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Le testament de Victor Hugo

Voir l’introduction de cette série d’article.

Le 15 mai 1885, Victor Hugo est pris dans la nuit par la congestion pulmonaire qui le terrassera une semaine plus tard, le 22 mai 1885. Il meurt à 83 ans. Le 31 août 1881, il avait rédigé son testament :

« Dieu. L’âme. La responsabilité. Cette triple notion suffit à l’homme. Elle m’a suffi. C’est la religion vraie. J’ai vécu en elle. Je meurs en elle. Vérité, lumière, justice, conscience, c’est Dieu. Deus, Dies. [ … ] »

Il y laissera cette affirmation finale, comme un souffle, une espérance d’une infinie beauté hugolienne, que l’on voudrait répéter avec lui :

« Je vais fermer l’œil terrestre ; mais l’œil spirituel restera ouvert, plus grand que jamais. »

Un codicille sera ajouté le 2 août 1883 :

« Je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l’oraison de toutes les églises je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu. » (Lire toute la lettre)

Cette interrogation sur la légitimité de l’intercession entre Dieu et les hommes, Victor Hugo l’avait formulée bien avant la rédaction de son testament :

« Mais, ô Toi ! dis, réponds, parle. Est-ce que cet homme
Qui sait mal, et qui fait exprès de mal savoir,
Qui pour un dogme obscur déserte un clair devoir,  […]
Qui, par devant superbe et vendu par derrière,
Offre au riche et refuse au pauvre sa prière, […]
Sorte d’homme terrible où l’on peut naufrager
Dis, est-ce que moi, pâle et flottant passager
Qui veux la clarté vraie et non la lueur fausse,
Je dois faire appeler cet homme sur ma fosse ?
Est-ce que sur la tombe il est le bien venu ?
Est-ce qu’il est celui qu’écoute l’Inconnu ?
Est-ce que sa voix porte au delà de la terre ?
Est-ce qu’il a le droit de parler au mystère ?
Est-ce qu’il est ton prêtre ? Est-ce qu’il sait ton nom ?
Je vois Dieu dans les cieux faire signe que non. »
Les enterrements civils, La légende des siècles, 1877 (Lire sur Wikisource)

Visiblement, Victor Hugo ne tenait pas le clergé en haute estime. Cette aversion profonde daterait au moins d’une trentaine d’année auparavant. L’homme politique, fervent défenseur des droits de l’homme, supportait de moins en moins la persistante indifférence du parti catholique face à la misère des ouvriers. Le 15 janvier 1850, dans son discours sur la liberté de l’enseignement, il va attaquer frontalement pour la première fois l’institution catholique, dénonçant l’interdiction par la papauté de la lecture de la Bible :

« Il y a un livre, un livre qui semble d’un bout à l’autre une émanation supérieure, un livre qui contient toute la sagesse humaine éclairée par toute la sagesse divine, un livre que la vénération des peuples appelle le livre, la Bible : eh bien, votre censure a monté jusque-là ! Chose inouïe ! Il y a eu des papes qui ont proscrit la Bible !
Quel étonnement pour les esprits sages, quelle épouvante pour les cœurs simples de voir l’index de Rome posé sur le livre de Dieu ! Et vous ne craignez pas de déconcerter la foi ! Et vous réclamez la liberté de l’enseignement, la liberté d’enseigner !
Tenez, entendons-nous, soyons sincères : voulez-vous que je vous dise quelle est la liberté que vous réclamez ? C’est la liberté de ne pas enseigner. »

Victor Hugo, Discours à l’Assemblée nationale, 15 janvier 1850 (Discours entier)

Ce sera le début d’un désamour irrémédiable. Victor Hugo dira à un agent de recensement qui lui posait la question : « Je ne suis pas catholique. Je suis libre penseur. » (Source)
Le clergé fut d’ailleurs scandalisé lorsque, après sa mort, le gouvernement décida de faire à Hugo des funérailles nationales et de le faire enterrer… au Panthéon.

Mais alors, Victor Hugo croyait-il au « Seul Christ », un des 5 piliers de la Réforme Protestante, qui nous rappelle que Jésus est le seul intercesseur entre Dieu et nous ? Revenons un instant sur cette affirmation :
« Dieu. L’âme. La responsabilité. Cette triple notion suffit à l’homme. C’est la religion vraie. »
Que Dieu soit placé en premier, c’est évident. L’âme en deuxième, pourquoi pas. Mais pourquoi, dans cette triple notion suffisante, Victor Hugo a-t-il choisi de mettre en avant… la responsabilité ?
La responsabilité est une « obligation faite à une personne de répondre de ses actes du fait du rôle, des charges qu’elle doit assumer et d’en supporter toutes les conséquences. » (Trésor de la langue française).
Dans la Bible, nous ne trouvons pas directement le mot « responsabilité », mais cela ne veut pas dire que la notion en est absente. Au contraire, elle est présente d’un bout à l’autre ; et elle a fait couler beaucoup d’encre de la part des théologiens.
En tant que chrétiens, nous ne sommes plus responsables (au sens strict) de nos péchés, puisque nous ne devons plus en porter les conséquences. Jésus nous a déchargés de notre responsabilité de pécheur et nous n’avons plus à craindre le jugement.
Mais Romains 14:10-12 nous dit quand même : « Nous comparaîtrons tous, en effet, devant le tribunal de Christ […] Ainsi donc, chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même » (en savoir plus sur le Tribunal de Christ).
Jésus a pris la condamnation à notre place, mais il nous a laissé quand même une importante et magnifique responsabilité : celle d’être des enfants de Dieu et de vivre par la grâce…
Mais le poète parlait-il de cette responsabilité ? Nous vous posons la question. Notons quand même que, dans les dernières volontés de Victor Hugo, le nom de Jésus brille… par son absence. « Dieu. L’âme. Christ en moi. » aurait été plus clair, non ?

A suivre ….
Nous verrons la semaine prochaine que Victor Hugo n’affirmait pas vraiment comme Luther avant lui « Solus Christus », mais plutôt « Solus Poetae »…

Voir l’article Ego Hugo, moi Hugo

La version originale du testament (cliquer pour agrandir) :

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