripitchip pensait que c’était quelque nouvelle façon d’arranger un combat singulier), Eustache ne put que répondre :
— Tout le monde sait ça !
L’Odyssée du Passeur d’Aurore, chapitre 2, p. 33

     Il est rapidement battu en combat singulier par Ripitchip pour avoir traité la souris comme on pourrait le faire avec un animal de cirque. Mais Ripitchip voit plus loin que l’apparence et discerne un garçon qui a, au fond, un cœur tendre. Aslan l’a vu aussi et va le mettre au grand jour au fil de l’histoire.

     Au fur et à mesure de l’expédition, Eustache se rend compte de sa vraie nature, de ce qu’il est réellement. Les épreuves se succèdent, et ses échecs aussi. A un moment donné, il s’éloigne du campement pour échapper aux différentes tâches qui attendent les autres :

Alors, il lui vint une idée délicieuse. Personne ne le voyait : ils étaient tous en train de parler de leur bateau comme s’ils aimaient vraiment cette chose infecte. Pourquoi n’en profiterait-il pas pour s’éclipser tout tranquillement ?
L’Odyssée du Passeur d’Aurore, chapitre 5, p . 87

     Mais lors de sa promenade, il se perd et se retrouve dans la caverne d’un dragon rempli de trésors. Tout à son euphorie, il ne se doute de rien. Tout ce qu’il voit, c’est le trésor, et son esprit commence immédiatement à imaginer ce qu’il pourrait faire avec. Finalement, il s’endort sur le tas de trésors avec l’esprit envahi de pensées avides et égoïstes. A son réveil, il découvre, avec horreur, que dans son sommeil il s’est lui-même transformé en dragon. Le dragon qu’il est maintenant devenu n’est qu’une expression extérieure de l’état intérieur de son cœur :

Il se rendit compte qu’il était un monstre, mis à l’écart de l’ensemble de l’espèce humaine. Il fut submergé par le sentiment d’une accablante solitude. Il commença à comprendre qu’en réalité, les autres n’avaient pas été démoniaques du tout. Il commença à se demander si lui-même s’était comporté aussi bien que ce qu’il avait toujours supposé. Il se languissait de leurs voix. Il aurait accueilli avec reconnaissance un mot gentil, même venant de Ripitchip.
L’Odyssée du Passeur d’Aurore, chapitre 6, p. 111

     Le péché l’a rendu littéralement monstrueux. De la même façon que Smeagol devient Gollum dans le Seigneur des anneaux à cause de l’anneau, le péché a transformé Eustache en monstre, comme un reflet de son cœur égoïste. Le péché nous rend hideux, gâche nos relations et nous isole des autres. Même Lucy, la plus jeune Pevensie, qui a le cœur le plus attentionné des quatre Pevensie, a du mal à supporter Eustache !

     Eustache se rend ensuite au campement sous sa nouvelle forme. Les autres ne le reconnaissent évidemment pas et se préparent à combattre.  Ils finissent tout de même par comprendre qui est le dragon, en le voyant pleurer et en reconnaissant le bracelet. Dès lors, il est réadmis parmi le groupe et on se rend vite compte qu’il a changé : il les aide volontairement, chasse du gibier et va même les sortir d’une situation délicate en allant chercher dans la forêt un  tronc d’arbre pour remplacer le mat du Passeur d’Aurore. Son changement d’attitude est indéniable, mais, très vite, de nombreuses questions se posent :

— Est-ce qu’il tiendrait tout entier le long d’un côté du pont ? Il faudrait alors faire passer toutes les provisions de l’autre côté pour rééquilibrer.
— Est-ce que ce serait bien de le remorquer ?
— Est-ce qu’il serait capable de nous suivre en volant ?
— Mais comment allons-nous bien pouvoir le nourrir ?

     Et ce pauvre Eustache se rend compte que, lui qui n’avait cessé d’être une vraie calamité, devient maintenant une calamité encore pire.

Une rédemption tranchante

     Une nuit, Eustache fait une sorte de rêve, où un lion immense vient le rencontrer et lui ordonne de le suivre. Saisi d’une grande crainte, Eustache le suit longuement dans des sentiers escarpés jusqu’à ce qu’ils arrivent au sommet d’une montagne se trouvent un jardin, des arbres, des fruits, et au milieu : un puits.  Le puits, qui est comme une grande baignoire avec des marches en marbre pour y descendre, évoque le baptême. La première réaction d’Eustache est d’utiliser ces eaux pour soulager la douleur dans sa jambe (causée par le bracelet). Mais Aslan lui indique qu’auparavant il doit se déshabiller. Entrer dans les eaux de baptême sans de déshabiller ne servirait à rien, car le baptême est une sorte de mort.

J’étais sur le point de lui dire que je ne pouvais pas me déshabiller puisque je ne portais pas de vêtements, quand j’ai pensé tout d’un coup que les dragons sont de la même famille que les serpents et que les serpents peuvent changer de peau. Ah ! Bien sûr, ai-je pensé, c’est ce que le lion veut dire. Alors, j’ai commencé à me gratter et mes écailles se sont mises à tomber de partout sur mon corps. Et puis j’ai gratté un peu plus et, au lieu d’écaillés tombant par-ci, par-là, toute ma peau a commencé à peler magnifiquement, comme après une maladie, ou comme si j’étais une banane.
L’Odyssée du Passeur d’Aurore, chapitre 7, p. 117

     Mais Eustache découvre qu’une autre peau se trouve sous la première… et puis encore une autre. Il se rend compte qu’il lui faut recommencer encore et encore… Il commence à désespérer de pouvoir entrer dans l’eau lorsque le Lion intervient et lui propose d’ôter définitivement cette dernière peau.

Alors, le lion m’a dit (mais je ne sais pas s’il parlait) : « Il va falloir que tu me laisses te déshabiller. » J’avais peur de ses griffes, je peux te l’avouer, mais j’étais presque complètement désespéré à ce moment-là. Alors, je me suis simplement couché à plat sur le dos pour le laisser faire. La toute première griffure qu’il m’a faite était si profonde que j’ai eu l’impression qu’elle avait atteint mon cœur. Et quand il a commencé à retirer la peau, ça faisait plus mal que tout ce que j’ai jamais pu sentir. La seule chose qui me permettait de tenir le coup, c’était juste le plaisir de sentir ce truc s’arracher. Tu sais… quand tu arraches la croûte d’une écorchure. Ça fait un mal de chien mais c’est si amusant de la voir s’en aller.
— Je vois exactement ce que tu veux dire, acquiesça Edmund.
— Bon, alors, il a pelé ce damné truc complètement – juste comme je croyais l’avoir fait moi-même les trois autres fois, sauf que ça ne m’avait pas fait mal – et c’était là par terre dans l’herbe : seulement tellement plus épais, plus sombre, et l’air plus noueux que les autres. Et j’étais là, lisse et doux comme, une baguette écorcée, et plus petit qu’avant. Alors, il m’a saisi – je n’aimais pas beaucoup ça, parce que j’étais très sensible par-dessous, maintenant que je n’avais plus de peau – et il m’a jeté dans l’eau.
L’Odyssée du Passeur d’Aurore, chapitre 7, p. 118

     En revenant à la surface de l’eau, Eustache découvre qu’il est à nouveau devenu un petit garçon. Aslan lui donne alors un nouvel habit, qui vient symboliser l’homme nouveau qu’est devenu Eustache.
Cette histoire nous montre que nous ne pouvons pas changer nous-mêmes. Eustache arrive à un moment de sa vie où il veut changer. Il déteste ce qu’il est devenu, et il veut plus que tout redevenir un garçon. C’est un moment auquel nous sommes tous passés. Nous choisissons de changer de direction et de nous repentir de nos péchés. Nous lisons la Bible et nous disons « C’est ce que je veux ! ». Mais il y un problème : nous n’y parvenons pas. Le péché est bien plus profond en nous que nous ne le pensions.  Tout ce qu’Eustache peut faire, c’est se transformer en un dragon un peu moins ridé. Il ne peut plus redevenir un garçon. Il lui faut accepter l’aide de quelqu’un !

     Est-ce que nous avons laissé Jésus nous enlever la dernière peau et nous plonger dans les eaux du baptême ? Est-ce que nous avons connu par lui la mort  de l’homme ancien et la résurrection de l’homme nouveau ?

Un changement progressif

     Après sa repentance, Eustache retourne alors rejoindre les autres. Il sait que le pouvoir d’Aslan l’a changé, mais il sait aussi qu’il a des choses à régler avec les autres. Il s’excuse auprès d’Edmund. Il est maintenant en passe de devenir un être humain beaucoup plus agréable, mais le changement n’est pas instantané. Lewis est beaucoup trop lucide à propos de notre expérience chrétienne pour prétendre cela. Il dit :

Il serait agréable, et assez proche de la vérité, de pouvoir dire que, à compter de ce moment, Eustache fut un garçon différent. Pour être tout à fait précis, il commença à devenir un garçon différent. Il connut des rechutes. Il y eut encore beaucoup de jours où il pouvait être très fatigant.  
Mais je ne les mentionnerai pas pour la plupart. Sa guérison avait commencé.
L’Odyssée du Passeur d’Aurore, chapitre 7

     Nous retrouvons Eustache une deuxième fois à Narnia, en compagnie cette fois-ci de son amie Jill Pole. Ils sont chargés tous deux de retrouver le prince héritier Rilian (dans Le Fauteuil d’argent). Autant dire que ce n’est plus vraiment le même Eustache, mais il a encore des défauts !

     La vie chrétienne n’est pas un long fleuve tranquille où le péché disparait du jour au lendemain. C’est souvent deux pas en avant et un pas en arrière… Mais Jésus veille sur nous !

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